Les agneaux de Philippe

L’agnelage vient de se terminer. Quand Philippe entre dans sa bergerie, il est tout heureux qu’il se soit bien passé. Il ne regrette pas les heures de jour et de nuit, consacrées à ce temps fort pour la vie du troupeau. Les bêlements de la centaine d’agneaux en sont le signe... Tout en sautant dans tous les sens, ils donnent un air de jeunesse. Une joie profonde l’envahit : il y voit le signe d’une saison bien préparée !

Quelques jours passent… Un matin, de retour dans sa bergerie, Philippe est inquiet : les agneaux ont l’air malades. Ils ont perdu du poids. Que se passe-t-il ?
Son inquiétude grandit ; conseiller et vétérinaire sont contactés. Une explication est vite donnée... le lait des brebis est trop fort, et ne convient pas à leurs petits !

Pendant la gestation, la nourriture donnée aux brebis a été forcée en azote... et voilà le résultat ! L’indignation grandit. Pour des raisons économiques et pour répondre aux besoins de ceux qui collectent le lait pour les industriels le jeune éleveur, guidé par son conseiller, les a suralimentées. Le lait collecté convient aux exigences des caves ; mais c’est au détriment des jeunes agneaux. Philippe est obligé de les séparer de leur mère et d’entrer dans un cycle de traitement avec des frais de vétérinaire et de médicaments.

Quand, aujourd’hui, Philippe parle de son troupeau, sa joie est quelque peu ternie : il constate qu’il n’a plus la maîtrise de son savoir-faire, reçu de son père. Pour des questions de quotas imposés par les caves et de qualité pour les fromages, il doit suivre obligatoirement les prescriptions des conseillers des caves. Ces derniers conseillent qui ? L’éleveur pour qu’il ait un joli troupeau et une bonne reproduction ? ou bien le conseiller est-il lui même conseillé, dirigé par les grandes marques de fromage ?

Voilà qui peut interroger le consommateur que nous sommes, chacun. Parfois nos exigences obligent les producteurs à des pratiques qui, en amont, ne respectent pas les cycles naturels et l’environnement. Pourquoi pas une petite invitation à nous consommateurs : en présentant le plateau de fromages à la fin du repas, aurons-nous une pensée pour Philippe et ses collègues éleveurs ?

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Michel AMALRIC

Prêtre du diocèse d’Albi, chargé de la communication.

Publié: 01/02/2015