La journée des frites

Au début de l’année scolaire, je reviens sur un événement de l’année écoulée. Par l’affichage du menu quotidien, les parents sont informés de la « journée des frites » à la cantine. Comme s’il s’agissait d’un événement vraiment exceptionnel, les effectifs gonflent, ce jour-là. À croire que les frites symbolisent la joie du repas pour les écoliers. Serait-ce que les jeunes mamans, se contentant des pâtes et du jambon blanc, ne proposent jamais de frites à la table familiale ? Tout simplement, c’est que cette « journée des frites », à la cantine, permet aussi aux mamans d’être plus libres et de pouvoir mieux disposer de leur temps, à l’heure du déjeuner.

Au matin du jour « béni », les mamans déposent leurs jeunes enfants avec la recommandation : « Puisque tu manges aujourd’hui à la cantine, je ne te reverrai qu’à la sortie de l’école, ce soir. » Tout s’annonce pour le mieux ! Voilà qu’à midi, contrairement à ce qui était annoncé, les frites ne sont pas au rendez-vous. Des épinards suscitent de multiples grimaces. Dès la sortie de l’école, les parents sont vite au courant de cet incident.

Le lendemain, une quinzaine d’entre eux se retrouvent dans le bureau de la directrice pour exprimer leur mécontentement. Comme ses collègues, cette dernière ne s’attendait pas à une telle démarche. La voilà mise en cause pour n’avoir pas veillé attentivement à l’exécution du menu programmé.

Cet événement est révélateur de la relation de certains parents avec l’école. Certes, la frustration des enfants (les épinards à la place des frites) peut être reçue mais celle des parents pose question. N’est-elle pas révélatrice d’une relation fusionnelle entre enfants et parents ? Cela se manifeste également dans ce type de propos, tenu par un père ou une mère : « Il m’a ramené une mauvaise note aujourd’hui », comme si c’était eux qui recevaient la mauvaise note. De même quand une jeune maman demande à l’institutrice de sa fille de faire quelque chose pour que sa meilleure copine soit plus gentille avec elle. Serait-ce que la maman souffre tout autant que sa fille de cette fâcherie passagère ?

Avec ou sans frites, face aux jeunes qui veulent quelque chose « maintenant et tout de suite », le rôle des parents est d’éduquer aux plaisirs différés, à la non-satisfaction immédiate des besoins, sachant que c‘est précisément cela qui permet aux jeunes de grandir, de devenir eux-mêmes.

Le poète allemand Rainer Maria RILKE ne dit pas autre chose quand il invite à aimer la distance qui sépare les êtres pour qu’ils se voient chacun « entiers découpés dans le ciel ».

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Michel AMALRIC

Prêtre du diocèse d’Albi, chargé de la communication.

Publié: 01/09/2017