Échos du Burundi

De passage dans la région, Adrien, prêtre burundais, s’entretenait à la radio de ce qu’il désigne la « logique de guerre » dans les pays africains. Il reste très marqué par le génocide de 1994, au Rwanda, proche du Burundi. Universitaire, aumônier des étudiants à Bujumbura, par son enseignement et son apostolat, il est soucieux de développer une conscience de paix chez les jeunes, pour qu’ils combattent cette malheureuse « logique de guerre ».

Pour lui, elle se manifeste dès qu’une personne, un groupe ou une ethnie se considèrent comme détenteurs de la vérité. Sont alors dans l’erreur tous ceux qui n’y adhèrent pas ; il faut les éliminer par tous les moyens, y compris l’assassinat. C’est comme un devoir.

Pour illustrer cela, Adrien raconte qu’il y a quelques années, un prêtre burundais a interdit l’accès de l’église à ses paroissiens : « Vous n’êtes pas dignes d’entrer dans l’église à cause des massacres odieux auxquels vous avez participé » leur dit-il. À cela répond un jeune : « Nous n’avons pas commis de péché car nous étions solidaires de ceux qui nous disaient qu’il fallait tuer. Nous n’avons fait que participer. Nous ne sommes pas responsables ! » Cet événement révèle le côté destructeur de la logique de guerre qui nie la conscience individuelle et, du même coup, la responsabilité personnelle. Cela conduit tout pareillement à réduire au silence, sinon à exécuter, les sages qui, pour prévenir des dangers en cours, auraient un rôle important dans les sociétés traditionnelles.

Cette logique de guerre n’a pas disparu, elle rôde en ce temps d’élections. Pour remporter le maximum de voix, des ethnies peuvent s’engager dans l’élimination pure et simple des autres.

La situation n’est pas tellement différente dans le monde. En connaisseur de la culture européenne, Adrien évoque cette même “logique de guerre“, présente aussi chez nous. Sous des formes différentes mais bien réelles, l’élimination de celui qui pense autrement, est toujours possible. Par exemple, percevant d’année en année, le nombre croissant de divorces en Europe, il dit que la “diabolisation“ mutuelle des conjoints qui ne voient que l’erreur chez l’autre aboutit à ce même résultat.

Sa remarque nous interroge. Elle nous invite à changer notre regard sur des ethnies africaines qu’on dit, trop facilement, promptes à la guerre. Nous en faisons autant ! Dans l’engagement d’éducation à la paix qu’il a entrepris auprès des jeunes de son pays, le prêtre burundais commence par les inviter à voir le positif en chacun, même s’il est différent. Chez l’adversaire, tout n’est pas qu’erreur absolue. Pour clore et illustrer ses propos, Adrien évoque une grande figure française, le père Lacordaire, qui, au 18ème siècle, écrivait : « Je ne veux pas convaincre d’erreur mon adversaire mais je peux m’unir à lui dans une vérité plus haute. »

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Michel AMALRIC

Prêtre du diocèse d’Albi, chargé de la communication.

Publié: 01/10/2010