Sainte Famille (28/12) : Cinq pistes pour l’homélie
Piste 1
Ne trouvez-vous pas un peu négligeant et insouciant le comportement de ces parents qui ne remarquent la disparition de leur enfant de 12 ans que trois jours plus tard ? Ici, Child Focus aurait été mis en alerte depuis longtemps ! Et ce qui est aussi étonnant, c’est que Jésus soit resté 3 jours à bavarder avec les docteurs de la Loi !
Il saute aux yeux que cette fugue de Jésus est un récit élaboré de toutes pièces par l’évangéliste Luc. Sans être grand théologien, nous faisons facilement le rapprochement entre ces 3 jours de disparition et les 3 jours où Jésus disparaîtra… du tombeau.
Remarquez, que dès le début de l’Evangile, saint Luc évoque déjà de multiples façons la mort et la résurrection de Jésus. Ainsi en plus de ces 3 jours de disparition il y a ce pèlerinage à Jérusalem qui rappelle la montée vers Jérusalem où Jésus entrera triomphalement.
Ensuite il y a la recherche éprouvante de Marie et Joseph qui nous fait penser à la recherche des femmes au tombeau qui ne trouvent pas le corps du crucifié.
« Pourquoi me cherchiez-vous ? Ne le saviez vous pas c’est chez mon Père que je dois être ? » Par ces mots Jésus montre sa familiarité avec le Père et nous renvoie à ses tous derniers mots sur la croix : « Père entre tes mains je remets mon esprit. »
En nous racontant cette histoire, Luc nous montre que dès l’âge de 12 ans, Jésus acquiert sa maturité et son autonomie religieuse et c’est à ses parents qu’il le fait d’abord comprendre. Jésus nous signifie que, pour nous comme pour lui, la 1re filiation est celle du Père. Voilà notre 1re famille, toute autre famille découlant de celle-là.
En effet, lorsque nous parlons ‘famille’, notre regard se rétrécit aux papas, mamans et enfants. Il est bon de savoir qu’à l’époque de Jésus, lorsqu’on parlait « famille » il s’agissait de tout le clan, comme c’est encore le cas dans beaucoup de pays actuellement. Lorsqu’il parle ici de « famille » l’évangéliste pense donc naturellement à la famille au sens large qui n’est, si on peut dire, qu’une émanation de l’unique et grande famille de Dieu.
Autrement dit la fête de la Sainte Famille que nous célébrons aujourd’hui est avant tout la fête de la grande famille humaine, dans laquelle nous sommes tous fils et filles d’un même Père. Ceci ne veut en rien écarter ou minimiser la valeur de notre petite famille mais au contraire, c’est une invitation à étendre aux dimensions de l’humanité l’amour, le dévouement que nous prodiguons si facilement dans la chaleur de notre foyer.
Il est particulièrement heureux que cette fête coïncide avec la nouvelle année, c’est comme un petit clin d’œil du ciel qui nous invite à élargir à toute l’humanité, l’attention, la sollicitude que nous éprouvons pour notre propre maisonnée.
C’est aussi le vœu que je formule aujourd’hui : qu’il serait heureux ici (paroisse ou communauté) de vivre comme une vraie famille où toutes les joies et toutes les peines seraient partagées et où le dialogue serait le fondement de notre unité. BONNE ANNÉE !
Piste 2
Les statistiques nous montrent que cette année il a été enregistré plus de divorces que de mariages. Dans une telle conjoncture il semble plutôt difficile et délicat de parler de famille idéale ou modèle, puisqu’une majorité d’entre elles sont décomposées, sans parler des familles brisées et séparées par la mort.
Or, chose étrange, à l’unanimité, les enquêtes confirment que la famille reste la valeur 1re dans toutes les classes de la société. Fondamentalement je pense que tout le monde rêve d’une famille idéale, c.-à-d. une famille débordante d’amour et de tendresse, de bonne entente. Une famille où chacun est heureux de retrouver les autres autour de la même table dans le dialogue et la joie. Une famille où chacun peut se sentir valorisé, vivre sa liberté dans le respect des autres et trouver l’épanouissement de sa personnalité.
Naturellement une telle famille relève de l’utopie !
Qu’est-ce qu’une utopie ? Si nous regardons la définition au dictionnaire, l’utopie est un projet qui semble irréalisable. Mais j’ai envie de continuer en disant : un projet qui peut soulever un tel enthousiasme qu’il peut nous mobiliser, décupler nos énergies au point de transformer cette utopie en réalité.
