3e dimanche de Pâques

1. « La nuit tombait. » Elle était déjà tombée dans le cœur de ces deux disciples quittant Jérusalem, avec dans leurs yeux les sombres images du Calvaire. Ils avaient mis leur confiance en cet homme, Jésus, l’avaient suivi, écouté, avaient cru en lui. Et voilà que tout venait de s’effondrer. Mais tout de même, cette silhouette qui les avait si souvent précédés, cette voix qui les avait si souvent captivés… Ils auraient dû le reconnaître ! Jésus avait-il changé à ce point ? Etait-il si différent ? Ou bien, eux, n’avaient-ils toujours dans les yeux que l’image du crucifié ? Nous le savons bien : lorsque l’épreuve nous atteint, nous nous enfermons sur nous-mêmes, ne voulons plus rien voir, plus rien savoir de ce qui se passe autour de nous. Qui n’a pas partagé le sentiment que ressentit Lamartine lorsqu’il en fut : « Un seul être vous manque et tout est dépeuplé. » Ce soir du troisième jour, ces disciples sur la route d’Emmaüs, laissèrent Jérusalem et cette histoire derrière eux. Ils rentrèrent chez eux, feront le deuil de celui qui ne reviendra pas. 

2. Ils ne l’ont pas vu arriver et se mettre à leur hauteur, Celui qui avait marché si souvent devant eux. « De quoi parliez-vous chemin ? » De quoi pouvaient-ils parler sinon de tout ce dont la ville de Jérusalem parlait ? De cet homme, de ce prophète de grande renommée, qui était entré il y a quelques jours dans la ville, escorté avec tapage d’un groupe d’admirateurs dont ils étaient, sans doute. Enfin il allait commencer ce Royaume dont il parlait tant. On y croyait, on allait le voir prendre le pouvoir, chasser ces Romains détestés, redonner sa dignité au peuple élu. Mais voilà, les chefs du Temple, et ils devaient avoir leurs raisons, l’ont accusé de blasphème, l’ont trainé devant Pilate sous prétexte de rébellion et l’ont fait condamner comme un brigand de grand chemin. Leur désespérance fut à la hauteur de leurs espérances.

3. S’ils ne l’ont pas vu venir, c’est qu’il venait de si loin. Du fin fond des Ecritures. Lentement, au pas des
prophètes d’antan parcourant toute l’histoire depuis Moïse. Et ils écoutaient. On ne sait combien de temps cela a duré mais, arrivés au seuil de leur demeure, ils l’invitèrent à entrer, sous prétexte qu’il se faisait tard. Mais il n’y eut d’autre raison que celle d’avoir eu le cœur brûlé par ce qu’il disait, par la manière dont il le disait. Et lorsque cet invité inconnu prit le pain, prononça la bénédiction, le rompit et le leur donna, leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent. Thomas voulut voir les traces de la crucifixion. Les disciple d’Emmaüs en virent la raison.

5. Souvent déçus par ce que nous vivons ou avons vécu, inquiets de ce nous vivrons, nous rentrons en
nous-mêmes, marchons, esseulés dans le noir.
C’est alors qu’il faut nous souvenir d’Emmaüs comme nous y invite l’abbé Pierre. « Seigneur, Jésus, souviens-toi de cette petite maison là-bas, à Emmaüs, et du bout de chemin qui y conduit quand on vient de la grand-route. Souviens-toi de ceux qu’un soir tu abordas là-bas, souviens-toi de leurs cœurs abattus, des paroles qui les brûlèrent. Souviens-toi du feu dans l’âtre auprès duquel vous vous êtes assis, et d’où ils se relevèrent transformés, et d’où ils partirent vers les prouesses d’amour… Regarde-nous. Vois, nous sommes tous pèlerins d’Emmaüs, nous sommes tous des hommes qui peinent dans l’obscurité du soir, las de doute après les journées méchantes. Nous sommes tous des cœurs lâches, nous aussi. Viens sur notre chemin, brûle-nous le cœur à nous aussi. Entre avec nous, viens t’asseoir à notre feu… »


Méditation

Comme mon cœur est froid, Seigneur,
Devant tant de misères et de pleurs,
Devant tant de souffrances innocentes,
Et tant l’indigence et tant d’indifférence !

Parce qu’il y en trop et que je ne sais que faire.
Parce je n’ai pas le cœur assez ouvert.
Parce que, moi-même, j’ai trop à supporter.
Et que cela mange toute ma journée.

Ce soir-là, les disciples d’Emmaüs marchaient,
La tête vide et les yeux sur leurs pieds.
Ils rentraient maintenant s’enfermer chez eux
Et n’ouvriraient plus leur cœur à un aventureux.

Viens, Seigneur, sur ma route du soir
Me rattraper avec mes frères découragés
Et que, pour ne pas céder au désespoir,
Tu n’attends que d’être notre invité.

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Aloyse SCHAFF

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.

Publié: 23/04/2023