1er dimanche de carême

1. Le tête à tête auquel nous fait assister l’évangéliste Luc dans ce récit de la tentation interroge. On ne voit pas bien comment Jésus qui vient d’être investi de « l’ Esprit de Dieu », dès sa sortie du « baptême de repentance », peut être poussé au désert par le même Esprit, pour y être tenté par le diable ? Quel est ce diable assez puissant pour transporter le Fils de Dieu au sommet du Temple et pour se dire maître des royaumes de la terre ? On regarde aujourd’hui ce récit comme un enseignement donné à la manière d’un conte nommé aggadah, très utilisé dans la tradition juive. Quarante jours a valeur symbolique et rappelle le nombre de jours au terme duquel Noé retrouva une nouvelle terre. Quarante ans, ce temps de la traversée du désert pour que les Israélites entrent dans la terre promise, signifiait la durée d’une génération, de toute une vie. Trois, ce nombre sacral qui dit le passé, le présent, le futur, les trois jours au tombeau.

2. Par trois fois aussi, un défi est posé à Jésus : « Si tu es le Fils de Dieu…. » Dès le début de sa vie publique. Elle se terminera par le même défi, posé cette fois à un crucifié : « Si tu es le Fils de Dieu, descends de la croix et nous croirons en toi. » La réponse viendra trois jours plus tard. Entre temps la question n’a cessé d’être posée. « Qui est cet homme pour que les démons, les vents et la mer lui obéissent ? » « Es-tu celui qui doit venir… » interroge Jean le Baptiste de sa prison. « Qui est cet homme » est une question qui a hanté ses concitoyens et ne cesse d’être posée en notre temps.

3. Les réponses apportées par Jésus aux trois défis disent « qui il n’est pas » et en contrepoint qui il sera , ce qu’il fera. Sa vie, il la donnera comme un pain à partager. Il sera le roi mais de celui du Royaume de Dieu. Un autre sommet que celui du Temple, il gravira. Justement parce qu’il est le Fils de Dieu. Il fallait qu’il le fût pour pareille mission. L’homme est toujours tenté mais par qui ? On peut voir dans la chapelle Sixtine à Rome une immense fresque de 20 m², peinte en 1482, par Botticelli et intitulée « La tentation du Christ ». On voit à gauche un mendiant montrant des pierres à Jésus ; au milieu, un moine l’invitant à se jeter du haut du pinacle du Temple ; à droite, un homme nu tombant du haut d’une falaise. Le diable a toujours figure humaine pour Botticelli, contrairement aux représentations de Fra Angelico qui le montre sous des traits effrayants, cornu, une fourche à la main, comme au Moyen-Âge. Botticelli nous invite à nous voir que l’homme est son propre tentateur.

4. Nos tentations sont grandes et nos défis autant. En 2024, une personne sur onze a été confrontée à la faim, une sur 5 en Afrique. La décision du président américain de mettre fin à l’aide USA dans tous les domaines est une catastrophe. Plus près de nous, d’après le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, cette année-là, en France, le gaspillage alimentaire s’élevait à plus de 8,7 millions de tonnes. Par ailleurs, la course vers le dernier cri de la modernité, tel un rouleau compresseur, touche aussi bien les personnes que les entreprises et laisse derrière elle beaucoup de victimes autant par abus que par manque. Profitons de ce temps de carême pour faire un retour sur nous-même, prendre le temps d’une prière silencieuse, ne serait-ce que pour demander au Seigneur de voir plus clair en nous, quel défi à relever, quelle aide à apporter. Il ne s’agit pas de nous faire souffrir comme on le pensait jadis ou de nous priver de notre nécessaire, même pas de nourriture. Un Père de l’Eglise, Basile le Grand, a des mots très forts à ce sujet : « Tu as comme greniers, si tu le veux, le ventre des pauvres… Le jeûne véritable est de s’abstenir des vices. Rompez tout lien d’iniquité () : pardonnez à votre prochain la peine qu’il a pu vous faire, remettez-lui ses dettes ; ne jeûnez plus pour faire des procès et des querelles. Vous ne mangez point de chair, mais vous dévorez votre frère. Vous vous abstenez de boire du vin, mais vous ne modérez aucune des passions qui vous emportent. » Saint Augustin a écrit : « Le bonheur, c’est de continuer à désirer ce qu’on possède. (…) Les riches : vous voyez bien ce qu’ils ont, vous ne voyez pas ce qui leur manque. »

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Aloyse SCHAFF

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.

Publié: 09/03/2025