4e dimanche de Pâques

« Je suis le bon berger, je connais mes brebis et mes brebis me connaissent. »

1. Les bergers et leurs troupeaux ne se voient plus guère dans nos paysages, à part ceux de quelques reliefs montagneux. En Palestine, à l’époque, la silhouette du berger était familière pour ce peuple d’origine nomade. Et lorsqu’on sait combien les pâturages pouvaient y être pauvres, les distance à parcourir importantes et rudes ces collines du désert de Juda, sous un soleil toujours implacable, il apparaît bien que le berger devait être très près de son troupeau tant il risquait d’être attaqué par les pillards ou les bêtes sauvages, ou de se perdre. Toute la vie du troupeau dépendait de son guide : c’est le berger qui sait les chemins, qui sait les pâturages, qui sait les dangers. Les petites gens, faisaient eux-mêmes paître les quelques bêtes qui leur appartenaient. Mais les riches propriétaires avaient recours à des bergers qu’ils payaient pour cela, des mercenaires. Ce métier était bien mal vu pourtant, comme beaucoup d’autres, parce qu’on soupçonnait ces bergers mercenaires de détourner des agneaux à leur profit ou de faire paître les troupeaux sur des pâturages ailleurs que permis ou de les négliger.

2. Jésus se présente comme un pasteur, un bon pasteur, à 6 reprises en 5 versets. On sent dans cette insistance, que la suite du récit confirme, une ambiance conflictuelle. Depuis le berger David, devenu roi, ses successeurs avaient l’obligation de gouverner en bons pasteurs. Les prophètes leur reprochèrent souvent d’y manquer, comme Michée : « J’ai vu tout Israël dispersé sur les montagnes, comme des moutons qui n’ont point de berger. » Au temps de Jésus, cette obligation incombait aux chefs religieux. Jésus leur adresse un même reproche : « Voyant les foules, il fut pris de pitié pour elles, parce qu’elles étaient harassées et prostrées comme des brebis qui n’ont pas de berger. » C’est à elles que Jésus s’adresse : « Je suis le bon berger. » Mais Jésus va bien plus loin que ce qu’on attend d’un berger. Pour lui, il n’y a pas d’un côté le berger et d’autre part un troupeau qui le suivrait « bêtement », mais il se dit le berger de chacune des brebis, attentif à chacune d’elle : « Je connais mes brebis, je les appelle par leur nom, elles me connaissent et savent que je suis leur berger. » Il se dit prêt à partir à la recherche de la seule qui se serait perdue, et même de se dessaisir de sa vie pour elles.

3. Le cœur de la parabole se trouve dans cet attachement personnel que Jésus dit avoir avec ceux qui le suivent. C’est nouveau. Les croyants juifs s’adressaient à Dieu de la manière que leur avaient enseignée les anciens, Moïse et les prophètes. Avec beaucoup de « crainte », c’est-à-dire de respect. Moïse devait se voiler la face lorsqu’il s’approchait de Dieu au Sinaï. Beaucoup de contraintes étaient imposées aux croyants par les chefs religieux, autre reproche de Jésus : « Vous aussi, légistes, vous êtes malheureux, vous qui chargez les hommes de fardeaux accablants, et qui ne touchez pas vous-mêmes d’un seul de vos doigts à ces fardeaux. » Dieu avait créé l’humanité mais il n’en était pas. Les écrits évangéliques attestent toute la conviction révolutionnaire des apôtres : Jésus est venu dans ce monde, envoyé par le Père. Dès lors il était devenu possible de voir, de toucher, de parler à Dieu lui-même. Comme l’entendit Philippe le jour où il posa la question : « Seigneur, montre-nous le Père et cela nous suffit. » Jésus lui dit : « Je suis avec vous depuis si longtemps, et cependant, Philippe, tu ne m’as pas reconnu ! Celui qui m’a vu a vu le Père. Pourquoi dis-tu : Montre-nous le Père ? Ne crois-tu pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ? »

