La vraie vie

L’avis de décès était bref : « Georges est entré dans la vraie vie. » Lors de la célébration de sa sépulture, les textes bibliques étaient en cohérence avec cette annonce. Le thème de la relation au Christ ressuscité et l’évocation de la place que Jésus a préparée pour chacun d’entre nous furent l’essentiel de cet au revoir.

Au risque de surprendre quelques participants qui ne partagent pas la foi de l’Eglise, la tonalité de la célébration n’était pas triste. Elle exprimait une telle confiance en Dieu et un tel merci, en forme de louange, pour la vie de Georges et des siens, qu’elle pouvait occulter la tristesse de cette séparation qui se lisait néanmoins à travers des larmes sur de nombreux visages. Cette tonalité voulue par son épouse emportait l’assemblée. Par la prière et les chants, elle témoignait d’une véritable communauté de foi.

L’expression la “vraie vie“ pouvait laisser entendre que l’espérance chrétienne dans la Résurrection dévaloriserait le temps présent. Georges, que nous entourions de notre affection, aurait-il trouvé la bonne place et nous, bien ancrés dans le quotidien de nos jours n’aurions-nous donc pas fait le bon choix ? Est-ce une “malédiction“ pour nous d’être des vivantes victimes du grand “divertissement“ dont parle Pascal ? Parce que dans une certaine illusion, nous vivrions en vain, passant à côté de l’essentiel ?

Au regard de ce qu’avait été la vie de Georges dans sa famille et au milieu de ses amis, cette expression ne pouvait être prise dans ce sens-là. S’il est une personne qui n’a pas déserté sa condition humaine et la responsabilité qui en découle, c’est bien Georges. Un de ses fils retraçant la vie du papa a mis l’accent sur les divers engagements professionnels, associatifs, citoyens et familiaux de son père. De cette génération formée par l’Eglise dans le monde rural, Georges a gardé jusqu’au bout, par ses engagements, le souci des hommes. La communication, par la presse et la radio, était au service du vivre ensemble auquel il croyait beaucoup.

Alors cette « vraie vie » qu’il connaîtrait aujourd’hui serait-elle en rupture avec ce qu’il avait vécu parmi nous ? N’est-ce pas, au contraire, la perspective de cette « vraie vie » dont il voulait déjà donner des signes par son art de vivre ?

Pour certains croyants et ceux qui s’interrogent sur l’après-mort cette séparation entre le « ciel » et la « terre » n’est-elle pas contestée lorsqu’on s’ouvre au message de l’Evangile ? Il n’y est nullement question de la désertion de ce monde mais plutôt de l’accueil d’une réalité déjà présente : « Le Royaume est parmi vous ! »

« Alors, les enfants qu’est-ce qui vous a marqué aujourd’hui ? » aimait-il dire aux siens. Pourquoi pas lui répondre que sa sépulture, grâce aux rites de la liturgie, a permis aux participants de mettre en relation l’histoire d’un homme et la foi en Jésus Christ qui le nourrissait ? N’aurions-nous pas, alors, nous aussi, à faire dès aujourd’hui un chemin semblable pour vivre la “vraie vie“ ?

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Michel AMALRIC

Prêtre du diocèse d’Albi, chargé de la communication.

Publié: 01/03/2008