6e dimanche de Pâques

1. « Si vous m’aimez, vous resterez fidèles à mes commandements… Celui qui a reçu mes commandements et y reste fidèle, c’est celui-là qui m’aime et je me manifesterai à lui. » La fidélité qui peut se nommer aussi « la confiance qui ne meurt pas » est une attente secrète, qui se fonde pour les uns sur le partage d’intérêts communs, de projets communs. Les chefs d’entreprise l’attendent de leurs collaborateurs, ceux qui se rejoignent dans des projets politiques la considèrent comme la clé de la réussite de leurs projets. Mais la fidélité a un autre fondement lorsqu’il s’agit de l’amitié, de l’engagement dans une vie commune. Le même que celui que Jésus demande : « Si vous m’aimez… » Il ne s’agit plus que d’une affaire de cœur. Il n’y a pas si longtemps encore, la récompense et la punition éternelle tenaient une grande place dans les prédications prononcées dans le but de garder les fidèles dans l’assistance aux offices, à la pratique des sacrements. On pensait alors que la récompense et la crainte étaient de bons motifs pour justifier la nécessité de la fidélité religieuse tout comme on demande à un enfant l’obéissance sous peine d’une punition.

2. Jésus nous parle autrement, nous dit autre chose. « Si vous m’aimez… »
Il faut méditer longtemps cette parole pour la faire sienne, l’assimiler. Le secret des disciples était là. C’est sa personne qui les avait attirés et passionnés. Pierre, André, Jacques étaient de simples pêcheurs du lac. Aucun de ses disciples n’était passé par des écoles talmudiques. Ils avouent souvent même ne pas comprendre ce que Jésus leur disait. Mais ils l’ont vu vivre cet homme, se pencher sur les malades, même les plus intouchables comme les lépreux, s’approcher des hors la loi comme ces collecteurs d’impôts, appelés publicains, à la solde des occupants romains détestés. Ils ont senti son regard tant chargé d’attention et de tendresse. Il a pris le parti de défendre ceux qu’on accusait de ne pas pratiquer la loi de Moïse intégralement. C’est cet homme-là qui les avait fascinés et auquel ils s’attachèrent jusqu’à se passionner pour lui, pour la cause qui était la sienne. En un mot ils l’ont aimé pour ce qu’il était, pour ce qu’il faisait. Et c’est cela qu’ils ont retenu et qu’ils nous disent aujourd’hui. Ce que dit la personne aimée, on y croit. Ce que demande la personne aimée, on le fait. On ne peut rester indifférent à une personne qui vous aime. Alors, pour eux, les demandes de Jésus, ses commandements comme ils disent, ne sont pas des ordres mais seulement un partage des mêmes manières, des mêmes sentiments, des mêmes pensées.

3. On ne le dira jamais assez. Le cœur de la foi ne peut consister à un assentiment à des dogmes, à une pratique religieuse. Ce n’est pas non plus attendre en échange qu’il vous offre un paradis dans cette vie ou dans la vie d’après. Ce n’est pas croire en Dieu que d’espérer qu’il est là pour réaliser nos souhaits, nous enlever nos soucis et lui faire grief si nous ne sommes pas satisfaits. Voici comment saint Bernard, après saint Augustin en parlait. « Vous voulez donc apprendre de moi pour quel motif et dans quelle mesure il faut aimer Dieu ? Eh bien, je vous dirai que le motif de notre amour pour Dieu, c’est Dieu lui-même, et que la mesure de cet amour, c’est d’aimer sans mesure… Il y en a qui louent le Seigneur parce qu’il est puissant. Il y en a qui le louent parce qu’il est bon pour eux. Il y en a qui le louent simplement parce qu’il est bon… Celui qui aime Dieu n’a pas besoin d’être excité à le faire par l’appât d’une récompense qui n’est pas Dieu lui-même. Autrement ce ne serait point Dieu qu’il aimerait, mais la récompense… Parce que l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs, nous payons cet amour par l’amour... Celui qui aime, aime et ne sait rien de plus. J’aime parce que j’aime, j’aime pour aimer… »

4. Pour en arriver là, il nous faut de toute urgence nous rapprocher de Jésus. Il est assis sur la margelle du puits et attend qu’on s’approche de lui avec au cœur cette demande d’eau vive, avec notre cruche vide. S’approcher de lui commence par le sentir très proche. Nous le savons bien si nous regardons pourquoi et comment nous aimons nos enfants, nos parents, notre conjoint. Cela ne s’explique pas, ne se raisonne pas. C’est intérieur, viscéral. C’est la même chose que Jésus demande à ses disciples. Mais pour cela il faut « s’approcher de lui » comme le disait Pierre aux premiers chrétiens. S’approcher de lui, c’est d’abord apprendre à mieux le connaître en commençant par lire ce que nous ont rapporté les disciples dans les Evangiles. S’approcher de lui, c’est méditer sa parole, écouter ce que notre cœur dira après l’avoir médité. C’est ensuite lui faire confiance et décider, comme les disciples de Galilée, de faire un avec lui, partager ses projets, le mettre au cœur de notre vie. Comme l’on met une vocation à suivre, un projet à réaliser, une famille à fonder, une maison à construire au cœur de notre vie. Mettre Jésus au cœur de notre vie ne gênera en rien tous nos autres projets mais il leur donnera une autre lumière intérieure, une autre manière de les vivre. C’est bien ce que Jésus a voulu nous dire : « Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements. (…) Celui qui reçoit mes commandements et les garde, c’est celui-là qui m’aime ; (...) moi aussi, je l’aimerai, et je me manifesterai à lui. » Alors oui nous saurons mieux vivre ce qu’il ne cesse de mettre au cœur de son message, ce qu’il ne cesse de montrer : « Aimez-vous les uns les autres comme moi je vous aime, comme mon Père vous aime. » Paroles entendues tellement souvent qu’elles finissent par ne plus être écoutées. Parce qu’on oublie de commencer par ce qui est la condition de tout, cet attachement à la personne de Jésus. « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » Ce fut la dernière question de Jésus à celui qui était appelé à être le premier pape de l’Eglise.

Seigneur, comme une grâce nous te le demandons, donne-nous d’avoir part à cette révélation qui fut celle des disciples.

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Aloyse SCHAFF

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.

Publié: 14/05/2023