Qu’une fillette rêve de devenir une championne du monde de tennis, c’est une utopie. Mais ce rêve peut susciter en elle un tel enthousiasme, une telle énergie, que petit à petit franchissant tous les obstacles, elle réalisera son rêve.
Les exemples sont multiples de femmes et d’hommes qui ont fait des prodiges prouvant ainsi que la réalité peut souvent dépasser le rêve.
Je pense qu’il en va de même pour la famille modèle. Oui, c’est l’utopie de tous les jeunes ménages. Il en a été probablement de même pour Marie et Joseph, eux aussi espéraient une vie de famille douce et radieuse. Et pourtant la vie de leur famille, que l’on appelle pourtant la Sainte famille, n’a pas été un long fleuve tranquille.
Mais malgré tout il dépend en grande partie de nous que notre famille devienne une belle famille. Je dis bien « en grande partie » parce que nous n’en sommes pas les seuls maîtres, cela dépend de notre volonté commune avec les autres acteurs, comme cela dépend aussi des nombreux aléas de la vie.
Peut-être sommes nous de ceux pour qui il n’y a plus la moindre espérance de vivre vraiment l’expérience familiale. Mais là aussi une utopie est possible, celle de rencontrer des proches, des voisins, des amis… avec qui nous pouvons retrouver, recréer en quelques sorte, une famille, non plus unie par les liens du sang mais par les liens du cœur. Une famille avec nos amis où nous pouvons aussi trouver notre épanouissement, nous sentir valorisé, considéré et aimé.
N’est-ce pas le sens que Jésus désirait donner à la communauté de ses disciples en les rassemblant, comme nous ici, autour de la même table pour partager le pain d’amour.
Si nous sommes capables d’utopie n’est-ce pas parce que Dieu lui-même est habité d’une utopie : faire de tous les peuples, quelle que soit leur race ou leur langue, une seule et grande famille humaine ?
Nous allons recommencer une année nouvelle. Aussi comme de coutume je souhaite vous exprimer mes vœux. Ce que je vous souhaite tout particulièrement c’est que votre foyer, quelles que soient vos épreuves, vos difficultés, soit toujours un lieu privilégié où chacun pourra être vraiment lui-même, reconnu et aimé tel qu’il est.
Mais aussi que notre communauté paroissiale soit une grande famille où personne n’est oublié ni délaissé, une grande famille où chacun a sa place comme nous avons tous notre place dans le cœur de Dieu.
Piste 3
Toutes les enquêtes jusqu’au niveau européen sont unanimes : la famille, avant l’argent, les amis, le travail… est considérée comme la 1re des valeurs.
Pourtant plus que jamais nous voyons des familles éclatées à cause de séparation, de divorce, de deuil. Combien de familles ne sont-elles pas reconstituées après de lourdes épreuves ?
Il y a aussi les familles ou l’on ne se parle plus, des familles monoparentales où la misère est grande, des familles dont l’avenir est incertain, des familles où les enfants ne se comprennent plus…
Et voici qu’aujourd’hui la liturgie nous invite à célébrer la Sainte Famille !
Mais qu’est-ce qu’une Sainte Famille ? Elle est peut-être celle dont nous rêvons tous : une famille où tout tourne rond, un lieu chaleureux où ns sommes heureux de nous retrouver.
Mais, est-ce bien là l’image que Marie, Joseph et Jésus nous donnent de la Sainte famille ?
Ne nous présentent-ils pas une famille pleine de difficultés : l’incertitude de la paternité, accouchement en catastrophe loin de sa maison et des siens qui sécurisent, une famille déracinée qui connaît le chemin de l’exil…
Pourquoi alors l’appelons-nous la Saiinte famille ? Elle est sainte non pas parce qu’elle est idéale, idyllique, de bonne conduite, mais parce que visitée par Dieu ! Dieu y est présent. Et l’Evangile nous montre que Dieu ne se met pas du côté des familles qui peuvent montrer un certificat de validité ou de bonne conduite, Dieu est là partout où l’on partage la joie et le bonheur et plus encore là où l’on porte ensemble le poids des épreuves, de la souffrance et du déchirement.
