Objets inanimés

Voilà trois ans qu’Aline nous a quittés.
Son mari, aujourd’hui, me parle du devenir de son immense bibliothèque. Des étagères bourrées de livres et de documents divers envahissent pièces et couloirs. C’est impressionnant ! Sur son bureau, des piles d’ouvrages comme s’ils attendaient une place pour être rangés, ou comme si elle allait revenir et prendre un document dont elle voulait parler avec une amie !

Aline était une grande amoureuse de littérature, de poésie, de théâtre. Sa curiosité était insatiable : de grands livres aux multiples photos invitant au voyage, élargissaient son regard sur le monde. Parcourir ainsi, d’un coup d’œil rapide, ces multiples ouvrages, c’est découvrir une personnalité encore insoupçonnée. J’entends la question de son époux qui se préoccupe de l’avenir de toutes ces rangées de livres, laissées telles quelles depuis de la mort d’Aline.

Alors, que faire ? Qu’en est-il de la décision qui s’impose maintenant, alors même qu’André, son époux, âgé, peine à la prendre ? Faire venir ses amis, leur demander de se servir, de prendre ce qui peut être des souvenirs de celle qui, au jour de sa mort, laissait ce message : « J’ai aimé la vie avec vous, je vous laisse l’espérance. » ?

Le passage d’un bouquiniste s’imposera bien un jour. Serait-ce que tout partira dans l’anonymat et finira dans quelque brocante ? Très certainement, Aline connaissait par cœur ces vers de Lamartine : « Objets inanimés, avez-vous donc une âme qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ? » Aline n’est plus là pour leur donner vie. La mort a fait son œuvre jusque dans sa bibliothèque ! Certes, sa personnalité a été nourrie de tous ces documents mais avec le temps, ils ont perdu leur résonance.

Après cette visite imprévue, des questions surgissent en moi sur le chemin de retour. À quoi bon garder, mettre de côté “au cas où cela pourrait servir un jour” ? À qui ? Un relais est-il encore possible ? Trois ans après sa disparition, ce qui en moi reste vivace d’Aline, ce sont nos échanges lors de moments chaleureux. Des échanges qui font écho à son beau message d’adieu : « L’espérance d’une vie qui se renouvelle et nous renouvelle sans cesse. »
Il est plutôt sage de pas trop rechercher à retenir quoi que ce soit.

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Michel AMALRIC

Prêtre du diocèse d’Albi, chargé de la communication.

Publié: 01/10/2021