Un alibi béton

Une femme mariée cherche un alibi pour rencontrer son amant. Une solution du côté d’internet ? Les sites sont nombreux ; sur l’un d’entre eux, on lui propose de faire une convention bidon pour une formation en pâtisserie. Tout est bien rédigé, les horaires fixés ; le document ne laisse planer aucun doute sur la pertinence d’une telle formation. Pour la mise en œuvre, c’est bien simple : aux heures prétendues de formation, la maîtresse peut se rendre chez son amant. Pendant ce temps, la personne qui a rédigé la convention réalise des pâtisseries que l’infidèle viendra retirer avant de rentrer chez elle. Son époux pourra les apprécier et manifester un grand intérêt pour les nouvelles compétences de sa femme, sans soupçonner un seul instant qu’elle a fait tout autre chose pendant son absence !

L’émission télévisée, présentant ce type de pratique, ne peut que surprendre le téléspectateur. Sur un des sites, on peut lire : « Recherche alibi béton pour mensonge éhonté », que ce soit pour un rendez-vous oublié à excuser, une absence à justifier, un repas de famille à éviter, une relation à maintenir secrète pour ne pas briser un couple... Apparues en France, des agences spécialisées fournissent des alibis virtuels, comme des cartons d’invitation à des conférences, des stylos souvenirs, des tickets de caisse, tout ce qui peut servir de preuves pour convaincre des proches de la prétendue présence à un événement ou à un rendez-vous d’affaires. Le concept, déjà présent aux Etats-Unis, connaît un véritable succès.

Au cours de l’émission, l’étonnement est plus grand encore quand le fils de la prestataire de service, jeune garçon d’une douzaine d’années dit : « Ma mère aide les gens à mentir ! »

Il y a de quoi être indigné par la présentation au grand public de pratiques condamnables qui peuvent éveiller la curiosité du téléspectateur, mais aussi devenir incitatrices pour ceux et celles qui, en quête d’alibis, n’auraient encore rien trouvé !

Il y a de quoi s’interroger aussi sur ce que propose une télévision publique qui devrait être garante non seulement du divertissement de ceux qui la regardent mais encore de leur enrichissement culturel et de la promotion des valeurs qui structurent la vie sociale.

De fait, le mensonge organisé ne serait-il pas monnaie courante sur nos antennes, dans bien d’autres circonstances ? Ce que révèle la publicité de tels sites n’est peut-être qu’un épiphénomène de ce qui est plus profond. Certains discours politiques ou syndicaux, certaines prises de parole par des responsables de haut niveau pourraient bien être autant de mensonges, par la pauvreté de leurs analyses. Ne faut-il pas s’élever contre les discours simplistes qui veulent flatter l’opinion publique ? Ne faut-il pas réagir contre la surabondance des micros trottoirs, d’une indigence notoire ?

Éduquer par les médias est un réel chantier. Ne cherchons pas trop vite un “alibi“ pour dire que le public ne peut pas comprendre !

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Michel AMALRIC

Prêtre du diocèse d’Albi, chargé de la communication.

Publié: 01/05/2011