2e dim. ordinaire (18/1) : Commentaire
La liturgie, nouveau Jean Baptiste, nous désigne aujourd’hui Celui que nous contemplerons dimanche par dimanche : l’Agneau de Dieu, le voici. Nous le connaissons si mal (évangile). Lui qui a été envoyé comme lumière des nations (première lecture) il nous appelle, nous aussi, à être son peuple saint (deuxième lecture) pour rayonner à notre tour.
Ce dimanche a encore quelque relation avec l’Epiphanie. Celle-ci, on s’en souvient, englobait, dans la liturgie alexandrine reprise par Rome, le baptême du Christ et les noces de Cana. La nouvelle liturgie n’a pas voulu rompre complètement avec cette ordonnance qui introduit d’ailleurs logiquement au ministère de Jésus.
Nous célébrons donc (du moins dans les pays francophones), le baptême du Christ le dimanche après l’Epiphanie (le premier dimanche du Temps ordinaire est pratiquement supplanté) et, le dimanche suivant (notre deuxième du Temps ordinaire), nous méditons des événements en relation avec ce baptême.
Ce n’est pas encore la prédication publique “en plein”, ce sont les préparatifs, l’amorce de la grande intervention évangélique. Comme l’ouverture d’une porte, le temps immobile où le bourgeon mûr s’apprête a éclater.
Ce dimanche se présente donc comme un dimanche de transition - et parce qu’il fait transition entre la vie cachée du Christ et son ministère public - et parce qu’il comporte encore des éléments épiphaniques, tout en commençant déjà, dans l’épître, les lectures dites semi-continues.
Première lecture : Is 49,3.5-6
En Isaïe apparaissent quatre chants étranges. L’Eglise les a toujours interprétés comme messianiques. Nous lisons aujourd’hui le second. Il est un envoi en mission. Le Seigneur m’a dit : tu es mon serviteur (d’où le nom de “Chants du serviteur de Yahvé” donné à ces poèmes).
Le serviteur porte d’abord le nom collectif d’Israël, mais vite il devient une personne dans laquelle l’Eglise a lu le Christ. Car c’est bien en Jésus que Dieu se glorifiera.
Cette glorification éclatera au retour du peuple dispersé. Le serviteur ramènera Jacob de l’exil et rassemblera Israël dispersé. Mais c’est encore trop peu : je vais faire de toi la lumière des nations, tu briseras le cadre juif pour que mon salut parvienne aux extrémités de la terre.
Comme elle s’applique au Christ, cette prophétie ! Le "J’ai du prix aux yeux de Yahvé" ne rappelle-t-il pas le "en lui j’ai mis tout mon amour" (évangile) ? Toute la vie du Christ n’a-t-elle pas eu comme but de glorifier le Père, et la gloire du Père ne s’est-elle pas manifestée avec éclat dans la résurrection du Christ ? Jésus ne mourra-t-il pas pour que soient rassemblés tous les enfants de Dieu dispersés () ? Ne s’est-il pas dit lui-même la lumière () ?
Nous qui continuons le Christ, qui avons du prix aux yeux du Père, nous voilà appelés à rassembler les hommes. Tous. Y a-t-il plus beau, plus urgent ?
Psaume : Ps 39
Les versets choisis sont appliqués au Christ par l’auteur de la Lettre aux Hébreux ().
Jésus est le vrai serviteur de Yahvé que Dieu envoie (1ère lecture). C’est lui qui répond (et nous avec lui) à cet appel.
Tu ne voulais ni offrande cultuelle, ni sacrifice d’animaux, ni holocauste, ni victime. Tu as ouvert mes oreilles pour un autre don, celui de ma vie. Alors j’ai dit : voici je viens. Ce qui est écrit dans le livre saint, ton plan d’amour sur les hommes, et que tu veux que je fasse, je veux l’accomplir. Ta loi, ta volonté, je l’aime.
