Christ-Roi (26/11) : Pistes pour l’homélie

Depuis la nuit des temps les humains cherchent le chemin qui conduit à Dieu.
En effet depuis toujours, les hommes se sont fabriqué des divinités glorieuses, supérieures, immatérielles, situées à des années-lumières de la condition humaine.
Au moins là-bas ces divinités ne dérangent pas.
Par ailleurs nous voyons que de plus en plus de « produits spirituels » - si l’on peut dire - apparaissent sur le marché. On n’a jamais tant publié de livres qui nous proposent des techniques de méditation, de dévotions, de recueillement… parce que dans un monde toujours plus complexe, il faut rester zen. Malheureusement certaines de ces méthodes de spiritualité risquent, en voulant nous faire aller directement à Dieu, de nous éloigner de la condition humaine. Le danger de ces méthodes est de rester centré sur soi, en croyant trouver Dieu.
Or voici qu’aujourd’hui, Jésus nous montre que le plus court chemin qui va de moi vers Dieu passe nécessairement par la rencontre avec le visage d’un autre humain, celui que Jésus appelle « le prochain ».
Jésus nous invite à ne plus chercher Dieu dans les hauteurs mais à baisser notre regard vers la terre et à chercher Dieu dans le visage, la misère des autres humains. Cela change tout, car si je me laisse émouvoir, bouleverser, interpeller, ça m’obligera à réagir et prendre une décision : « Vais-je oui ou non faire face à la misère d’autrui ? »

C’est cela l’extraordinaire révélation du christianisme : Dieu se reconnaît uniquement dans le visage humain. S’il est bon de parler de prière, de méditation, de liturgie… le seul moyen où nous pouvons être assurés d’être bien en relation avec Dieu, c’est d’établir de bonnes relations de proximité avec les autres, des relations de tendresse.
Jean Ruysbroeck était un mystique qui habitait la forêt de Groenendael, au sud de Bruxelles et il racontait cette petite histoire : « Imagine que tu sois en extase, perdu dans l’immensité de Dieu au point que tu aies perdu pied dans la réalité. Si un pauvre vient frapper à ta porte, je te conseille : descends vite de ton extase, fais chauffer du bouillon et donne-le au pauvre car le Dieu que tu vas trouver est plus sûr que le Dieu que tu viens de quitter. »
Attention, Jean Ruysbroeck ne dit pas qu’on ne trouve pas Dieu dans la prière mais qu’on peut s’illusionner dans la prière. Jésus ne dit pas que les justes, ce sont ceux qui posent des actes liturgiques, mais que la plus sûre garantie de le trouver est dans le visage du plus démuni.
Chaque fois que nous nous sommes rendus proches d’un visage altéré par la douleur, la souffrance, l’isolement, l’exclusion, le rejet… alors sans le savoir nous avons rencontré Jésus lui-même.

En effet la parabole met en scène des gens qui ne savent pas qu’ils sont justes : « Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir affamé et de te nourrir et de te donner à boire, de te voir étranger et de t’avoir accueilli… ? »
C’est dire que les justes, chaque fois qu’ils faisaient du bien à un autre humain, ne savaient pas qu’ils le faisaient au Christ. Heureusement qu’ils ne le savaient pas parce qu’il nous faut apprendre à aimer les autres non pas pour plaire à Dieu, mais à les aimer pour eux-mêmes.

Si l’Ecriture appelle « l’autre » le « prochain », c’est parce qu’au départ il est éloigné et on essaye de s’en faire proche. Mais ce n’est jamais gagné parce l’autre est toujours différent, il est « autre » et le fait de m’en approcher me laisse entrevoir un monde nouveau par rapport au mien.
Autrement dit le visage de l’autre risque de changer ma vie, de me faire prendre une autre direction.
Heureusement j’ai toujours la liberté, la possibilité de me dérober, de m’écarter de refuser.
C’est précisément ce qu’ont fait ceux qui voulaient s’identifier à Jésus par la seule prière sans se mettre au service de leurs frères et sœurs les plus fragilisés.

Jésus nous redit donc aujourd’hui, que le point culminant de toute spiritualité ne peut s’atteindre que dans le rapprochement vers notre prochain.
Et ce que l’on appelle le « péché » ne désigne pas ce que l’on a mal fait, mais aussi le bien qu’on n’a pas fait.

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Georges LAMOTTE

Prêtre du diocèse de Namur, † 2017.

Publié: 26/10/2023