Tendresse et rite
Lors d’une rencontre organisée par une association de soins palliatifs, les représentants de plusieurs religions interviennent sur leurs rites dans l’accompagnement des mourants et des défunts. Les diversités culturelles éclatent aux yeux de l’assemblée, révélant que les traditions s’inscrivent dans une longue histoire religieuse, leurs pratiques s’inspirant des textes fondateurs. Il est évident que ces rites ne peuvent rester immuables. Ils évoluent au fil du temps et des changements culturels que les religions doivent prendre en compte pour chercher des expressions de foi adaptées à leur temps. Par exemple : le fait que le corps du défunt n’est plus gardé à la maison et que l’incinération devient fréquente. À cela s’ajoute l’importance que prennent, aujourd’hui les entreprises de pompes funèbres.
Approcher la mort et la vivre aujourd’hui, dans notre culture, ne ressemble en rien aux premiers siècles du judaïsme ou du christianisme. Peut-on de même, comparer ce que représente la mort, pour nous, en Europe, et ce qu’elle est pour des bédouins nomades d’Arabie ? Ainsi, le respect du corps, si important dans notre mentalité contemporaine, ne peut qu’interroger le peuple tibétain, par exemple, dont certaines pratiques consistent à découper le corps du défunt et à le livrer aux vautours sur le sommet des montagnes.
Au cours du débat s’élève une question : "Nous avons entendu parler de rites, mais que faites-vous de la tendresse ?” Et le visiteur de malades, auteur de la question, se livre à une véritable apologie de la tendresse auprès des mourants et de leurs familles. Dans ces moments, une simple caresse devient communication et le silence dit une présence. Contestant les rituels religieux, cet homme évoque avec insistance une attitude qui lui tient à cœur : la compassion.
Mais pourquoi opposer tendresse et rite ? La première dit les sentiments de compassion et de fraternité qui humanisent les rapports entre bien portants et malades. Elle dit la richesse du cœur en suscitant, parfois, des relations familiales et amicales plus sereines au moment de la séparation. Quant au rite, loin de s’opposer aux gestes de tendresse, il signifie une réalité qui est au-delà de la seule présence fraternelle. Il révèle la dimension de transcendance, le lien avec le divin. Dans son intervention, le visiteur de malades faisait référence à l’apprivoisement dont parle St Exupéry, pour évoquer la rencontre du Petit Prince et du renard. N’était-il pas bon de lui rappeler que dans ce même passage, St Exupéry écrit : “Il faut des rites… Qu’est-ce qu’un rite ? C’est aussi quelque chose de trop oublié.” N’est-il pas le rappel que “l’essentiel est invisible pour les yeux ?“
Prêtre du diocèse d’Albi, chargé de la communication.