Notre Père que ta volonté soit faite.
Voilà le chant nouveau. Voilà la vraie louange à notre Dieu !
Deuxième lecture : 1 Co 1,1-3
Nous commençons aujourd’hui la lecture semi-continue de la première Lettre aux Corinthiens. Elle est fort longue. A lire à la file les extraits retenus par le lectionnaire il y faudrait le tiers de tous les dimanches de l’année ! Fort heureusement elle se laisse disséquer sans trop de frais, car elle traite de questions diverses sans grand rapport entre elles. En cette année A nous lisons dans les premiers chapitres qui nous occuperont jusqu’au 8e dimanche. Les critiques dont Paul est la cible le poussent à mettre sa fierté dans la croix du Christ.
Début classique d’une lettre, fortement stéréotypé, où l’auteur décline son nom : Paul ; son titre, sa fonction : apôtre du Christ Jésus, titre qu’il n’a pas recherché (comme quelques-uns le lui reprochent), mais qu’il a reçu, puisqu’il a été appelé par la volonté de Dieu. On sent, chez Paul, le souci d’asseoir son autorité contestée par les Corinthiens (voir les dimanches suivants, surtout les 5e et 8e).
Puis vient le destinataire : vous qui êtes, à Corinthe, l’Eglise de Dieu. Paul pense toujours à une assemblée (c’est le sens du mot Église) concrète, localisée, même s’il ne la conçoit pas isolée, mais en communion avec tous ceux qui, en tout lieu, invoquent le nom de notre Seigneur Jésus Christ.
L’adresse épistolaire se termine, comme à l’habitude, par un souhait. Sans doute une formule déjà utilisée dans la liturgie au temps de Paul et que notre liturgie post-conciliaire a reprise (avec quelques autres souhaits épistolaires) au début de nos messes : grâce et paix. C’est plus qu’un souhait : grâce et paix nous sont données de la part de Dieu le Père et de Jésus Christ le Seigneur.
• Vous qui avez été sanctifiés.
Qu’est-ce que la sainteté ? Ne pense pas auréole, tête penchée, miracles. Être sanctifiés, c’est être aimés de Dieu qui a fait de nous ses fils et ses filles. C’est donc aussi s’efforcer de vivre en conséquence : différents, refusant la facilité, vivant avec exigence.
Évangile : Jn 1,29-34
L’incarnation du Christ, sa venue parmi nous ne se limite évidemment pas à sa naissance.
Elle s’étend jusqu’à sa résurrection et se continue dans l’Eglise. Cette incarnation va se manifester avec plus de force dans les trois années de la vie publique de Jésus.
Mais alors que Matthieu, Marc et Luc n’y vont qu’à petits pas, ne font que soulever le voile pour faire deviner qui est véritablement Jésus - Jean, dès le début de son évangile, arrache ce voile et fait apparaître le Christ dans toute sa majestueuse grandeur. On ne peut que s’agenouiller, contempler. Suivons le doigt démesuré de Jean Baptiste qui désigne Jésus avec un Voici significatif.
Voici l’Agneau de Dieu. Vision inouïe. Pour la comprendre, il faut revenir en arrière, jusqu’à la fameuse nuit où les Israélites, sur le point de sortir de l’Egypte, immolèrent des agneaux dont le sang mis sur les maisons les préserva de l’extermination. Depuis, chaque année, à Pâques, on immolait des agneaux pour fêter la grande libération. Quand Jean Baptiste dit ici : Voici l’Agneau de Dieu - il voit déjà, par avance, Jésus en croix au moment où, à quelques pas de là, on immolait les agneaux pour la Pâque, la fête de la libération. Il déclare ainsi Jésus le véritable Agneau pascal, le vrai libérateur.
