Baptême de Jésus

1 Le premier acte de la vie publique de Jésus commence par un baptême de pénitence. Si toute l’histoire de Jésus avait été inventée par ses disciples, jamais ils n’auraient écrit que celui qu’ils considéraient comme Fils de Dieu, sauveur du monde, a demandé un baptême pour la rémission des péchés. Le sauveur peut-il demander à être sauvé ? Le premier surpris fut Jean Baptiste lui-même qui dut baptiser celui qui devrait le baptiser. Comme sera surpris Pierre qui doit se laisser laver les pieds par son maître, le Messie de Dieu. C’est une inversion des rôles. Le Très Haut se fait le Très Bas. Et on a vu, dès Noël, le Créateur se faire créature. On verra le Maître se faire serviteur, Dieu se mettre en prière, le Juge se faire juger, l’Eternel mourir. Inimaginable inversion des rôles ! Ce Dieu n’est pas celui que nous aimerions honorer.

2 L’apôtre Paul comprit autre chose sur la route de Damas. Il écrira aux chrétiens d’Ephèse que « la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur... de l’amour du Christ surpassent toute connaissance ». Saint Augustin, converti lui aussi, le confirme : « Qu’y a-t-il d’étrange à ce que tu ne comprennes pas ? Si tu comprends, ce n’est pas Dieu ! ... Dieu est un être dont on parle sans pouvoir rien en dire et qui est supérieur à toutes les définitions. » Ce qui conduit saint Bernard à adopter une seule attitude : « J’aime parce que j’aime, j’aime pour aimer. » Jean de la Croix fera entrer un plus dans le mystère "Jésus" : « Le Père n’a dit qu’une seule Parole, c’est son Fils et, dans un éternel silence, il la prononce toujours. »

3 L’amour est silence. « Heureux, écrivait Charles Péguy, deux amis qui s’aiment assez pour se taire ensemble. » L’Amour est Parole de Dieu et la Parole de Dieu est Amour Pour l’entendre, il faut faire taire tous les bruits que nous faisons autour de lui, que nous attendons de lui. Ne faisons pas commerce de comptoir avec lui, lui d’un côté, nous de l’autre, de donnant à donnant, la vie éternelle contre mes mérites. L’amour ne se vend pas, ne s’achète pas. Mettons de côté aussi toutes les recherches de preuves qui nous permettraient de voir l’invisible. L’amour ne se prouve pas.

4 Tel fut bien le parcours de Jésus. Sa prière ne fut point demande mais contemplation de l’amour du Père. Sa mission ne fut point de nous le prouver à force de miracles mais de nous le montrer en acte. Il fut la manifestation visible de Dieu caché dans son amour, dans le silence de son amour. La descente de Jésus dans le Jourdain, sa demande du baptême de pénitence, en sont les premières manifestations publiques. « Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi je trouve ma joie », telle fut la réponse cachée du Père.