4. Certes nous n’avons pas dans les yeux sa silhouette comme ses disciples de Galilée, nous n’avons pas dans les oreilles le son de sa voix à laquelle Marie Madeleine le reconnut au jardin de la Résurrection. Mais l’évocation de son seul nom doit faire surgir dans notre cœur une présence bien plus prégnante qu’une image pieuse. Ressentir sa présence nous fera aller bien plus loin qu’une admiration à distance. Ne réduisons pas notre foi en un système de dogmes à croire mais trouvons-y le lieu d’un dialogue avec le Christ qui se dit tout proche de nous. Prenons à la lettre sa dernière parole aux disciples avant de les quitter : « Je demeure avec vous jusqu’à la fin des siècles. » Ce qui ne va pas de soi. Il nous faut creuser en ce sens, tout en priant, comme le faisait Guillaume de Saint-Thierry, un ami de saint Bernard : « Où es-tu, Seigneur, où es-tu ? Et où, Seigneur, n’es-tu pas ? Je suis certain qu’ici, maintenant, tu es avec moi. Mais puisque tu es avec moi, pourquoi ne suis-je pas avec toi ? »

Seigneur, tu vois combien nous sommes des enfants qui entendent mais ne comprennent pas. Nous ne savons comment faire pour ressentir combien tu es proche de nous. Donne à notre cœur de reconnaître ta voix.


Où es-tu, Seigneur, où es-tu ?
Et où, Seigneur, n’es-tu pas ?
Je suis certain qu’ici, maintenant, tu es avec moi.
Mais puisque tu es avec moi,
pourquoi, moi aussi, ne suis-je pas avec toi ?
Aie pitié, Seigneur, aie pitié ! Tiens ma main, ne me lâche pas,
jamais je ne te trouverai sans le secours de ta miséricorde et de ta bonté pour moi.
Jusques à quand, Seigneur, jusques à quand ?
Si Toi, tu n’allumes pas ma lanterne si tu n’illumines pas mes ténèbres
je n’arriverai pas à m’arracher à cette tentation de ne pas croire en Toi.
Pardonne, Seigneur, pardonne !
Mon cœur est impatient de toi, je cherche ton visage,
je cherche ta face, avec ton aide.
Ne te détourne pas de moi, Seigneur, je me tiens devant toi
comme un pauvre, comme un mendiant,comme un aveugle :
tandis que tu me vois, moi je ne te vois pas.
Donne-moi, Seigneur, donne-moi, pour me consoler de ma solitude, de pouvoir converser avec Toi.
Je ne serai pas seul, aussi longtemps que tu seras avec moi.
Ouvre, Seigneur, ouvre toi-même la porte du ciel.
Tu es la porte : si je la trouve ouverte, j’entre et je suis heureux.
Si je la trouve fermée, confus je me retire et je suis, misérable, renvoyé à ma demeure.
Oh ! Si je pouvais te voir, demeurer avec toi.
Si je pouvais un jour entendre l’invitation : « Entre dans la joie chez ton Seigneur. »
Mon cœur est prêt, ô Dieu, mon cœur est prêt. Ordonne ce que tu veux, fais-le-moi comprendre.
Je tâtonne en plein jour. Envoie-moi, Seigneur, ta lumière et ta vérité.
Excuse, Seigneur, excuse ma prière,
Toi qui es proche de tous ceux qui t’invoquent en vérité, je viens à Toi,
comme si toute ma vie passée était morte.
En Toi, ô principe de la nouvelle vie, je placerai mon principe.
Seigneur, ne garde pas mémoire des péchés de ma jeunesse.
O lumière, ô lumière de vérité, chasse aujourd’hui mes ténèbres.
Nourris-moi du pain de vie et abreuve-moi de l’eau du salut.
Je te rencontre, Seigneur, dans ton amour, Oh ! comme je voudrais te rencontrer toujours.

Guillaume de Saint-Thierry (XIIe), ami de St Bernard

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Aloyse SCHAFF

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.

Publié: 30/04/2023