Je vous dérange ?

Que de fois j’entends ces propos lors d’une visite inopinée ou lors d’un coup de téléphone.

Il est vrai que, sollicité pour un conseil, un service, sur le moment, je me sens “dé-rangé” par rapport à ce que je faisais. Je comptais écrire ce Coup de cœur et me voilà sollicité pour un service à l’hôpital. Tant pis pour mon projet ! Mais, pourrai-je remettre à temps ma copie ? Je me rassure en me disant que je trouverai bien un autre moment pour ce travail de rédaction !

Réflexion faite, je me demande si les dérangements ne sont pas une bonne chose et si vivre ce n’est pas précisément s’organiser au travers des dérangements successifs et multiples ! En un sens, ils nous font exister dans la relation aux autres. Pour une grande part, nos existences prennent sens par la place que nous accordons aux personnes. C’est dans l’échange que notre humanité se construit. Les coups de sonnette, le téléphone ou les mails viennent nous sortir de notre autosuffisance ! Et inversement ceux qui nous “dérangent” existent eux aussi par nous. C’est une réciprocité bénéfique des deux côtés.

Peut-être qu’aujourd’hui un certain égocentrisme nous rend sourds à la sollicitation surprise. Mais ce n’est pas mieux d’entendre : « Je n’ose pas vous déranger ! » si ce propos veut dire le refus d’exister face à l’autre. Bien sûr qu’il y a des convenances à respecter. Aujourd’hui l’utilisation du téléphone est réduite par l’envoi d’un texto ou d’un mail qui ont un côté moins intrusif parce que consultable à un meilleur moment. Dans l’impossibilité d’accueillir un visiteur ou de satisfaire une demande, il est préférable d’exprimer sa disponibilité à un autre moment.

Me revient à l’esprit le conseil que donnait St Vincent de Paul à celles qui seront les Filles de la Charité : « Si lorsque vous êtes en train de prier et que l’on sonne à la porte pour “une médecine” (un soin), laissez là votre prière pour aller porter la médecine... Vous ne faites que quitter Dieu pour Dieu. »

Bel exemple ! Il nous rappelle qu’il est souvent bénéfique d’être dérangés C’est pour nous l’occasion de reconnaître l’autre et les croyants peuvent y voir un signe du Seigneur. Tout dérangement qui va dans le sens de l’écoute, de l’aide, du partage, est un chemin pour grandir en humanité certes, mais aussi en spiritualité.

Après avoir été dérangé au début de mon propos... j’ai pu écrire toutefois ces quelques lignes… Ce Coup de cœur va-t-il vous “dé-ranger” ?!

Une faute d'orthographe, une erreur, un problème ?   
 
Michel AMALRIC

Prêtre du diocèse d’Albi, chargé de la communication.

Publié: 01/01/2020