5e dimanche ordinaire

1. Le récit de la pêche dite miraculeuse a longtemps été pris au pied de la lettre. On y a vu la toute puissance de Jésus à l’œuvre. Voyez, disait-on, Jésus, qui n’est pas pêcheur, ne connaît rien à ce métier, réussit en plein jour ce que Pierre, Jacques et Jean, des pêcheurs de métier, n’ont pas réussi la nuit, le moment plus favorable pour la pêche. Pourtant Jésus a toujours refusé de faire les prodiges qu’on lui demandait et il a déçu beaucoup de monde. Il faut donc chercher ailleurs la raison pour laquelle Luc a rédigé un récit qui appartient au merveilleux, très coutumier à l’époque. Un Père de l’Eglise disait à ses auditeurs : « Considère chaque détail de l’Écriture. Pour qui sait creuser profond, chacun renferme un trésor. Là même où peut-être on s’y attend le moins, se cachent les joyaux précieux des mystères. » Dans ce récit il se cache dans une ligne : « Ils capturèrent une telle quantité de poissons que leurs filets allaient se déchirer. »

2. Nous le savons tous. Il faut du temps pour apprendre un métier, exercer un art, réussir un projet. Et surtout de ne pas se décourager. Nous admirons les performances des sportifs des Jeux d’hiver, pas seulement de ceux du podium, pour en être arrivés à y participer. Aujourd’hui Luc nous invite à nous en souvenir pour ce qui concerne notre vie de croyant. Il est le seul à rapporter cet évènement, alors qu’il n’y était pas présent. Mais, converti au temps de Paul, il fut de ses premiers voyages missionnaires et assista aux nombreuses oppositions et expulsions qu’ils subirent dans les villes qu’ils voulurent gagner au Christ. Mais ils n’abandonnèrent pas et leur témoignage ne montre jamais qu’ils se sont découragés. Ils se sont souvenus de ce que Jésus n’avait cessé de leur dire. Si parmi les grains jetés sur la terre, beaucoup seront étouffés par des ronces, piétinés par les passants, mangés par les oiseaux, par contre ceux jetés en bonne terre produiront 30, 60 ou 100 pour un. Ils se sont souvenus qu’il ne fallait pas s’inquiéter de l’ivraie semée dans le champ de céréales. Que la brebis perdue serait ramenée. Que la perle perdue serait retrouvée. Que le trésor enfoui serait découvert. Que l’enfant prodigue reviendrait. Mais à une condition : que les grains soient semés, que ces lanceurs de filets deviennent des lanceurs de la Bonne Nouvelle, des lanceurs de l’espérance.

3. Quant aux oppositions et rejets, ils avaient entendu Jésus le leur annoncer. « Le disciple n’est pas au-dessus du maître. Ils vous persécuteront comme ils m’ont persécuté ! » Eux-mêmes en avaient été les témoins. Si, dans un premier temps, Jésus eut du succès auprès de ceux qui attendaient de lui quelque guérison, ou auprès de ceux qui voyaient en lui un potentiel un libérateur des Romains, bien vite on le quitta dès qu’il parla un autre langage que celui de la terre. Il ne lui resta qu’une douzaine de disciples et bientôt plus personne. Il fallut qu’ils retrouvent vivant celui qu’on avait mis à mort pour qu’ils montent à nouveau dans sa barque. Même s’il semble y dormir, on ne peut ni se décourager, ni abandonner d’aller à la pêche dans les eaux apparemment infructueuses. Tel est le message que Luc nous transmet.

4. Un message pour notre aujourd’hui. Nous avons connu des églises remplies, des processions publiques somptueuses, des célébrations festives de mariages, de baptêmes. De nombreux missionnaires sont partis et nombreux furent les fils et filles de l’Eglise sur tous les continents, de toutes les couleurs, de toutes les langues. Rien n’est plus maintenant comme avant. Le bateau se vide et de ses ouvriers et de sa pêche. Les événements vécus par l’Eglise en ces temps semblent bien en accélérer la désertion. Mais ne faut-il pas y voir un appel à une purification, à une conversion intérieure ? Alors oui, le message de ce jour est pour nous qui sommes désolés, voire découragés. Descendrons-nous de la barque alors que Jésus ne cesse d’inviter à y monter ? Vous n’êtes pas pas des moissonneurs mais des semeurs, avait-il dit à ses disciples. Paul, qui eut tant à endurer, écrit aux chrétiens de Rome : « Nous sommes fiers même de nos détresses, sachant que la détresse produit la persévérance, la persévérance, la fidélité éprouvée, et la fidélité éprouvée, l’espérance. » ()

Aujourd’hui j’emporterai avec moi pour la méditer une seule pensée, que j’aurai entendue de mes oreilles ou qui me sera venue du fond de moi-même. Peut-être celle-ci : même si l’église est vide, l’espace qui m’entoure, celui de tous mes déplacements, ne l’est pas parce que je porte avec moi celui qui en mon cœur me dit : « Je suis là parce que tu es là et tu es là parce que je suis là. »

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Aloyse SCHAFF

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.

Publié: 06/02/2022