30e dimanche du temps ordinaire

Le récit met en scène trois intervenants. Ils sont porteurs chacun d’un enseignement.

1. Le mendiant aveugle d’abord. Mendiant, car un aveugle d’alors ne pouvait vivre de ce que les passants déposeraient dans son escarcelle. Assis au bord de la route qui sort de Jéricho. Une des villes les plus anciennes du monde, des plus riches aussi. Située dans une plaine verdoyante de palmiers, au bord du Jourdain, avec la résidence d’été d’Hérode, elle était aussi chargée d’histoire. C’est par Jéricho que la saga des Hébreux, remontant d’Égypte, fait débuter la conquête de la Judée et de la Galilée. Ce mendiant aveugle n’a pas de nom, sinon, Bar Timée, le fils de Timée en langue araméenne. Il faisait partie du paysage et le jour où il ne serait plus là, on dirait : « Tiens, Bartimée est mort ! C’est une délivrance pour lui. » Mais Bar Timée n’est pas mort. Dans les faubourgs, les taudis, les égouts de Las Vegas, la ville la plus courue pour l’argent qu’on peut y gagner, y dépenser, 40 000 sans-noms, gisent dans les plus mauvaises conditions. Dans ceux de Paris, la plus belle ville du monde dit-on, s’étale le spectacle de la misère.

2. Et puis, il y a cette foule qui approche avec Jésus. Nombreuse et bruyante, elle fait barrage à ce mendiant qui implore : « Jésus, fils de David, aie pitié de moi. » Il doit crier pour se faire entendre mais on lui interdit de l’importuner. Cette foule est une image de tous les barrages élevés sur la route de Jésus. Il y a rencontré nombre d’opposants qui se sont mis en travers et ont essayé d’empêcher de courir vers cet inquiétant faux prophète ambulant. De la part des gardiens de la Loi, de ceux du Temple qu’il menaçait de destruction. De la part de sa propre famille aussi qui vint un jour le chercher pour le faire revenir à la maison. « Il a perdu la tête », disait-elle, et cela cela rejaillit sur nous.

3. Enfin il y a Jésus qui l’entend et le fait appeler. Sa grande attention à ceux qui souffrent, dans leur corps comme leur âme, pour leur venir en aide a frappé ses disciples. Il s’est retourné vers cette Syro-phénicienne qui ne voulait que toucher son vêtement. Il a entendu ce centurion venu l’appeler auprès de sa fille malade. Il s’est ému de la souffrance de cette veuve de Naïm. « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Il savait pourtant bien ce que ce mendiant aveugle attendait de lui ! « Seigneur, que je retrouve la vue. » De mendiant assis dans l’attente d’une aumône, Bar Timée devient voyant et disciple de celui qui l’avait appelé à lui.

4. L’aveugle en train de mendier, la foule qui veut le tenir à l’écart, deux comportements toujours d’actualité. Les innombrables miséreux de ce monde, en quête de pain, en quête de liberté, sont tenus à l’écart parce qu’ils sont dérangeurs, gêneurs. Une vague nationaliste identitaire envahit la plupart des pays de l’Europe. D’autres construisent des murs. Des partis politiques, des gouvernements en ont fait leur cause avec des arguments non dénués de sens : on ne peut pas porter toute la misère du monde, on ne veut pas perdre la culture qui est “nôtre”. Le Christ Jésus nous met sur une autre voie. Il n’a pas guéri tous les aveugles de la Galilée, ni donné du pain à tous les mendiants de la Judée. Mais il a fait ce qu’il pouvait faire ce jour-là pour cet homme-là. Que telle soit notre volonté pour ce qui est à notre portée.

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Aloyse SCHAFF

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.

Publié: 27/10/2024