La parabole de la forêt

Dernièrement un comptable évoquait un échange avec ses collègues de bureau. Ils remarquaient qu’actuellement le savoir-faire professionnel n’est plus transmis aux nouveaux arrivants. Fini le temps du lien entre générations. « L’expérience ne sert qu’à celui qui la fait. » Ce dicton serait-il vérifié ? Sur le plan religieux, des grands-mères font un constat semblable : « Sur treize petits-enfants seulement trois sont baptisés. »… L’initiation religieuse paraît quelque peu en panne.

Est-ce un changement de civilisation ? Faut-il s’en offusquer ? La société a toujours été en perpétuelle transformation. De leur côté, les grandes religions ne sont plus considérées comme pôles de référence pour donner sens à ces mutations. Des théologiens catholiques [1] veulent éclairer ce phénomène tout en ouvrant des perspectives d’avenir. Ils proposent de passer de la « transmission » à « l’engendrement » avec un exemple à l’appui : en 1999, un ouragan a déferlé sur l’Europe, particulièrement dans l’Est de la France. Des millions d’arbres ont été abattus. Au temps de la « reconstruction », les ingénieurs forestiers se sont mis au travail pour élaborer des plans de reboisement. Ils constatent lors de la mise en œuvre, que la forêt les avait devancés. La régénération manifestait à bien des égards une meilleure bio-diversité. Obligés de modifier leur stratégie, de leur pratique d’intervention volontaire, ils devaient accompagner tout ce qui reprenait vie et qui n’était pas dans leurs prévisions.

Et s’il en était de même pour la société et pour l’Église ? Face aux bouleversements des traditions, même à leur disparition, nous sommes invités à repérer ce qui se fait jour comme signe de vitalité. En ce qui concerne la société civile, par exemple, la création de multiples associations vient répondre aux aspirations de fraternité. Ce ne sont pas forcément les politiques mises en place qui font progresser la démocratie. Le monde associatif a autant de valeur que le bulletin dans l’urne.

Il en va de même pour le devenir de l’Église. Les plans pastoraux, les parcours proposés, venus d’en haut, peuvent apparaître lettres mortes. Pour autant, des hommes et des femmes témoignent, bien simplement, d’une vie évangélique, au quotidien. Les chrétiens ne sont pas les seuls dépositaires de l’Esprit de Dieu qui anime le cœur de tout homme. Plutôt que de se lamenter ne faudrait-il pas commencer à regarder tout ce qui est en germe pour « l’engendrement » du Royaume ?

[1Article d’André Fossion dans un ouvrage collectif.

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Michel AMALRIC

Prêtre du diocèse d’Albi, chargé de la communication.

Publié: 01/02/2018