Fêter la Sainte famille c’est d’abord nous défaire de nos jugements sur toutes les familles qui connaissent des épreuves quelles qu’elles soient.
Célébrer la Sainte Famille, c’est nous rendre présents à toutes ces familles qui luttent, qui espèrent et prennent le risque de la confiance jusqu’au pardon.
Il ne m’est pas possible d’exprimer cela plus clairement que Ben Sirac le Sage, qui disait il y a plus de 2000 ans déjà : « Honore ton père et ta mère, soutiens les dans leur vieillesse, ne les chagrine pas pendant leur vie, même si leur esprit les abandonne, sois indulgent. »
Nous connaissons aussi ces paroles de saint Paul : « Revêtez votre cœur de tendresse, de bonté, d’humilité, de douceur, de patience. Supportez-vous mutuellement, pardonnez si vous avez des reproches à vous faire. ».
Voici des mots tout simples mais qui ont encore toute leur puissance actuelle. Que n’a-t-on pas écrit de bibliothèques entières sur l’amour, famille et couple, que d’études et de recherches les psychologues n’ont-ils pas faites pour ne pas dire mieux.
Ces paroles sont tout un programme et résument admirablement le souhait le plus profond que je formule aujourd’hui pour chacun de vous : à vous tous qui essayez de construire votre famille au jour le jour, je souhaite de vous laisser visiter par Dieu et de mettre en pratique toutes ces vertus de tendresse envers les autres qui sont vos frères et vos sœurs dans la famille de Dieu.
Bonne et heureuse année.
Piste 4
Il est heureux qu’une fois par an l’Eglise célèbre ce que nous avons de plus cher : la famille, elle qui, plus que jamais, est ballottée par les grands mouvements, les grands courants de l’époque. Et il est bon que de temps en temps nous nous arrêtions pour nous rappeler la nécessité de la famille.
Et pour comprendre l’importance le plus simple est de faire le parallèle entre la famille et la maison.
En effet, la maison est :
– Le point de ralliement, elle est un point de départ pour aller à ses occupations et le lieu de retour, de rassemblement.
– La maison est le lieu de repos que nous sommes toujours heureux de retrouver.
– Le lieu d’intimité où l’on est vraiment soi-même, avec ses limites, ses fragilités mais aussi ses différences, où il n’est pas nécessaire de montrer un certain visage, certaines manières pour paraître.
– C’est à la maison aussi que l’on reprend des forces physiques par les repas, le repos mais aussi les forces morales parce que l’on peut parler en toute confiance, sûr d’être écouté, entendu…
– On peut y faire part de ses erreurs, de ses échecs, pourquoi pas même de ses fautes parce qu’on sait que l’on sera compris, excusé, pardonné, respecté et surtout aimé.
A la maison les autres comptent pour moi mais je sais que je compte aussi pour eux.
– Ensemble on porte le poids des peines et partage les mêmes joies.
– La maison est enfin un lieu de chaleur, cette chaleur qui réchauffe le cœur. C’est sans doute la raison pour laquelle elle porte également le nom de « foyer ». Le feu, autour duquel, du moins autrefois, toute la famille se réunissait.
Mais la famille comme la maison n’est pas fermée sur elle-même, on n’y vit pas en vase clos. La maison comporte des ouvertures sur le monde, elle a des fenêtres qui laissent entrer la lumière, des portes qui permettent d’entrer et sortir.
C’est là d’ailleurs un équilibre parfois difficile à maintenir : cette relation avec le monde extérieur. Il en faut suffisamment mais pas trop. Le monde extérieur doit faire vivre la famille mais la famille doit veiller aussi à ne pas se laisser étouffer par le monde. Chaque membre de la maisonnée doit veiller à s’ouvrir au monde, à s’engager dans toutes sortes de responsabilités, mais savoir s’arrêter à temps pour réserver aussi aux siens une part suffisante de son temps, de ses attentions.
Oui, la famille est bien le lieu par excellence où l’on peut s’épanouir et trouver son équilibre humain.
Ce n’est pas par hasard que l’Eglise a en quelque sorte joint la fête de la famille à la fête de Noël, car n’est-ce pas d’abord au sein même de notre famille que chacun pourra donner sens à sa vie.
Dieu lui-même pour se révéler, pour se faire connaître a emprunté son vocabulaire à la famille. Il se présente comme un Père et nous considère comme ses enfants.
