2e dim. ordinaire

1. « Et moi, je ne le connaissais pas » dit Jean le Baptiste. N’était-il pas, pourtant, le cousin de Jésus ? Marie n’avait-elle pas été rendre visite à sa mère Elisabeth ? L’évangéliste Jean insiste en lui faisant redire à deux reprises : « Moi, je ne le connaissais pas. » La suite du récit permet d’en comprendre la raison : « Moi j’ai vu et je rends témoignage : c’est lui le Fils de Dieu. » Celui qu’il connaissait par les liens du sang venait de lui apparaître venant d’une autre famille, celle de Dieu.

2. « C’est lui le Fils de Dieu. » Ce titre abonde dans les récits évangéliques datant des années 60 à 90. Blasphème inaudible pour les chefs du Temple qui vaudra à Jésus la peine de mort. Paul, dans sa 1ère lettre aux chrétiens de Thessalonique en l’an 50 le redit. Or, avant sa conversion, il était de ces pharisiens de la plus stricte observance, qui depuis des siècles, confessaient le même credo : « Dieu est Un et il n’y en a pas d’autre. » Toutes l’histoire d’Israël raconte ses conflits avec les peuples voisins polythéistes. On imagine facilement le scandale que dut produite cette affirmation dans le monde juif et qui dure toujours. Qu’est-ce qui a fait que les apôtres et Paul ont franchi l’abîme qui séparait ce qu’ils avaient enseigné de ce qu’ils croyaient maintenant ?

3. Il n’y a qu’une réponse à cette question. Celle-ci : ils l’ont appris au contact du Christ. Il faut donc s’approcher au plus près de lui pour faire de même. On y apprendra pourquoi Jésus est vraiment Fils de Dieu et on pourra alors passer de la croyance à la foi. Je ne vois pas d’autre chemin.

a. Les apôtres ont appris tout de suite de Jésus qu’ils avaient un Père. Un Père si près de chacun qu’il attend avec inquiétude son retour lorsqu’il s’écarte de lui comme le fit le père de l’enfant prodigue. Un Père qui part à sa recherche comme le fit ce berger de la parabole. Un Père qui se réjouit lorsqu’il a retrouvé la brebis perdue. Depuis les temps les plus anciens, les hommes ne pouvaient parler que d’un Dieu Tout-Puissant, devant lequel il fallait se prosterner, craindre son jugement, prier pour obtenir des bienfaits. Qui aurait pu parler de Dieu comme Jésus sinon parce que « le Père et moi nous sommes Un ».

b. Ce faisant Jésus leur apprit le nom de son Père comme l’écrit si bien Jean : « Dieu est Amour. » Les hommes ont dû établir des règles, des lois pour régir leurs relations plus souvent guerrières que pacifiques. Mais jamais ils n’ont fait de cet « aimez-vous les uns les autres comme le Père vous aime, comme moi je vous aime » la loi de leurs relations. Jésus en fut l’ardent missionnaire, en paroles et en actes. Lorsque saint Augustin et bien d’autres après lui se sont rendu compte que tel était son nom, il en fut retourné. Comme Paul Verlaine, ce poète messin qui, après une vie tumultueuse, retrouva la foi. Il écrit : « Ô mon Dieu, vous m’avez blessé d’amour et la blessure est encore vibrante. Noyez mon âme aux flots de votre Vin, fondez ma vie au Pain de votre table. Voici mon cœur, qui n’a battu qu’en vain, pour palpiter aux ronces du Calvaire. Voici mes pieds, frivoles voyageurs, pour accourir au cri de votre grâce. Voici mes yeux, luminaires d’erreurs, pour être éteints aux pleurs de la prière. Vous connaissez tout cela, tout cela et que je suis plus pauvre que personne. Mais ce que j’ai, mon Dieu, je vous le donne. »

c. Enfin ils apprirent qu’il était un Père aimant de tous, de chacun. Pas seulement celui d’un peuple élu parmi d’autres. Pas seulement de ceux qui se réclament d’être ses disciples « car, dit Jésus, quiconque fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là est mon frère, et ma sœur, et ma mère. » Justin de Rome, philosophe chrétien des années 150, mort en martyr, écrit : « Ceux qui ont vécu selon le Verbe sont chrétiens, eussent-ils passé pour athées, comme chez les Grecs, Socrate, Héraclite tant d’autres dont il serait trop long de citer ici les actions et les noms. » Il reconnaît ainsi que le Père de tous les hommes ne s’est pas enfermé dans une Eglise, qu’il est à l’œuvre en tout chacun qui s’engage dans la voie évangélique, quelle que soit sa religion, sans même jamais avoir entendu parler du Christ. Un Père présent et à l’œuvre dans le cœur de chaque homme de bonne volonté.

Si le soir, tu fais du Notre Père ta prière,
Lorsque les bruits de la terre font silence,
En regardant les cieux étoilés de lumière
Te viendra le sentiment d’une présence.

Et du fond de la nuit et de l’espace distant
Aux dimensions et mesures folles
Te viendra une voix sans autre parole
Que celle d’un Père infiniment aimant.

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Aloyse SCHAFF

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.

Publié: 15/01/2023