22e dim. ordinaire (31/8) : Pistes pour l’homélie
Toute notre éducation depuis notre enfance nous pousse à vouloir être le 1er. On nous invite à gravir les échelons pour atteindre la plus haute promotion, le dessus de l’échelle. On nous apprend à soigner nos relations, à bien choisir nos amis, à jouer des coudes. Mais aujourd’hui Jésus semble venir enrayer cette évolution. En effet, comment chercher la dernière place alors que depuis que nous sommes petits on nous apprend à nous battre pour obtenir la 1re ? On comprend facilement la réaction de Nietzsche qui accusait l’Eglise d’enseigner une morale qui est une incitation à la démission, à la soumission.
C’est, je pense, bien mal comprendre le message de Jésus qui ne veut certainement pas nous démotiver, ni éteindre ou étouffer le dynamisme par lequel nous nous développons individuellement et socialement. Il veut au contraire nous ouvrir aux valeurs véritables. Paradoxalement et contrairement à ce que l’on croit, l’humilité n’est pas une manière de s’écraser ou de se diminuer mais de grandir. Cette croissance se situe cependant sur un autre plan. Remarquez en effet qu’un orgueilleux, s’il est admiré pour ses compétences ou son travail, n’est cependant guère aimé pour lui-même.
Nous connaissons certainement de ces personnages qui nous prennent de haut, nous regardent avec dédain, trop sûrs d’eux-mêmes, ils se prennent pour le centre du monde. Il est bien difficile d’éprouver envers eux des sentiments d’amitié et d’entretenir des relations fraternelles.
Quand Jésus suggère aux invités de prendre la dernière place, ce n’est pas pour que, dans un subtil calcul, ils obtiennent la 1re, mais parce que l’humilité permet de développer une plus grande qualité dans les relations avec les autres et aussi avec Dieu. Je pense que l’on peut même aller jusqu’à dire que seule la personne humble peut vraiment aimer l’autre pour lui-même.
Si nous pouvons dire que Dieu nous aime, n’est-ce pas parce que lui-même s’est abaissé, humilié, prenant la dernière place parmi nous ? Et comme le maître du repas de l’évangile, le Père à répondu à cette humilité de Jésus en lui donnant à Pâques la 1re place parmi les ressuscités.
Quelles conclusions pouvons-nous tirer de tout cela ? Je n’en retiendrai que 2 :
– La 1re est qu’il faut prendre conscience que tout nous est donné : ce que nous avons et ce que nous sommes.
Cette prise de conscience ne pourra entraîner chez nous que des attitudes d’accueil, d’admiration, de reconnaissance, de respect. Alors, de nos rencontres, contrairement à ce que disait Nietzsche, jaillira l’enthousiasme, le désir de faire plus et mieux. Dorénavant notre attitude de suffisance, notre désir de posséder l’autre, de le dominer, d’en tirer profit, tout cela fera place au désir d’apprendre, de recevoir et même d’être changé par l’autre.
– La 2e conclusion est toute simple aussi : l’humilité est joyeuse et se manifeste dans l’humour. Humour et humilité, voilà d’ailleurs 2 mots très proches, très semblables.
Il ne s’agit pas évidemment de l’humour grinçant qu’on appelle ironie qui ridiculise l’autre, cette ironie qui dit-on, « est l’arme des faibles », mais il s’agit de l’humour que l’on exerce vis-à-vis de soi-même et qui empêche que l’on se prenne au sérieux. Cet humour-là est le signe d’une bonne santé psychologique et d’une force intérieure profonde.
L’humilité est peut-être la plus petite des vertus, elle a pris elle-même la dernière place, mais il est tout à notre avantage de la mettre à la 1re, puisque sans l’humilité il nous est impossible d’aimer vraiment.
Piste 2
Lorsque je prépare une homélie, un de mes premiers réflexes c’est de me poser la question : « En quoi ces textes du dimanche sont-ils une Bonne Nouvelle pour moi ? » Cette question est comme une clé pour ouvrir le texte.
Mais parfois la clé grince un peu, c’est le cas aujourd’hui. Il m’a été difficile dans ce passage d’Evangile, de reconnaître la Bonne Nouvelle.
Alors que faire ? Et bien je vais chercher une autre clé. Je me dis : « L’Evangile est le livre qui peut dévoiler à l’homme le vrai visage de Dieu. Quel est donc celui que l’on peut trouver dans ces textes d’aujourd’hui ?
Nous voyons, comme dimanche dernier, que Jésus s’adresse de nouveau aux scribes et aux pharisiens. Quel est leur Dieu ? Il est un Dieu de gloire et de majesté, un Dieu parfait et comblé. N’est-ce pas ce qu’on nous apprenait aussi dans le petit catéchisme : Dieu est immuable, transcendant, absolu ? En dehors de lui, il n’est rien. Autrement dit devant lui nous ne sommes pas grand-chose.
Nous sommes en droit alors de nous demander « En quoi un tel Dieu nous concerne-t-il ? » : il est insaisissable, il est impossible de le connaître et donc de l’aimer. Nous ne pouvons que le craindre et nous soumettre. En effet comment éprouver de l’amour pour un être si distant, si lointain, si mystérieux, devant qui nous ne sommes que poussière ?
Ce Dieu, comme tous les dieux de la mythologie, et c’est encore hélas souvent ainsi aujourd’hui, a servi très longtemps le pouvoir politique en maintenant les petits dans l’épouvante et la soumission.
Cette image et usage de la religion sont une injure à Dieu. Voilà ce que Jésus veut démonter.
La grande nouveauté de Jésus, que les pharisiens n’admettront jamais et qui lui a coûté la vie, c’est de rapprocher Dieu de l’homme et d’introduire l’homme dans la famille de Dieu. Ce Dieu, Jésus l’appelle : « Abba » « papa » et il l’identifie à l’amour.
Naturellement cela change tout. Dieu n’est plus cette espèce d’extra-terrestre parfait, mais il devient un familier, un partenaire, on peut lui dire « tu ».
Maintenant ce n’est plus l’homme anéanti devant Dieu mais c’est Dieu qui s’anéantit devant l’homme, et comme je l’ai déjà souvent dit, mais j’aime le répéter, c’est Dieu qui se met sur le côté pour mettre l’homme au centre. Il s’humilie, il prend la dernière place à table et nous invite à avancer plus haut.
On comprend que ce bouleversement radical de l’image que nous nous faisons de Dieu indispose encore beaucoup de croyants aujourd’hui qui s’indignent de voir Dieu perdre la place d’honneur.
Mais ne serait-ce pas à nous maintenant de lui rendre la politesse en lui disant : « Non pas moi, mais viens toi, Seigneur, prendre la 1re place. »

Prêtre du diocèse de Namur, † 2017.
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