Voici le libérateur, pourrait-on traduire. Un mot qui nous parle. Dieu sait combien nous sommes prisonniers d’impératifs économiques, conditionnés par les pressions idéologiques et publicitaires, enchaînés par la méchanceté et la bêtise humaines... et par nos propres lâchetés, lenteurs, limites ! Vraiment, le monde est mal fait. De temps en temps, une révolution soulève le couvercle oppresseur... pour le déplacer sur d’autres têtes. Jésus conduit le monde vers une tout autre libération. Il va jusqu’à la racine de notre mal : il enlève le péché du monde. Il ne commence pas par enlever nos souffrances, nos guerres, nos injustices. Il en enlève d’abord la racine, le péché, LE, au singulier significatif, celui qui renferme tous les autres: : la rupture avec Dieu.
On aurait aimé lire, comme dans le grec, avec un de ces jeux de mots chers à l’évangéliste : “il porte” le péché ; il le “porte” sur lui, sur la croix - il “l’em-porte”, l’enlève.
• L’araméen “taljah”, que l’on traduit habituellement par “agneau”, a aussi le sens de serviteur : Voici le Serviteur qui porte le péché du monde. On voit aussitôt la correspondance de cette traduction avec le chant du Serviteur de Yahvé dans la première lecture.
Jean Baptiste précise encore : ce Jésus vient derrière moi ; historiquement il me suit. Et pourtant il est plus grand que moi, il a sa place devant moi. Plus grand ? Comment le dire ? Il n’y a pas de comparaison. Car avant moi il était, éternellement. Affirmation on ne peut plus explicite de la pré-existence du Verbe. Avant sa naissance historique dans notre monde, il était. Le Verbe était de toute éternité. (). Et c’est pour cela qu’il peut effectivement nous libérer.
Je ne le connaissais pas, ajoute Jean Baptiste qui est pourtant le cousin de Jésus. Oui, pour voir Jésus il faut une lumière d’en haut. Elle lui a été donnée et il peut dire : j’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et demeurer sur lui. Encore une image peu familière, mal comprise au point qu’on a fait de l’Esprit Saint... un pigeon ! Jean semble faire allusion à la colombe au temps de Noé. Un rameau vert dans son bec, elle avait annoncé la fin du déluge (). Allusion encore à l’Esprit de Yahvé qui planait sur les eaux au début de la création (). Cette venue de l’Esprit sous forme de colombe symbolique annonce donc la fin du désastre humain et le début d’une nouvelle création.
L’Esprit Saint ne vient pas sur Jésus “en passant”, comme sur les prophètes. Il demeure sur lui, il l’habite entièrement. Au point que Jésus va le communiquer. C’est ce que Jean précise : Celui qui m’a envoyé baptiser (le Père céleste) m ’a dit : L’homme sur qui tu verras descendre l’Esprit, c’est celui qui baptise, plonge dans l’Esprit Saint. Il donne l’Esprit du Père.
Enfin : c’est lui le Fils de Dieu. Fils au sens fort, Fils unique, tel qu’il fut proclamé à son baptême : "Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis tout mon amour" ().
Quelle théologie ! Du concentré. Du massif. Dès le début, à la manière chère à l’évangéliste mystique. Tout est dit de ce qui ne deviendra évident qu’à la fin :
Celui qui était de toute éternité
il est mon libérateur
il enlève mon péché profond
il me plonge dans l’Esprit Saint
• Vraiment, je ne le connaissais pas. Je ne te connais toujours pas encore Seigneur. Mais, si tu restes toujours insondable, que je te connaisse assez pour miser toute ma vie sur toi. Et puissé-je, comme Jean Baptiste, communiquer ma découverte à d’autres. Il y en a tant qui cherchent. Je veux leur dire : Voici...
• Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde. Acclamation que la liturgie reprend à la sainte communion, comme pour nous rappeler l’essentiel, le noyau de notre foi : tu vas recevoir Celui qui veut te libérer ! Voici, regarde, prête toute ton attention, ouvre grand ton cœur !
Prêtre du diocèse de Luxembourg.
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