Les concerts dans les églises

Orientations pour l’Église de France

1. Notre époque voit se développer les manifestations culturelles de toutes sortes, et particulièrement les concerts. Pour diverses raisons, les demandes d’utilisation des églises afin d’y tenir de telles manifestations se sont multipliées depuis quelques années. Devant un tel phénomène, la position de l’Eglise est claire :
 d’une part, elle se réjouit de tout ce qui peut élever l’homme selon le projet de Dieu et contribuer à l’ouvrir aux valeurs spirituelles présentes dans la culture (cf. Constitution sur l’Eglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, no. 57)
 d’autre part, elle a reçu mission de préserver le caractère sacré des lieux de culte, qui sont les signes visibles de l’Eglise en chemin sur la terre et de l’Eglise établie dans les cieux (cf. Constitution dogmatique sur l’Eglise Lumen gentium, no. 8 ; Rituel de la dédicace, ch. II, 2).

2. Une récente note de la Congrégation pour le Culte divin [1] a proposé " quelques éléments de réflexion et d’interprétation des normes canoniques (...) (pour) aider chaque évêque à prendre les décisions pastorales valables, en tenant compte de la situation socioculturelle environnante. " [2]

Pour apprécier la portée exacte de cette note, il a paru nécessaire d’en faire l’application à la situation de la France, dans le respect des lois ecclésiastiques [3] et des lois civiles régissant l’utilisation des lieux de culte qui sont devenus propriété de l’Etat ou des communes [4].

Il appartiendra à chaque évêque, conformément au droit, de déterminer des normes plus précises [5].

3. L’Eglise est la maison du Peuple de Dieu, où il se rassemble pour écouter la Parole, prier en commun, recevoir les sacrements, célébrer l’Eucharistie. C’est aussi le lieu où chacun peut venir se recueillir et adorer la présence du Seigneur. C’est enfin un bâtiment, souvent prestigieux, que l’art et la foi de nos ancêtres nous ont légué et qui doit demeurer libre pour la visite. Signes visibles d’une réalité invisible, " les églises ne peuvent être considérées comme de simples lieux publics, disponibles pour des réunions de tous genres. Ce sont des lieux sacrés, c’est à dire mis à part de manière permanente pour le culte rendu à Dieu... " [6].

Le respect de cette identité est un principe fondamental auquel on doit se tenir : " Quand les églises sont utilisées pour des fins différentes de celles qui leur sont propres, leur caractéristique de signe du mystère chrétien est mise en danger, avec des dommages plus ou moins graves pour la pédagogie de la foi et la sensibilité du peuple de Dieu, comme le rappelle la parole du Seigneur : Ma maison est une maison de prière (Lc 19:46) " [7].

4. Dans cet esprit, ne pourront être admis dans les églises que des manifestations ou des concerts compatibles avec le caractère particulier de ces lieux, comme le demande clairement le ’Code de Droit canonique : " Ne sera admis dans un lieu sacré que ce qui sert ou favorise le culte, la piété ou la religion, et y sera défendu tout ce qui ne convient pas à la sainteté du lieu. Cependant l’Ordinaire peut permettre occasionnellement d’autres usages qui ne soient pourtant pas contraires à la sainteté du lieu. " (canon 1210).

Afin de faciliter le discernement d’une telle compatibilité, il sera bon que le clergé affectataire, régulièrement nommé par l’évêque et habilité à donner l’autorisation, soit aidé par une Commission diocésaine désignée à cet effet.

5. On acceptera en priorité et on facilitera même les concerts d’oeuvres faisant partie de la tradition musicale de l’Eglise universelle et qui nous ont été léguées comme " un trésor d’une valeur inestimable " [8]. Ces musiques comportent en effet des caractéristiques et des enjeux qui correspondent tout à fait à la finalité des églises [9]. Mais on pourra également accueillir d’autres types de musiques, de façon occasionnelle, du moment qu’elles ne s’opposent pas au caractère particulier du lieu. Dans tous les cas, on aura soin de veiller à l’observation des règles en vigueur et on fera en sorte que l’église ne puisse jamais être considérée comme une salle de spectacles ordinaire [10].

6. Toute demande d’utilisation d’une église pour une manifestation artistique débordant le cadre cultuel devra être faite par écrit au clergé affectataire et accompagnée des indications précisant la date et l’heure de la manifestation, l’identité de l’organisme demandeur, les raisons invoquées, le programme prévu, les conditions d’exécution, les noms et qualités du responsable de l’organisation, la souscription d’une assurance particulière et les conditions d’entrée. Aucune publicité ne pourra être faite avant l’accord signé par le clergé affectataire, sur l’avis de la Commission diocésaine dont il a été question au no. 4.

L’affectataire devra également avoir obtenu l’avis technique conforme du propriétaire, en ce qui concerne la conservation et la sécurité du bâtiment pour des manifestations de ce genre [11].

7. L’organisateur s’engagera à faire observer les règles de bonne tenue à l’intérieur de l’église, à respecter les lieux (en particulier l’autel, ainsi que le sanctuaire) et à les remettre ensuite en ordre ou à réparer les dégâts éventuels [12].

