7e dim. de Pâques (1/6) : Commentaire
Ce dimanche peut être appelé le dimanche de la prière, car il se situe dans la période où les apôtres, sur l’ordre de Jésus, attendirent, du jour de l’Ascension à la Pentecôte, la venue de l’Esprit Saint, en étant fidèles à la prière, avec Marie, mère de Jésus.
Mais c’est surtout le Christ priant que nous écoutons aujourd’hui dans sa grande et belle prière, appelée prière sacerdotale, parce que, en prêtre de sa communauté, il s’adresse au Père. Jésus y prie, non seulement pour ses disciples immédiats, mais "pour ceux qui croiront" donc pour nous (évangile), tandis que le diacre Etienne prie pour ses persécuteurs (première lecture), et que l’Eglise demande avec intensité : Viens, Seigneur Jésus (deuxième lecture).
Passons ces neuf jours entre l’Ascension et la Pentecôte (qui sont à l’origine de la coutume populaire des neuvaines) dans une prière plus intense et l’invocation de l’Esprit de Jésus.
Première lecture : Ac 7,55-60
Etienne, l’un des sept choisis comme diacres (), avait prêché le Christ avec un tel succès que les Juifs, furieux, s’étaient emparés de lui et l’avaient emmené devant le Sanhédrin (). Le voici en face de ses accusateurs. Il prononce un discours enflammé (omis ici) qui fait grincer des dents ses contradicteurs. Mais lui, rempli de l’Esprit Saint et illuminé par celui-ci, contemple les cieux ouverts. Il voit la gloire de Dieu, hébraïsme pour Dieu lui-même qu’on ne peut voir de face, mais dont on peut percevoir un reflet, la gloire. Il voit Jésus, debout en ressuscité, à la droite de Dieu dont il partage (selon une prophétie messianique du psaume 109 () le pouvoir et le gouvernement, tel le prince héritier assis sur le trône à côté de son père. Etienne voit encore le Christ en Fils de l’homme, autre expression messianique, plus forte que fils de Dieu (dit parfois des rois d’Israël). C’est donc clairement affirmer que celui que le Sanhédrin avait fait disparaître est vivant et triomphe de ses ennemis. C’est encore affirmer que Jésus prend le parti d’Etienne. Blasphème qui mérite la lapidation légale.
Etienne, premier martyr (témoin), s’endort dans la mort. La scène est construite sur le modèle de la passion du Christ, pour bien montrer que le disciple doit aller sur le chemin de Jésus et dans les mêmes sentiments : la même opposition des pharisiens le même tribunal et le même jugement de blasphème et de mort - le même pardon des ennemis : Seigneur, ne leur compte pas ce péché - le même abandon à Dieu, ici au Christ : Jésus, reçois mon esprit.
Significative, encore, la présence du jeune Saul, pour l’instant du côté pharisien, mais qui, lui aussi, sur le chemin de Damas, verra la gloire de Dieu et continuera, sous le nom de Paul, l’œuvre d’Etienne.
Enfin la vision montre Jésus debout à la droite de Dieu, ressuscité, glorifié. En quoi ce texte est éminemment pascal et bien à sa place en ce temps de Pâques. La résurrection est le noyau de notre foi et de notre message. Elle nous distingue nettement des Jésus-fans et d’autres qui acceptent Jésus-homme, mais refusent sa résurrection. Nous sommes “chrétiens”, c’est-à-dire disciples du Christ ressuscité.
Psaume : Ps 96
Le Seigneur ressuscité est roi, il est élevé dans le règne du Père, assis à sa droite (première lecture). Oui, tu es, Seigneur, le Très-Haut sur toute la terre. Aucun humain ne doit s’ériger en dernière instance. A genoux devant lui, vous, tous les dieux modernes : argent, pouvoir...
Exulte la terre entière ! Joie pour les îles, les nations les plus lointaines ! Tous les peuples ont vu sa gloire.
Deuxième lecture : Ap 22,12-14.16-20
L’Apocalypse nous accompagne pendant tout le Temps pascal comme deuxième lecture de l’année C. Nous lisons aujourd’hui sa dernière page qui n’est pas sans rappeler la première (voir deuxième dimanche de Pâques). C’est, comme alors, une contemplation de Jésus ressuscité, avec les mêmes attributs, rangés par deux fois trois.
Il est l’Alpha et l’Oméga (première et dernière lettres de l’alphabet grec). Il est le premier au début du monde - et le dernier, son but ; le commencement de l’histoire et sa fin. Puis il est encore décrit par les titres messianiques de descendant et rejeton de David, d’étoile du matin.
Ce Christ de gloire, ce Ressuscité vient. Et sans tarder. Comme juge qui va donner à chacun son salaire, selon que nous l’aurons accepté ou refusé. Ceux qui auront lavé leurs vêtements, qui auront été purifiés dans le sang du Christ par le baptême, un baptême vécu dans toutes ses conséquences, auront droit aux fruits de l’arbre de vie (la vie éternelle du Christ), à franchir les portes de la Cité (des demeures célestes), à boire l’eau de la vie divine. Images qui, chacune à sa façon, décrivent notre part au triomphe du Christ.
A cet invitatoire l’Epouse, l’Eglise, “mariée d’amour au Seigneur”, poussée intérieurement par l’Esprit de Jésus, répond avec un grand cri de désir : Viens ! Pas seulement à la fin des temps ou à notre mort, mais sans tarder maintenant, dans ta communauté qui célèbre l’eucharistie et qui proclame : "Nous attendons ta venue dans la gloire."
