La Sainte Famille

1. Lors des fêtes de Pâques, tout croyant juif était tenu de venir à Jérusalem, qu’il soit du pays ou de plus loin. Pendant les huit jours de la fête, on a estimé leur nombre à plus 250 000. On comprend que les familles puissent ne pas se retrouver au complet lors du retour. C’est ce qui arriva à la famille de Jésus. « Ne le trouvant parmi leurs connaissances, ils retournèrent à Jérusalem, en continuant à le chercher. » Et on comprend l’inquiétude dans laquelle ils étaient. « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois comme nous avons souffert en te cherchant, ton père et moi. » Le mystère Jésus commence.

2. A l’époque on apprenait à lire et à écrire très tôt à la synagogue à partir des Écritures. Il n’y avait pas d’autre école. Cependant il fallait avoir l’âge de 12 ans pour pouvoir participer aux offices et aux débats. Jésus écoute, pose des questions et on s’étonne des réponses qu’il donne « avec intelligence ». Par la suite Jésus fera souvent appel aux Écritures et leur donnera un sens nouveau que n’apprécieront pas les scribes et docteurs de la Loi, les « maîtres en Israël ». Pour eux aussi le mystère Jésus a commencé.

3. « Ne fallait-il pas que je sois aux affaires de mon Père ? » Pour la première on entend Jésus. Il parle de Dieu comme de son Père. Le Dieu d’Israël qu’on ne pouvait nommer, lui l’appelle Père, son Père. Toute sa vie durant, Jésus a parlé de Dieu comme de son Père, a voulu faire sa volonté, même lorsqu’elle passait par des chemins humainement insupportables comme au jardin de Gethsémani : « Père, que ta volonté soit faite, et non la mienne. » C’est en lui qu’il demeurait, qu’il habitait. Sa véritable maison n’était pas terrestre. Sa véritable famille ne se réduisait pas à sa descendance généalogique. C’est bien ce qu’il laisse entendre le jour où on l’avertit que sa famille le recherche, en répondant qu’elle n’est composée que de ceux qui font la volonté de son Père. Cela n’a pas manqué d’étonner, de choquer. Il sera condamné pour ce blasphème. Sa dernière parole sera encore pour lui : « Père, entre tes mains, je remets mon esprit ».

4. Luc fait une remarque chargée de sens. « C’est au bout de trois jours qu’ils le trouvèrent » écrit-il. On ne peut que penser à ces trois jours qui séparèrent la mort de Jésus des manifestations aux disciples. Ils l’avaient perdu cette nuit au jardin des Oliviers, en s’enfuyant, parce qu’ils ne voulaient pas d’un Messie arrêté comme un malfaiteur, traité comme un agitateur, condamné comme un esclave. Les trois jours qui suivirent furent ténèbres, ténèbres pour l’esprit qui ne comprend pas, ténèbres pour le cœur qui souffre de tant d’espérances déçues, d’un si grand attachement perdu. Avec tant de questions ! Pourquoi ? Marie et Joseph revinrent à Jérusalem dans l’angoisse, les deux disciples d’Emmaüs ont quitté les murs dans le découragement.
Ces trois jours furent des temps de doute, d’interrogations. Ils ont fait partie de la vie de Marie, de Joseph, des disciples aussi. Ils peuvent faire partie de notre vie. Si nous voulons bien, malgré tout, revenir à Celui avec qui nous avons habité jusque là, si nous voulons bien marcher encore à ses côtés, même dans notre doute, nous reviendrons sur nos pas comme Marie et Joseph ce jour-là, comme les disciples d’Emmaüs qui retournèrent à Jérusalem après l’avoir quitté dans le plus grand doute.

La famille est le miroir où Dieu se regarde accomplir ses deux plus jolis miracles : le miracle de donner la vie et le miracle d’inspirer l’amour. (Didier Decoin)