Sainte Trinité

1. « Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. » C’est avec ces mots que nous avons commencé l’office en nous couvrant du signe de la croix. C’est encore par ces mots que nous le terminerons. Il fut le premier signe accompagné des mêmes paroles sur nous le jour de notre baptême. Ne sera-t-il pas encore le dernier lorsque nous entrerons pour la dernière fois dans l’église ou lorsque l’ombre de la croix couvrira notre tombe ? Ce rituel nous est tellement habituel que nous n’y prêtons plus guère d’attention. Pourtant il est chargé de sens. Prenons le temps de le méditer en suivant trois approches toutes convergentes vers une plus grande prise de conscience de la prodigalité divine.

2. D’abord ce signe de croix. Tertullien († vers 240) recommande de se signer le front d’une croix avant chaque activité quotidienne comme signe de protection et d’appartenance à la communauté chrétienne. Dès le 3e siècle, les chrétiens se signaient le front avec trois doigts joints pour signifier la trinité, les deux autres repliés pour rappeler la double nature du Christ comme le font toujours les chrétiens orthodoxes. Plus tard, le signe de croix s’élargit. Le pape Innocent III († 1216) le présente ainsi : « Il est tracé de haut en bas, et est ensuite coupé de droite à gauche, parce que Jésus-Christ est descendu du ciel en terre et a passé des Juifs aux Gentils. » Guillaume Durand, évêque de Mende († 1296), indique au diacre de se signer sur le front, sur la bouche et sur la poitrine ou sur le cœur, en se disant : « Je ne rougis pas de la croix du Christ mais je la prêche de ma bouche et y crois dans mon cœur. » Le signe de croix dit en lui-même l’infinité du don de Dieu en Jésus-Christ. Le porter sur nous doit nous le rappeler.

3. L’invocation de la Trinité Sainte permet d’aller plus loin. Pour un non-chrétien, il peut paraître étrange d’invoquer un Dieu tout-puissant en ses trois personnes avec le signe du supplice mortel subi en sa deuxième personne, tout autant divine que les deux autres. L’Éternel dans une nature mortelle, la toute-puissance divine dans un échec terrestre. Sainte Catherine de Sienne, mystique italienne morte en 1380, commençait ses prières par « Ô Trinité, éternelle Trinité ! Ô feu, ô abîme de charité. » Elle ne savait ni lire, ni écrire. Elle dicta pourtant 378 lettres à ses secrétaires. Elle rapporte d’une de ses visions : « Non seulement j’ai revêtu l’homme, mais je l’ai réchauffé, lorsque j’ai donné au genre humain mon Fils, dont les blessures qui déchirèrent son corps laissèrent échapper le feu de mon amour infini, caché sous la cendre de votre humanité. (…) Vous savez bien que ni la terre ni la pierre n’auraient pu fixer la Croix, que ni les clous ni la Croix n’auraient pu retenir le Verbe, le Fils de Dieu, si l’amour ne l’eût pas attaché. C’est donc l’amour que Dieu a eu pour notre âme qui a été la pierre et les clous qui l’ont retenu. » Sœur Emmanuelle disait : « J’aime beaucoup la Trinité : chaque personne de la Trinité est tournée vers l’autre. La religion qui m’a été apprise est une “religion vers”, c’est à dire une religion qui sort de soi, qui est penchée hors de soi. »

4. Nous faisons ce signe, disons ces paroles « au nom de … » Pas en notre nom comme si nous en avions l’initiative, la maîtrise. Dans l’antiquité biblique, le nom est bien plus qu’un titre permettant de se distinguer les uns des autres. Se mettre sous le nom d’une personne, c’est entrer dans sa maison. Donner un nom c’est prendre dans sa famille. C’est ainsi que, selon le récit de la Genèse, Dieu demanda à l’homme de donner un nom à chaque créature pour qu’elle puisse être de son monde. Lorsque Pierre fut sollicité pour une aumône par un infirme sur les marches du Temple, il répondit : « De l’or et de l’argent, je n’en ai pas ; mais ce que j’ai, je te le donne : au nom de Jésus Christ, le Nazoréen, marche. Et le prenant par la main droite, il le fit lever. » Il n’avait pas en lui ce pouvoir mais il avait celui de Jésus qui a pour nom « sauveur ». Lorsque Jésus dit à ses disciples « Je nous appelle plus serviteurs mais mes amis », il les fait entrer dans sa famille. C’est en son nom, avec ses moyens que les disciples devinrent missionnaires. Alors lorsque nous nous couvrons du signe de croix et que nous prononçons « Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit » prenons conscience que nous faisons bien plus que de déclarer un article de foi. Nous entrons en communion avec la Trinité Sainte et la Trinité Sainte nous prend en elle.

Faisons nôtre la prière d’Elisabeth de la Trinité, sœur carmélite († 1906 à 26 ans).
Ô mon Dieu, Trinité que j’adore, aidez-moi à m’oublier entièrement pour m’établir en vous, immobile et paisible comme si déjà mon âme était dans l’éternité. Que rien ne puisse troubler ma paix, ni me faire sortir de vous, mais que chaque minute m’emporte plus loin dans la profondeur de votre Mystère. Pacifiez mon âme, faites-en moi votre demeure. Que je ne vous y laisse jamais seul, mais que je sois là tout entière, tout éveillée en ma foi, toute adorante, toute livrée à votre Action créatrice.

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Aloyse SCHAFF

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.

Publié: 26/05/2024