La transfiguration

Tu sais, Isa, pour parler de la Transfiguration, il faut être un théologien. Seul quelqu’un qui s’est penché sur la question pourrait t’en parler. Moi, je ne suis pas à la hauteur.

Mais Isa ne veut pas d’un théologien, elle veut comme toujours que je lui explique en mes propres mots le récit qu’elle a apporté pour que je l’interprète. Hélas, je ne trouve rien d’intelligent à dire, rien de bien profond. "Jésus prend avec lui trois de ses apôtres, les amène sur la montagne, se met à prier et est transfiguré pendant qu’il prie. Deux personnages, Elie si cher à mon cœur, et Moïse se joignent à lui et lui parlent de sa mort prochaine, etc. etc.

Mais Isa ne se tient pas pour battue. "Cherche. Cherche dans tes nombreux livres !" Et me voilà relisant plus attentivement l’Evangile, feuilletant mes livres de prédilection : l’Encyclopédie de "Théo", le "Catéchisme de l’Eglise catholique" et "Pages d’Evangile" de "mon" chanoine, le chanoine Marc pour qui j’éprouve la plus grande admiration car je me sens très proche de lui. En effet, très humblement, il avoue et confesse son indignité à parler de tout cela. Tout comme lui - et je ne sais pas pourquoi - je me sens poussée à écrire, à témoigner sans avoir jamais été le témoin visuel ou oral de tout ce que j’écris. Et pourtant...

Mais continuons la lecture de l’Evangile de Luc. Tiens, un mot me frappe. Luc, à deux reprises, utilise le mot "gloire". Y a-t-il un sens caché dans cette répétition. La description du visage resplendissant du Christ, de ses vêtements éblouissants, fait apparaître clairement à ses apôtres la double nature d’homme et de Fils de Dieu de Jésus, d’un Jésus participant pleinement à la gloire du père, d’où le rayonnement de la force divine. Et, comme, au même moment le Père choisit de se manifester, cela confirma aux apôtres ce que leurs yeux avaient vu. Ce Jésus qu’ils suivaient depuis des mois, ce Jésus qui n’avait pas d’endroit où poser sa tête était "le Fils, l’élu que les disciples devaient écouter". Cela est simple.

Je poursuis ma lecture et note encore une chose : Jésus prend 3 des 12 apôtres qui étaient avec lui. Pourquoi que ces trois là ? Veut-il nous faire savoir par cela qu’il choisit qui il veut, donne son intimité à qui il veut, libre à la personne choisie, comme le jeune homme riche, de refuser son offre d’amour. Alors comme les trois apôtres, je vais me laisser Jésus me prendre par la main et tenter d’expliquer ce que je commence à deviner.

Le choix de Dieu ! Jésus avait-il demandé aux autres de le suivre... et ils ne l’ont pas fait. Peut-être ont-ils préféré rester au pied de la montagne pour ne pas affronter une nuit de prière ? Quoi qu’il en soit, ils ont laissé Jésus et les 3 apôtres s’éloigner. Nous faisons de même quand nous refusons de nous arrêter quelques instants pour prier, de nous laisser conduire par Jésus. Pierre, Jacques et Jean ont fait comme moi en ce moment ; ils ont laissé Jésus les prendre par la main et les conduire là où Jésus voulait.

Et je ne peux manquer de m’interroger : "Où toute cette quête de Dieu va-t-elle me conduire ?" J’avoue l’ignorer. Mais, comme les trois apôtres, je gravis la montagne... Où me mèneras-tu, Seigneur ? Y aura-t-il d’autres montagnes à gravir pour te suivre ? De même que tu as appelé Paul sur le chemin de Damas pour qu’il devienne un de tes apôtres, de même que tu as appelé Marie Madeleine au matin de ta résurrection pour qu’elle annonce la bonne nouvelle de ta résurrection, de même je sens que tu me pousses à agir ainsi. Et je réponds : "Je te suis comme l’aveugle sur le chemin... je te laisse me guider sur le chemin de cet évangile."

Mais Isa s’impatiente. "Continue d’expliquer ?" Et je lis que Jésus resta sur la montagne jusqu’au lendemain pour prier. Quelle pouvait bien être la prière de Jésus ? Qu’y avait-il de si extraordinaire dans cette transfiguration de Jésus ? Pendant qu’il priait, son visage devint tout autre. Certains auteurs l’expliquent en disant que ce n’est pas le visage ni les vêtements de Jésus qui avaient changé mais que le cœur des trois apôtres s’était ouvert à la lumière, à la connaissance du fait que Jésus était un homme-Dieu.

Le visage de Jésus était transfiguré ! Le chanoine Marc dit que, quand nous prions avec notre âme, le reflet de cette prière se lit sur notre visage ; que "la vraie prière est une transfiguration spirituelle, un embellissement intérieur". Qu’en est-il de notre prière ? Est-ce quand nous prions, nous vivons notre prière ? Quand nous prions, sommes-nous transfigurés par la prière ?

Mais je m’arrête dans ma lecture, car, à ce moment, je ressens, comme peut-être Jésus a dû le ressentir, un moment de découragement. Jésus est transfiguré, se montre dans sa gloire aux trois apôtres, que font-ils ? Normalement, ils devraient rester en extase, baiser le sol sacré, jubiler de joie, s’exclamer, que sais-je ? Que font nos trois compagnons ? Ils luttent contre le sommeil. Ils étaient fatigués, c’est vrai, mais c’est quand même incroyable ! Jésus est devant eux dans toute sa gloire et leurs yeux sont lourds de sommeil. Tout mon être est choqué. Ces apôtres, tout de même...

Mais en moi une voix s’éveille : "Est-ce que toi aussi, tu ne fais pas de même ? Est-ce que, très souvent, quand Dieu vient en toi pendant la messe, quand tu reçois en toi l’Eucharistie, tu ne dors pas, tu n’es pas distraite, tu ne penses pas à autre chose ! Va, tu ne vaux pas mieux que ces apôtres que tu critiques. Eux, au moins, ils étaient épuisés, ils retournaient d’un long périple. Ils avaient une excuse mais toi, tu as passé une bonne nuit de sommeil, tu as parfois du temps libre devant toi, est-ce que tu pries ? Non, tu es distraite. Et pourtant Dieu t’attendait dans cette petite église de Bambous ! Tu n’y es restée que quelques minutes. Tu avais des choses plus importantes à faire... Ne regarde pas la paille qui est dans l’œil des apôtres, regarde la poutre qui est dans tes yeux."

Il y a environ deux mille ans, à Pierre, à Jean, et à Jacques, Jésus a laissé entrevoir sa gloire mais la Transfiguration n’est pas une chose du passé. Pour nous, dans la communion, tous les jours, Jésus se fait pain vivant, il se fait chair. Y pensons-nous ? Rappelons-nous ce qu’il a dit un jour à Marthe Robin. Celle-ci, au moment de la communion, avait vu l’hostie que le prêtre déposait sur sa langue devenir vivante sous ses yeux. Et comme elle s’en étonnait et demandait à Jésus si, au moment de l’Eucharistie, il n’était pas vivant pour toutes les âmes, celui-ci lui répondit qu’en fait, il l’était mais qu’il lui avait manifesté sa présence vivante parce qu’elle, elle, le recevait avec amour. Y pensons-nous ?

Allons, Isa, assez bavardé. J’ai sommeil Bonne nuit !

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M.J. Arlette ORIAN

Ancienne directrice d’une école de secrétariat à l’île Maurice

Publié: 01/03/2022