Et si on se mettait à table...

Au lendemain d’un repas très animé chez des amis, en lisant les lectures du jour dans la Bible, je redécouvre le prophète Elie. Découragé devant la mission à laquelle il était appelé, il en arrive à souhaiter la mort : « Je n’en peux plus » dit-il et il se couche. Il entend alors une voix : « Lève-toi et mange. » Sous ses yeux, des galettes et une cruche d’eau. Première attention de Dieu avant sa manifestation dans « une brise légère ».

Serait-ce que rentrer dans une démarche spirituelle va de pair avec la prise en compte des besoins fondamentaux de l’homme, tels que manger et boire, entre autres ? Dans l’histoire biblique de nombreuses rencontres commencent par l’invitation : « Et si on ne mettait à table ! » Plus qu’un simple rite d’accueil, le repas dans la culture du Moyen Orient est, pour les croyants, l’image symbolique du « grand banquet » dans le Royaume.

Revenant sur ce qui s’était passé ce soir-là, chez des amis, spontanément je faisais un lien entre ces deux types de repas. De son côté Elie, une fois nourri, s’était mis à l’écoute de Dieu. Lors du repas où j’étais invité, une fois l’accueil terminé avec le rite de l’apéritif, tous les convives sont passés à table. Après avoir parlé des banalités classiques d’un début de repas et des thèmes habituels centrés bien souvent sur les recettes de cuisine : « Où achetez-vous votre viande ? Votre pain ? Quel est le temps de cuisson ?... », le temps de l’échange a pris une tout autre allure. L’un des participants, évoquant une sépulture à laquelle il avait assisté au cours de l’après-midi, a déclenché un vif déballage de réflexions autour de l’Eglise, de la religion, de Jésus. C’était bien la première fois que ces questions touchant la spiritualité étaient mises « sur la table » avec ces mêmes invités !

Au fil de l’échange, quelque peu passionné, des avis personnels se sont exprimés. Après le langage quelque peu conventionnel et les mêmes propos toujours répétés, dans un climat d’une sincérité grandissante, avec un langage parfois malhabile, chacun s’était senti sollicité à dire ce qu’il croyait ou ne croyait pas.

Dans tout repas, il y a, certes le côté « alimentation ». Mais il y a aussi ce qui se dit, ce qui s’échange et peut devenir « nourriture » pour le cœur et l’esprit. Preuve en est l’expression très imagée : « Je buvais ses paroles », la table, ce soir-là, était devenue, pour un temps, table de la parole où la spiritualité s’était invitée au « menu ».

Toutefois une question se pose pour aujourd’hui : quand dans certaines familles le repas a plutôt l’allure d’un self-service, que devient la « nourriture » de la parole ?

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Michel AMALRIC

Prêtre du diocèse d’Albi, chargé de la communication.

Publié: 01/01/2019