15e dimanche ordinaire

1. « Voici qu’un docteur de la Loi se leva et mit Jésus à l’épreuve en disant : Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? » La question commence par un titre flatteur, « Maître », titre réservé aux seuls docteurs de la Loi. Pour le devenir, il fallait être passé par l’école d’un maître jusqu’à l’âge de 40 ans. Or Jésus n’en avait pas encore 30 et ne se réclamait d’aucun maître. On lui reprocha très vite de ne parler et d’agir que sous son autorité et plus d’une fois on essaya de le mettre en défaut. Telle était bien l’intention de ce docteur de la Loi ce jour-là. Comme souvent Jésus répond à sa question par une autre question et le renvoie à son catéchisme, ce « Shéma Israël », que tout Juif pieux doit réciter plusieurs fois par jour, qu’il porte sur le front, qu’il inscrit à l’entrée de sa maison : « Ecoute Israël, tu aimeras ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ton intelligence, et ton prochain comme toi-même. »

2. « Qui est mon prochain ? » Ce docteur de la Loi en est un spécialiste, un fin connaisseur. Il sait donc ce qui est écrit dans le livre du Lévitique : « N’aie aucune pensée de haine contre ton frère… ne te venge pas et ne sois pas rancunier à l’égard des fils de ton peuple : c’est ainsi que tu aimeras ton prochain comme toi-même. » () Pour ce docteur de la Loi, les choses sont claires : le prochain, c’est le compatriote, celui qui est de son côté. Un peuple élu parmi d’autres ne devait-il pas mettre des frontières pour rester l’Elu ? C’est ce qu’on fit. Mais Jésus avait brouillé les cartes. Il fréquentait n’importe qui, même des étrangers païens, mangeait avec n’importe. Il ne pouvait être ce qu’il disait être.

3. Jésus répond, non par un commentaires des textes, mode très en vogue à son époque, mais par une histoire, un fait vécu peut-être, qui cumule tous les excès, tous provocateurs. Ce Samaritain qui n’est que de passage est un non Juif et de surcroit un hérétique. Ce prêtre et cet employé lévite sont du Temple tout proche. Ce Samaritain est pris de compassion, arrête sa monture et en descend ; les gens du Temple passent, l’un comme l’autre, de l’autre côté du chemin. Parce que ce blessé était encore en vie, cet étranger le soigne, panse ses plaies, lui trouve un accueil, prévoit de couvrir les dépenses à venir. Les gens du Temple n’ont vu qu’un peut-être mort à ne pas toucher pour ne pas avoir à s’en purifier à leur retour au Temple comme le prescrit un commandement. Tout s’est passé sur un lieu de souffrance. Et parce que la souffrance est la chose la plus partagée dans le monde des hommes, elle n’a pas de frontières. Ce docteur de la Loi cherchait à savoir qui était son prochain. Il lui fut répondu que c’était à lui de se faire proche. Il voulait savoir ce qu’il fallait faire pour avoir la vie éternelle en héritage. Il lui fut répondu qu’il devait s’occuper de la vie présente et s’y dépenser sans compter.

4. Jésus fut cet homme parti en voyage dans un pays loin du cœur de Dieu. Il en est descendu pour se rendre proche des hommes en habitant parmi eux. Il y franchit de leurs nombreuses frontières : celles qui mettent de part et d’autre Juifs et païens, justes et pécheurs, riches et pauvres, faiseurs de divisions et artisans de paix, ceux qui pleurent et ceux qui font pleurer, ceux qui sont doux de cœur et ceux qui le rendent dur. Sans succès. Les hommes continuent à créer plus de frontières que de ponts. Les disciples du Christ, aussi. Il faut être plusieurs pour créer un pont. Un seul peut suffire pour dresser une frontière, élever une barrière. Nous savons en faire aussi. Ce Samaritain en avait renversé une. Entendons Jésus s’adresser à chacun de nous : « Va et fais de même ! » A chacun de se demander laquelle.

Seigneur, nous avons encore bien besoin de toi pour descendre de nos montures que sont nos idées préconçues, nos jugements qui condamnent, nos peurs qui nous enlisent. Donne-moi un peu de la compassion qui t’habitait pour que je puisse faire comme toi.

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Aloyse SCHAFF

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.

Publié: 10/07/2022