Texte bien adapté à ce dernier dimanche avant la Pentecôte. Le désir se fait plus ardent, plus intense : "Viens, Seigneur Jésus, viens dans ton Esprit !"
Vision grandiose et intime à la fois, propre à nous maintenir dans l’inébranlable confiance que le Christ guide le monde vers son achèvement glorieux.
Et le livre se termine avec le cri si familier aux premiers chrétiens qu’ils s’en servaient pour se saluer : Marana tha ! Viens, Seigneur Jésus ! Que notre désir intime de voir Jésus se réalise dès aujourd’hui. Et, quand nous nous sentirons “près de la fin”, ce ne sera pas la mort qu’il nous faudra attendre, mais Celui qui viendra sans tarder.
• Si quelqu’un ajoute... ou enlève des paroles à ce livre, Dieu lui infligera malheur.
Selon un procédé alors courant, l’auteur fulmine contre d’éventuels falsificateurs ou correcteurs, fussent-ils bien intentionnés. On sent le souci de transmettre le message dans toute sa pureté.
Evangile : Jn 17,20-26
En ce septième dimanche, nous lisons, répartie sur les trois années du cycle, la prière sacerdotale de Jésus, ainsi appelée parce que le Christ, nouveau Grand Prêtre, intercède près de son Père. Dans la première partie (année A), la prière demande “la gloire”, la résurrection du Christ ; dans la seconde (année B), la sanctification de ceux qui forment la petite communauté autour de Jésus. Ici (année C), dans la dernière partie, Jésus élargit sa prière à tous ceux qui accueilleront la parole des apôtres et croiront en lui. Ce soir-là, Jésus a prié pour moi.
Les communautés chrétiennes au temps de saint Jean n’étaient pas sans histoire ; le relâchement les guettait Mais ce que Jean semble redouter le plus, c’est la désunion. Celle-ci, hélas, n’a pas épargné la jeune ferveur. L’apôtre le laisse assez deviner dans d’autres écrits où il met en garde contre le manque d’amour et le danger de schisme (voir le début de l’Apocalypse : , ainsi que ses trois Lettres). Alors Jean se souvient de paroles que Jésus a dites lors de ses émouvants adieux, avant de passer de ce monde à son Père. Il se rappelle la prière que fit Jésus, à haute voix, devant eux. Les mots lui reviennent, il les transcrit, encore brûlants :
Que tous soient un !
Jésus, faut-il le dire, demande ici plus qu’une unité intellectuelle, l’acceptation de vérités, un commun bagage dogmatique. Saint François et l’inquisiteur récitaient la même formule du Credo : pourtant, quelle différence ! Jésus veut autre chose que le beau copinage d’un petit groupe qui partage les mêmes idées, vit dans une chaleureuse ambiance et se trouve engagé dans un même combat. Il demande que tous soient un COMME toi Père tu es en moi et moi en toi. Ce COMME est plus qu’un comparatif moral, il est cause ; plus que modèle, il est source.
Dieu n’est pas ce “célibataire qui s’ennuie derrière les étoiles”. Il y a en lui un échange, un toi-et-moi indicibles, un certain “plusieurs”. Jésus demande que cet échange dont le Père aime le Fils vienne aussi en nous ; que nous nous aimions par, avec et dans l’amour-même qui vibre à l’intérieur de Dieu. Qu’ils soient un en nous ! Qu’ils soient un comme nous sommes unis, moi en eux et toi en moi. Voilà l’unité parfaite.
Nous nous battons les flancs pour de nouvelles méthodes d’évangélisation. Jésus, au moment de quitter ses disciples, leur livre la plus efficace : Aimez-vous. Alors vous attirerez les hommes, ils seront curieux de vous, étonnés, saisis, conquis. Un fourneau bien chaud rayonne sa chaleur. Une communauté unie, chaude est une communauté de séduction. Le monde saura que tu m’as envoyé pour apporter ton amour, il verra que l’amour dont tu m’as aimé vit en eux.
La prière s’achève. Que demande Jésus pour terminer ? Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi. Ceux que tu m’as donnés : quelle tendresse ! Le Père nous a donnés, confiés à Jésus ! Je veux. C’est le seul “ordre” que, de sa vie, Jésus donne au Père. C’est qu’il y tient. Mais ce qui paraît un ordre n’est, en fait que ce que le Père veut lui-même. Je veux que là où je suis - il parle déjà en ressuscité, dans sa gloire céleste - eux aussi soient avec moi. Être avec Jésus, partager son bonheur, contempler sa gloire. Contempler. C’est à mille lieues du contresens qui nous imagine au paradis, à genoux sur un nuage, à regarder éternellement Dieu (quel ennui, pense-t-on !). Contempler, c’est expérimenter, savourer, être dedans. Expérimenter, non seulement la glorification du Christ-homme, mais tenez-vous bien, être plongé dans la gloire divine de Jésus, celle que, en tant que Verbe, il avait avant même la création du monde. Non une gloire froide, mais ce feu, ce frémissement dont tu m’as aimé depuis toujours.
Ainsi finit cette prière qui n’a pas sa pareille dans toute l’histoire religieuse de l’humanité. Est-ce encore prière d’homme ? C’est le dialogue du Fils avec le Père, comme devant nous, là. Que dis-je - en nous ! On gémit de voir cette prière rapidement débitée de l’ambon. Quant aux commentaires, ils ne peuvent que balbutier. Comme la saisissent bien autrement ceux qui la savourent dans de longs silences - et en vivent !
Prêtre du diocèse de Luxembourg.
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