La cruche fissurée

Si, aujourd’hui, vous n’êtes pas sportif, beau, intelligent, productif, geek (accro des technologies modernes) vous ne serez guère pris en considération. Tout juste si l’on s’adresse à vous pour vous faire remarquer que vous êtes d’un autre âge, HS (hors service). Combien de personnes sont ainsi mises à l’écart du travail parce que reconnues inaptes à soutenir des cadences de production. Que dire encore des personnes malades psychiques ou handicapées qui ont à se faire une place dans la société ?

L’autre jour, au bureau de poste, un monsieur âgé ne sait comment s’y prendre pour obtenir un carnet de timbres à l’automate. Devant la personne qui, gentiment, le conseille pour la manipulation, lui, l’ancien chef du personnel, a dû se sentir humilié.

L’avenir du monde ne repose-t-il donc que sur les bons managers soutenus par de bons “coaches” ? L’Église de ce temps ne risque-t-elle pas d’être dans cette mouvance ? Que vont devenir les “chrétiens anonymes” ? Quel accueil pour des couples qui demandent le mariage ou le baptême alors qu’on leur fait remarquer leur manque de connaissances religieuses ? Les débats qui ont surgi au synode sur la famille ont bien montré les clivages entre ceux qui s’arcboutent sur la doctrine et ceux qui ont une attitude plus pastorale, accueillante aux blessés de la vie. En présentant la figure de la Samaritaine, le message de l’Évangile est clair : cette femme, qui avait eu cinq maris, annonce le Christ à son entourage ! Au milieu de ce monde, l’Église n’est-elle pas attendue pour être plus prophétique en manifestant son attention auprès des petits, de ceux qui sont aux marges ? Mieux que les propos qui précèdent, la parabole de la cruche fissurée peut parler à qui veut entendre son message :

Un vendeur d’eau, chaque matin, se rend à la rivière, remplit ses deux cruches, part vers la ville distribuer l’eau à ses clients. Une des cruches, fissurée, perd de l’eau ; l’autre, toute neuve, rapporte plus d’argent. La pauvre fissurée se sent inférieure. Elle décide, un matin, de se confier à son patron. « Tu sais, dit-elle, je suis consciente de mes limites, tu perds de l’argent à cause de moi car je suis à moitié vide quand nous arrivons en ville. Pardonne mes faiblesses. »
Le lendemain, allant vers la rivière, notre patron interpelle sa cruche fissurée, et lui dit : « Regarde sur le bord de la route. C’est joli, c’est plein de fleurs et c’est grâce à toi ! C’est toi qui, chaque matin, arroses le bas-côté de la route. J’ai acheté un paquet de graines de fleurs et je les ai semées le long de la route, et toi, sans le savoir et sans le vouloir, tu les arroses chaque jour. »

Ne l’oublions jamais : nous sommes tous un peu fissurés mais Dieu, si nous le lui demandons, sait faire des merveilles avec nos faiblesses.

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Michel AMALRIC

Prêtre du diocèse d’Albi, chargé de la communication.

Publié: 01/05/2016