Dimanche de Pâques.

1. « Χριστός ανέστη ! » (Christos anesté), « Christ est ressuscité ». C’est ainsi que se saluent joyeusement, le jour de Pâques, les chrétiens des Eglises Orientales. Deux mots seulement, c’est peu et c’est beaucoup. Deux mots qui font entendre du jamais entendu. Deux mots pourtant qui ont dû naître d’abord dans l’interrogation, le doute, à peine murmurés dans l’aube naissante, tant l’étonnement était grand, tant ce qu’ils signifiaient semblait irréel, inimaginable. Celui qu’on avait couché parmi les morts a été relevé d’entre eux. Celui qui était mort, plus que mort même tant la mort par crucifixion rendait un corps mutilé, cette peine horrible, si inhumaine que les Romains cultivés comme l’écrivain Cicéron se refusaient d’en parler, celui-là n’était plus dans le tombeau, avait été vu et avait parlé à quelques femmes. Elles l’avaient rapporté aux autres disciples qui « trouvèrent ces propos délirants » jusqu’à ce qu’eux-mêmes se rendent à l’évidence et se mettent à le crier.

2. Tel est le fondement de la religion chrétienne, qu’on ne retrouve dans aucune autre. Toutes les philosophies et les religions ont dit quelque chose de l’après-mort. Selon Platon et les philosophes grecs, l’homme est composé d’une âme et d’un corps. Seule l’âme est immortelle mais on sait en dire plus. Pour les religions asiatiques comme l’hindouisme, le bouddhisme, le jaïnisme, l’âme est prisonnière du corps et ne peut s’en délivrer que par la renonciation à tous ses désirs, au terme de multiples réincarnations. L’âme entre alors dans un état de fusion avec l’Absolu : le « nirvana » ou « extinction » pour les bouddhistes, le « moksha » ou « délivrance » pour les hindous, le « siddhi » ou « perfection » par les jaïns. Grand silence chez les écrivains de la Bible qui ne demandent bonheur et félicité que pour le temps présent. Le rabbin Shélomo Zini confirme : « Les âmes des défunts, ou tout au moins un grand nombre d’entre-elles, retrouveront chair pour connaître une vie terrestre de félicité. » Pour tous, il s’agit d’un futur d’éternité espéré sans que personne ne puisse le justifier.

3. « Χριστός ανέστη ! » « Christ est ressuscité. » Lorsque Paul se mit à prononcer ces deux mots devant les sages d’Athènes, il n’y eut qu’une réaction : « Au mot de résurrection des morts, les uns se moquaient, d’autres déclarèrent : “Nous t’entendrons là-dessus une autre fois”. » Et ils quittèrent la place publique, ce champ de discussion et d’échanges. C’est que Paul n’était pas venu pour en discuter mais pour témoigner. Pourtant il n’avait pas été de ces disciples qui avaient vu et parlé avec Jésus. Il n’avait entendu qu’une voix : « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? » Mais il sut immédiatement qui lui parlait. Il en fut retourné et de pharisien acharné à l’encontre des disciples du Christ il devint le plus passionné d’entre eux.

4. Une passion du cœur. « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi. » Aucun disciple ne l’a dit avec autant de force et il a prié pour que « l’Esprit Saint fasse habiter le Christ » dans le cœur de chaque disciple. Parce que c’est bien par le cœur qu’il faut en être. Les dernières paroles qu’adressa Jésus à Pierre, trois fois de suite, ne disent rien d’autre que cette attente : « Pierre m’aimes-tu ? » Si ne pouvons pas répondre avec lui « Seigneur, tu sais bien que je t’aime », notre foi est bien tiède et ne peut guère enthousiasmer. Les prédicateurs évangélistes qui n’ont que le nom Jésus à la bouche l’ont bien compris. Ils ne parlent de Dieu qu’avec ce nom. Et ils embrasent des foules. C’est ce que faisait Paul qui va bien au-delà des incantations en nous faisant voir tout ce que croire en Christ impliquait. Interrogés aujourd’hui sur ce qu’ils attendent de la vie éternelle, nombre de chrétiens répondent spontanément : revoir nos parents et tous ceux que nous avons aimés ici-bas. Paul écrit son attente aux Ephésiens : « Pour moi, vivre, c’est le Christ, et mourir m’est un gain. Je suis pris dans un dilemme : j’ai le désir de m’en aller et d’être avec le Christ, et c’est beaucoup préférable, mais demeurer ici-bas est plus nécessaire à cause vous. »


Méditation

« Et tout à coup dans le clair de lune, les cloches en une grappe énorme dans le clocher,
Les cloches au milieu de la nuit comme d’elles-mêmes, les cloches se sont mises à sonner !

On ne comprend pas ce qu’elles disent, elles parlent toutes à la fois !
Ce qui les empêche de parler, c’est l’amour, la surprise toutes ensemble de la joie !

Ce n’est pas un faible murmure, ce n’est pas cette langue au milieu de nous-mêmes qui commence à remuer !
C’est la cloche, vers les quatre horizons, chrétienne qui campane à toute volée !

Les deux plus claires par-dessus l’une sur l’autre qui montent dans un dialogue infatigable !
Et les quatre plus graves à coups profonds par-dessous à leur tour qui se sont mises à table !

Vous qui dormez, ne craignez point, parce que c’est vrai que J’ai vaincu la mort. La terre qui dans un ouragan de cloches de toutes parts s’ébranle vous apprend que Je suis ressuscité ! »

Paul Claudel (Pâques 1934 )

Une faute d'orthographe, une erreur, un problème ?   
 
Aloyse SCHAFF

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.

Publié: 09/04/2023