Le beau cadeau d’Ève et d’Adam

Seigneur, d’après ce que j’ai retenu de l’enseignement du magistère, tout ce que je fais de bien me serait donné en grande partie par le Saint Esprit ; par contre, ce que je fais de mal serait de mon seul fait.
J’aime autant te le dire, ça ne correspond pas du tout à ce que je ressens. II m’arrive de temps en temps d’être satisfaite de moi, de penser que les autres ont une idée favorable de ma personne et de m’en attribuer le mérite. Par contre, quand je flemmarde et me complais dans un certain confort, quand je me replie sur moi, quand je rejette toute idée d’effort, quand je pense surtout à moi et pas aux autres, j’ai l’impression d’être envahie par un esprit mauvais qui parle haut et fort avec des arguments à première vue très valables et généralement convaincants.
Lui, il ne ménage pas ses efforts, je t’assure ; il vide son chapelet : Mais qu’est-ce que tu vas chercher ? On n’a pas intérêt à être maso, ça tombe sous le sens, c’est même un peu suspect cette idée. De toutes façons reconnais humblement que tu n’as pas la force de le faire, ni la compétence, souviens-toi de la grenouille qui voulait s’enfler ; elle a fini par éclater, etc... etc...
On se dit qu’après tout il a raison et, de renoncement en lâcheté, on se contente de sa médiocrité. Je ne vaux pas mieux que les autres... (ça, c’est du réalisme ou tout au moins de l’humilité ou je ne m’y connais pas) et même il ne faudrait pas me pousser beaucoup pour que je pense que j’en vaux bien d’autres... C’est complet
Seigneur, pourquoi permets-tu au mal d’être si persuasif, si fort, si entreprenant et pourquoi toi, au contraire, te fais-tu si discret, si léger. Pas dans le tonnerre, pas dans le tremblement de terre, mais dans la brise légère. Pourtant ça ne te coûterait pas plus cher d’être un peu moins caché, tu sais.
Dans les psaumes, il est surtout question de ta splendeur, de ta grâce, de ta force, de la fuite, de l’anéantissement de tes ennemis... que sais-je ?
Et, dans la vie de tous les jours, c’est à peine, de temps en temps, très rarement, trop rarement, un petit clin d’œil, une pensée furtive, un petit flash qui nous incite à penser que c’est peut-être toi qui se manifeste pour nous encourager, pour nous dire qu’on est sur la bonne piste, que tu es proche de nous. Mais pour être léger, c’est léger.
Alors d’un côté, la mitraille à coups de boulets et de l’autre la caresse à peine perceptible d’une herbe folle sur la joue...
Dans ces conditions, pourquoi nous rendre seuls coupables de nos saletés et non responsables de nos actes méritoires ? Est-ce que tu crois que c’est juste ?
Va bien falloir que tu me souffles une réponse parce que je ne peux m’empêcher de pinailler, mais dans le fond, je sais, de façon certaine, que tu as raison.
Mais pour le moment, je suis dans le flou. Esprit Saint, ce serait bien le moment de te manifester, tu sais
Il y a bien la grande question de la liberté. Tu veux que je sois libre, entièrement libre de dire oui, ou de dire non. Je te comprends et je t’approuve. Encore que cette liberté m’apparaisse bien encombrante, bien lourde à assumer. Il y a aussi la promesse du Christ qui affirme que le mal n’aura pas le dernier mot, qu’à la fin des temps il sera vaincu. Mais pourquoi ne pas lui écraser la tête tout de suite ? Hein ?
Nos malheurs, d’après la Genèse, ont commencé quand le serpent a induit Eve en erreur. Mais lui, le Mauvais, il n’a été tenté par personne et il a choisi librement d’entrer en guerre avec toi. Pourquoi ne pas nous laisser cette chance, pourquoi lui permettre de nous entortiller si savamment ?
Seigneur, au secours. Je n’y vois pas clair.
Il y a bien les anges gardiens qui sont là pour nous défendre et faire le poids devant les forces du mal. Mais ils te ressemblent et sont quasiment indétectables. Alors, Seigneur ?
En réfléchissant, ça doit être ça le péché originel, cette attirance vers le mal. J’étais pécheur dès le sein de ma mère, dit encore un psaume. Parfois, en le disant, je pense que c’est peut être exagéré, mais c’est bien ça.
Adam et Eve, elle était peut-être belle cette pomme, mais j’ose espérer que vous ne vous rendiez sans doute pas compte des conséquences de votre acte...
Toi, Jésus, tu as connu la tentation et tu nous as montré comment résister, en refusant d’entrer en dialogue.
Je ne sais sans doute pas assez de passages de la Bible pour répliquer, mais je peux quand même dire : Vade, retro Satanas. Ca me soulagera et j’espère que ça sera efficace.

PS : J’ai essayé. Ça marche, c’est efficace.

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Françoise REYNÈS

Laïque mariste († 2011).

Publié: 01/06/2006