Aussi au seuil de cette année nouvelle prions ensemble le Seigneur pour notre famille, pour nos familles, qu’elles soient toutes et toujours des foyers de tendresse et des sources de joie, de dynamisme pour fonder cette grande famille à laquelle Dieu nous convie pour l’éternité.
Piste 5
De tous les sondages il ressort à l’unanimité que la famille reste la première des valeurs. Mais paradoxalement, d’année en année, nous assistons à la déglingue de plus en plus de familles.
Le jour de leur mariage tous les jeunes rêvent de la famille idéale comme une île de douceur, de tendresse, un couple uni, un amour passionné et fidèle, des enfants exemplaires que l’on va pousser à fond dans l’une ou l’autre discipline pour en faire soit des savants, des champions ou vedettes. Mais au contact de la réalité quotidienne, il ne faut pas des années pour que cette « île de douceur » se transforme en « espérance de bonheur », car on se rend très vite compte que l’amour n’est pas facile mais exigeant. Ce bonheur que l’on croyait « tout cuit » le jour du mariage, nous découvrons qu’il est à construire au jour le jour. Continuellement on est confronté à des points de vue différents, petit à petit l’attirance fait place à la lassitude, l’habitude endort et use même les sentiments les plus profonds.
Et puis on ne vit pas en vase clos, il y la violence, l’agressivité du monde ambiant, sans parler de toutes les tentations dont l’individualisme, caractéristique de notre époque.
Quand aux enfants, jeunes prodiges et dociles, pour qui on avait envisagé un avenir à notre mesure, voilà qu’ils prennent leurs distances, adoptent d’autre valeurs bien différentes des nôtres. Ils organisent leur vie comme nous ne l’aurions jamais imaginé, choisissent des orientations imprévues… bref le rêve initial fait place à l’aventure dans laquelle le bonheur n’est pas donné mais à construire.
Depuis des siècles on a présenté aux chrétiens la famille de Jésus-Marie-Joseph, comme le modèle type à imiter, la famille idéale.
Mais si nous regardons d’un peu plus près, il faut convenir qu’elle est plutôt un exemple impossible à vivre : père adoptif, mère vierge et enfant sur la paille ! Ce n’est pas la famille rêvée ! Et pour le reste si nous lisons l’Evangile, nous sommes obligés de constater que la vie n’y était pas toujours facile.
Il y a d’abord la fuite en Egypte, ensuite le gamin que l’on perd et que l’on retrouve trois jours plus tard et puis, alors qu’il avait un beau métier en main, il plante tout là pour aller s’acoquiner avec des pécheurs et des voyous. Il y avait aussi de grosses discussions au point qu’un jour toute la famille s’est mobilisée pour tenter de reprendre Jésus car il semblait perdre la raison. Il y a encore cette parole terrible de Jésus : « Qui sont ma mère et mes frères ? Ce sont ceux qui font la volonté de Dieu ! »
Oui, dans cette famille comme dans toutes les autres, tout n’était pas aussi rose qu’on le croit. Même pour la famille de Jésus c’était une aventure. Elle a dû se construire avec les mêmes matériaux dont nous disposons aujourd’hui : affection, amour, dialogue, pardon patience, don de soi… Eux aussi ont dû déjouer les pièges pour éviter les déviations, les dangers.
Parmi tous les dangers il y en a un qui me semble plus présent aujourd’hui qu’hier, c’est l’individualisme. Chacun vient parfois trop facilement dans sa famille comme un consommateur, exige son épanouissement des autres mais en échange qu’est-il prêt à donner ?
La famille, notre famille, n’est pas toute faite, comme un puits où l’on vient puiser, se servir prendre ce dont on a besoin et quand bon nous semble, mais elle est un lieu d’échange où chacun apporte, donne et reçoit. Une famille n’existe pas quand elle n’est qu’une juxtaposition d’individus mais bien comme lieu de partage entre personnes.
En ces jours où nous allons formuler des vœux en abondance, je souhaite que dans toutes les maisons se vivent à fond l’aventure familiale. Que chacun, papa, maman, enfants et grands-parents puissent sans jamais calculer ni peser, contribuer à la construction du foyer, parfois dans le sacrifice et la souffrance mais souvent dans la joie, en appréciant et remerciant les autres pour tout ce qu’ils apportent à notre épanouissement et notre bonheur.

Prêtre du diocèse de Namur, † 2017.
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