27e dimanche ordinaire

1. Au fil de ses cheminements, Jésus a trouvé dans la nature des images pour nous dire quelque chose de son Père, du Règne de Dieu mais aussi des hommes et de leur histoire. Après la parabole des ouvriers de la onzième heure et celle des deux fils entendues les derniers dimanches, voici une nouvelle évocation de la vigne, de sa récolte et de ses ouvriers. Les vignerons devaient rendre le fruit de la vigne à son maître et ils ne l’ont pas fait. Il est souvent question de fruit, de récolte dans l’évangile de Matthieu. De ce fruit que la bonne terre produit au centuple dans la parabole du semeur. De ceux qui permettent de reconnaître le bon arbre et de le distinguer du buisson d’épines, des chardons, de l’arbre malade. Un arbre fruitier qui ne produit pas de fruit, des vignerons qui ne répondent pas à l’attente de leurs maîtres, ont perdu le sens de leur raison d’être.

2. Matthieu place cette parabole après le récit de l’entrée messianique de Jésus à Jérusalem et de celui des vendeurs chassés du Temple. Des provocations que les autorités juives ne pouvaient laisser passer. Ils y virent les motifs de son arrestation et de son procès. Jésus le savait et ne pouvait en ignorer les conséquences. Le récit n’est plus parabole mais allégorie, métaphore qui permet d’identifier chaque intervenant et leur histoire. Ce propriétaire qui prend un tel soin de sa vigne, c’est son Père, attentif à Israël, sa vigne, qu’il a choyée, protégée, entourée de soins comme il le fait dire par son prophète Isaïe. Ces vignerons qui ne rapportent pas ce qu’on attendait d’eux, ce sont ses rois, ses prêtres dont le Seigneur attendait de beaux raisins et n’en a obtenu que de mauvais. Ces serviteurs envoyés pour demander le produit de la vigne, ce sont les prophètes que l’on tue, comme Jérémie jeté au fonds d’un puits. Ce fils enfin qui, en dernier recours, se présente est Jésus, l’Envoyé du Père. La suite est évidente. Ce fils sera jeté hors de la ville. En quelque sorte Jésus donne en image un récit de l’histoire passée d’Israël et de sa propre histoire en train de s’écrire.

3. Ce récit ne saurait demeurer pour nous une triste histoire du passé. Matthieu adresse son évangile aux chrétiens de la jeune Eglise de son temps. Elle pourrait très bien se retrouver dans la situation des autorités du Temple qui ont entendu Jésus mais n’ont pas accueilli sa Parole. Des chrétiens des premières communautés, il en fut certainement qui pourraient bien n’avoir été chrétiens que de nom, semblables à ces vignerons qui décidèrent de ne rien rendre au maître de la vigne. Nous sommes tout autant concernés. Ces « beaux raisins » que le Seigneur attend de nous, comme le dit Isaïe dans la première lecture, Paul les égrène dans sa lettre aux chrétiens de Galate, comme « des fruits de l’Esprit Saint : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur, maîtrise de soi ». Chaque terme évoque un aspect de notre vécu. La paix quand nous sommes tentés par la rancune, par le désir de vengeance. La patience quand nous devenons plus exigeants des autres que de nous-mêmes. La bienveillance qui nous fait vouloir et faire du bien à tout un chacun. La douceur dans nos gestes et paroles au lieu et place de comportements durs. La maîtrise de soi qui doit faire place à la colère qui tue le dialogue.

4. Il existe une pratique chrétienne datant des premiers siècles qui a pour nom « examen de conscience ». Il est prévu lors de la préparation au sacrement de la réconciliation. Dans les monastères, un moment de la journée y est consacré. Il consiste à se mettre, le soir venu, sous le regard de Dieu, pour regarder son comportement dans la journée passée. Nous avons d’autres habitudes. Chaque jour les journaux télévisés nous font voir et entendre une multitude d’informations, de morceaux de vie qui disent plus de souffrances que de bonheurs, plus de mauvais raisins que de bons. Nous les regardons par la fenêtre interposée de l’écran en réprobateurs attristés. En oubliant aussi de regarder dans notre maison. Même devant la télévision, fermons un instant les yeux, les oreilles et prenons le temps d’ouvrir une fenêtre sur notre journée pour mieux vivre la suivante. Si je me suis laissé emporter par la colère aujourd’hui, demain j’éviterai de monter le ton. « Lorsque la maison brûle, il ne faut pas ajouter du bois au feu » disait Alphonse de Liguori. Si je me suis laissé aller à mal juger, dénigrer une personne, demain je redoublerai d’attention pour ne pas me laisser surprendre. C’est une politique des petits pas : en regardant où j’ai posé le pied, il faut faire attention à l’endroit où je vais poser l’autre. Prévoir c’est pourvoir. Nous savons prévoir ce qu’il faut acheter pour manger à midi, le soir. Nous savons prévoir ce qu’il faut mettre de côté pour acheter de quoi se vêtir, se chauffer, prendre des vacances. Il doit en être de même pour notre santé spirituelle.

Demandons-la avec François d’Assise que nous avons fêté cette semaine : « Dieu très haut et glorieux, viens éclairer les ténèbres de mon cœur ; donne-moi une foi droite, une espérance solide et une parfaite charité ; donne-moi de sentir et de connaître, afin que je puisse l’accomplir, ta volonté sainte qui ne saurait m’égarer. Amen »