2e dimanche de Pâques

« Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non je ne croirai pas ! » Mais Thomas n’ira pas mettre son doigt dans la marque des clous, ni sa main dans le côté transpercé. Il entendra une voix.

1. Pâques est certainement l’événement fondateur de la foi chrétienne. Lorsque les apôtres proclamèrent : « Celui qui était mort, nous l’avons vu vivant », ils ont lancé la plus incroyable nouvelle, la plus nouvelle des nouvelles, sans aucune preuve que leur parole. Elle fut vite mise en doute. Thomas fut le premier à le faire. Il avait ses raisons. Voir de ses yeux, toucher de ses mains sont nos moyens ordinaires de nous rendre compte de la réalité qui nous environne. Lui, il n’avait qu’entendu des paroles, celles de ceux qui avaient vu. N’auraient-ils pas été victimes d’un rêve ? Alors qu’il est dit de l’apôtre Jean qu’il crut dès qu’il vit le tombeau vide, comme un mystique, lui, Thomas, très réaliste a les pieds sur terre.

2. C’est à l’évangéliste Jean, le dernier des douze selon la tradition, que l’on doit ce récit terminal de son évangile. Jean entend répondre à une question que l’on s’est vite posée dans les premiers temps de l’Eglise : « Pourquoi le Ressuscité, s’il est au milieu de nous, reste-t-il invisible ? » Son récit, écrit vers l’an 90, à la frontière des époques de ceux qui ont vu Jésus et de ceux qui ne croiront que sur leur témoignage, pose une question essentielle à l’homme debout à la frontière du visible et de l’invisible.

3. Qui ne s’est jamais demandé si tout ce qu’on nous dit et que nous avons cru sur parole est bien vrai ? Cet homme Jésus est-il vraiment ressuscité, vraiment Fils de Dieu ? Cette espérance d’une survie, d’un au-delà de la vie, hors de notre espace-temps n’est-elle pas un rêve ? Si nous pouvions avancer des preuves, elles nous permettraient de ne pas marcher en aveugle et de justifier notre foi devant les non-croyants. Pour répondre à ceux qui comme « les pharisiens et sadducéens s’avancèrent et lui demandèrent de leur montrer un signe qui vienne du ciel » (Mt 16,1). Avant nous, pour nous, Thomas s’est avancé dans le doute. Comme notre frère jumeau.

4. Avant que d’être l’homme du doute, Thomas fut celui de la présomption lorsqu’il s’est écrié : « Allons-nous aussi et mourons avec lui », le jour où Jésus leur avait fait part de sa décision de monter à Jérusalem pour la fête de Pâques alors qu’il se savait recherché pour être lapidé. Thomas n’a pas douté de lui, n’a pas douté de sa fidélité dans cette présomptueuse promesse. Il a bien dû s’en souvenir après avoir comme tous les autres abandonné Jésus. A dire trop, on risque d’être mis en difficulté. Il pense que ce qu’il a vécu, les disciples le vivent à leur tour. Alors il faut prendre des précautions. Ne dites rien sans être sûr de ce vous dites. Or personne n’a jamais vu un crucifié revenir en vie. Personne à part quelques femmes qu’on a dit « délirantes », quelques disciples proprement naïfs. Thomas se méfie des autres comme il a appris à se méfier de lui-même. Pour autant il ne tourne pas les talons et demande à voir physiquement, à toucher physiquement l’endroit des clous, mettre sa main dans le côté transpercé. Pour tuer ce doute intérieur qui l’habite et contre lequel dit n’avoir aucun pouvoir, il exige que Jésus le fasse pour lui.

5. Et Jésus vient, portes closes. C’est un symbole pour signifier que ce qu’ils voient n’est plus un corps revenu à la vie d’antan, guéri de ses blessures, prêt à recommencer un parcours terrestre avec eux, comme si rien ne s’était passé. Il était là mais il était autre. Il était le même, portant en lui tout le vécu passé avec eux, le plus douloureux passé, mais son affection pour eux n’avait pas changé. Et Thomas entend : « Viens, avance ici ton doigt, mets ici ta main. » Il voulait voir et toucher mais c’est une voix qu’il entend. Mais quelle voix ! Celle-là même qui rendit le cœur des disciples d’Emmaüs brûlant. Celle-là même qui retourna Marie Madeleine au jardin du tombeau. Celle-là même qui renversa Paul sur son parcours mortifère. Cette voix qui dit : « Vois mes mains percées, mon côté ouvert. Ils te diront l’amour qui m’a mené jusque là ! » Ce n’est plus une voix qui ne parle que pour les oreilles mais une voix qui parle au cœur. C’est là qu’il faut l’écouter et qui fait mettre à genoux : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Pourquoi alors aller mettre son doigt dans la marque des clous, sa main dans le côté transpercé lorsque seul le cœur est à écouter ?

Seigneur, je sens bien que je suis guetté par des sentiments de froideur, d’indifférence, voire de doute. Surtout lorsque les épreuves de l’âge, de la maladie, du deuil deviennent portes verrouillées. Toi qui as franchi les portes closes du Cénacle, déverrouille nos réticences, donne la paix à nos cœurs inquiets.


Méditation

Thomas, Seigneur, voulait te toucher
Comme un aveugle ferait pour un objet
Mais le temps, il ne l’a ni eu, ni n’a pu
A ta voix, tout de suite, il t’a reconnu

Par son nom, tu l’as doucement appelé
Comme Marie Madeleine, tant éplorée
De ne pouvoir toucher ton corps crucifié
Au jardin de la tombe qu’elle croyait violée.

Ah Seigneur ! Quels chemins tu sais prendre
Pour vaincre nos doutes et nos réticences
Et toutes nos prétentieuses et fières exigences.
Comme s’il y avait quelque chose à comprendre.

Seigneur, traverse la nuit de mes doutes
Ceux qui me ferment la porte à l’espérance
De t’entendre dans le silence de l’écoute
Me dire ton indéfectible aimante présence.

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Aloyse SCHAFF

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.

Publié: 24/04/2022