Pour éviter tout détournement de la destination première de l’église, il n’y aura pas d’autorisation de manifestations qui empêcheraient l’exercice normal du culte (par exemple, pour un festival ou un cycle de concerts, avec répétions, exécutions et installations techniques durables). De même, il ne sera souscrit aucune convention d’utilisation régulière de l’église avec un quelconque organisme.

8. C’est en raison même de leur caractère particulier de lieu de l’Alliance entre Dieu et les hommes que l’accès des églises doit rester libre et gratuit, comme le rappellent les lois ecclésiastiques [13]. Une telle disposition ne signifie pas, bien sûr, qu’il ne faille pas se préoccuper d’accorder aux artistes et musiciens la juste rémunération à laquelle ils ont droit. C’est pourquoi les organisateurs des concerts se doivent de trouver les sources de financement permettant de rétribuer, comme il convient, les différents interprètes ou artisans de la manifestation.

Etant donné la diversité des situations, il n’est pas possible d’ériger des normes valables pour toute la France. S’il le juge bon, l’Ordinaire pourra permettre que soit perçue une participation individuelle aux frais, en veillant à ce que les fidèles puissent venir librement prier aux heures habituelles d’ouverture de l’église.

Les organisateurs devront rembourser aux responsables de l’église les dépenses occasionnées par la, tenue du concert : chauffage, électricité, entretien...

9. Les règles précédemment énoncées ne visent pas les "concerts spirituels" qui peuvent comporter des lectures, des prières ou des moments de méditation silencieuse, et dont les lieux de culte constituent le cadre nature [14]. Cependant, pour souligner le caractère exceptionnel d’autres types de concerts acceptés dans une église, il sera souvent opportun que le curé ou un membre qualifié de la communauté chrétienne locale accueille les participants et expose les raisons qui ont conduit à l’autorisation d’une telle manifestation dans l’église même. De même, il est souhaitable qu’un commentaire discret et approprié, réalisé par une personne compétente sous forme orale ou écrite puisse mettre en valeur la cohérence de l’oeuvre avec le lieu où elle est exécutée [15].

10. Toutes ces dispositions ont pour but de mettre de la clarté et du bon sens dans une situation. devenue parfois conflictuelle en France. Chacun comprendra, nous l’espérons, la nécessité qui nous a poussés à faire respecter le caractère particulier des églises, tout en y accueillant ce témoignage inestimable de la culture humaine que peut constituer la musique. Notre société, en effet, ne peut qu’y gagner, lorsqu’une oeuvre est exécutée dans le cadre pour lequel elle a été composée, et lorsqu’une église ne cesse pas de signifier sa seule raison d’être : la gloire de Dieu et le salut des hommes.

[1"Les concerts dans les églises", orientations de la Congrégation pour le Culte divin, en date du 5 novembre 1987 (cf. Doc. Cath. du 17 janvier 1988, no. 1954, pp. 77-79)

[2Ibid., no. 3 et 4

[3En particulier, le Code de Droit canonique, can. 1210, 1213, 1222 ; et la note de la Congrégation pour le Culte divin citée ci-dessus.

[4Notamment les lois du 9 décembre 1905 et du 2 janvier 1907 portant séparation des Eglises et de l’Etat ; et la circulaire du Ministère de la Culture et de la Communication, en date du 27 avril 1988 sur l’application des règles de gestion domaniale aux cathédrales.

[5Cf. Code de Droit canonique, canon 1213.

[6Note de la Congrégation pour Le Culte divin, no. 9.

[7Ibid., no. 5

[8Constitution sur la Liturgie Sacrosanctum concilium, no. 112

[9Note de la Congrégation pour le Culte divin, no. 9

[10Selon l’article 13 de la loi du 9 décembre 1905, la désaffectation pourrait être prononcée "si les édifices sont détournés de leur destination".

[11Cf. circulaire du Ministère de la Culture et de la Communication, en date du 27 avril 1988. Pour les cathédrales appartenant à l’Etat, c’est l’architecte des Bâtiments de France qui est habilité à donner cet avis technique conforme.

[12Il conviendra le plus souvent que soient notifiées par écrit les exigences auxquelles devront se soumettre l’organisateur et les participants : en particulier, l’interdiction de fumer, y compris dans les dépendances ; la nécessité d’une tenue et d’un comportement corrects ; le respect dû à l’autel, à l’ambon, au siège de présidence, au tabernacle (il convient alors de conserver le Saint-Sacrement dans un autre endroit approprié), et en général à tout le sanctuaire ; la remise en état des lieux (cf. Note de la Congrégation pour le Culte divin, no.10)

[13Code de Droit canonique, canon 1221. Note de la Congrégation pour le Culte divin, no. 10c.

[14Note de la Congrégation pour le Culte divin, no. 2.

[15Ibid., no. 10g.

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Conseil permanent de la conférence des évêques de France
Publié: 13/12/1988