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Presbyterorum Ordinis12
Presbyterorum Ordinis12La vie des prêtres

Vocation des prêtres à la perfection

La vocation des prêtres a la sainteté

Les prêtres sont ministres du Christ Tête pour construire et édifier son Corps tout entier, l'Eglise, comme coopérateurs de l'Ordre épiscopal: c'est à ce titre que le sacrement de l'Ordre les configure au Christ Prêtre. Certes, par la consécration baptismale, ils ont déjà reçu, comme tous les chrétiens, le signe et le don d'une vocation et d'une grâce qui comportent pour eux la possibilité et l'exigence de tendre, malgré la faiblesse humaine (1) à la perfection dont parle le Seigneur: "Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait" (Mt 5,48). Mais cette perfection, les prêtres sont tenus de l'acquérir à un titre particulier: en recevant l'Ordre, ils ont été consacrés à Dieu d'une manière nouvelle pour être les instruments vivants du Christ Prêtre éternel, habilités à poursuivre au long du temps l'action admirable par laquelle, dans sa puissance souveraine, il a restauré la communauté chrétienne tout entière (2). Dès lors qu'il tient à sa manière la place du Christ en personne, tout prêtre est, de ce fait, doté d'une grâce particulière; cette grâce le rend plus capable de tendre, par le service des hommes qui lui sont confiés et du peuple de Dieu tout entier, vers la perfection de celui qu'il représente; c'est encore au moyen de cette grâce que sa faiblesse d'homme charnel se trouve guérie par la sainteté de celui qui est devenu pour nous le Grand Prêtre "saint, innocent, immaculé, séparé des pécheurs" (He 7,26).

Le Christ que le Père a sanctifié (c'est-à-dire consacré) et envoyé dans le monde (3) "s'est donné pour nous, afin de racheter et de purifier de tout péché un peuple qui lui appartienne, un peuple ardent à faire le bien" (Tt 2,14), et ainsi, en passant par la souffrance, il est entré dans sa gloire (4).

De même, les prêtres, consacrés par l'onction du Saint-Esprit et envoyés par le Christ, font mourir en eux les oeuvres du corps et se donnent tout entiers au service des hommes: telle est la sainteté dont le Christ leur fait don, et par laquelle ils approchent de l'Homme parfait (5).

Ainsi donc, c'est en exerçant le ministère d'Esprit et de justice (6) qu'ils s'enracinent dans la vie spirituelle, pourvu qu'ils soient accueillants à l'Esprit du Christ qui leur donne la vie et les conduit. Ce qui ordonne leur vie à la perfection, ce sont leurs actes liturgiques de chaque jour, c'est leur ministère tout entier, exercé en communion avec l'évêque et les prêtres.

Par ailleurs, la sainteté des prêtres est d'un apport essentiel pour rendre fructueux le ministère qu'ils accomplissent; la grâce de Dieu, certes, peut accomplir l'oeuvre du salut même par des ministres indignes, mais à l'ordinaire, Dieu préfère manifester ses hauts faits par des hommes accueillants à l'impulsion et à la conduite du Saint-Esprit, par des hommes que leur intime union avec le Christ et la sainteté de leur vie habilitent à dire avec l'apôtre: "Si je vis, ce n'est plus moi, mais le Christ qui vit en moi" (Gal 2,20).

C'est pourquoi ce saint Concile, pour atteindre son but pastoral de renouvellement intérieur de l'Eglise, de diffusion de l'Evangile dans le monde entier et de dialogue avec le monde d'aujourd'hui, rappelle instamment à tous les prêtres qu'avec l'aide des moyens adaptés que l'Eglise leur propose (7), ils doivent s'efforcer de vivre de plus en plus une sainteté qui fera d'eux des instruments toujours plus adaptés au service du peuple de Dieu tout entier.

L'exercice de la triple fonction sacerdotale exige et en même temps favorise la sainteté.
(1) Cf. 2 Cor. 12, 9.
(2) Cf. Pie XI, encyc. Ad catholici sacerdotii, 20/12/35: AAS 28 (1936) p.10.
(3) Cf. Jn. 10, 36.
(4) Cf. Luc 24, 26.
(5) Cf. Eph. 4, 13.
(6) Cf. 2 Cor. 3, 8-9.
(7) Cf. inter alia:S.Pie X, exh. aux prêtres Haerent animo, 4/08/1908: S.Pie X Acta, vol. IV (1908), pp. 237 ss. Pie XI, encyc. Ad catholici sacerdotii, 20/12/35: AAS 28 (1936), pp. 5 ss. Pie XII, adhort. ap. Menti Nostrae 23/09/50: AAS 42 (1950) pp.657 ss.
Presbyterorum Ordinis14Unité et harmonie de la vie des prêtres

Dans le monde d'aujourd'hui, on doit faire face à tant de tâches, on est pressé par tant de problèmes divers - et réclamant souvent une solution urgente - qu'on risque plus d'une fois d'aboutir à la dispersion. Les prêtres, eux, sont engagés dans les multiples obligations de leur fonction, ils sont tiraillés, et ils peuvent se demander, non sans angoisse, comment faire l'unité entre leur vie intérieure et les exigences de l'action extérieure. Cette unité de vie ne peut être réalisée ni par une organisation purement extérieure des activités du ministère, ni par la seule pratique des exercices de piété qui, certes, y contribue grandement. Ce qui doit permettre aux prêtres de la construire, c'est de suivre, dans l'exercice du ministère, l'exemple du Christ Seigneur, dont la nourriture était de faire la volonté de celui qui l'a envoyé et d'accomplir son oeuvre (1).

Car, en vérité, le Christ, pour continuer toujours à faire dans le monde, par l'Eglise, la volonté du Père, se sert de ses ministres. C'est donc lui qui demeure toujours la source et le principe de l'unité de leur vie. Les prêtres réaliseront cette unité de vie en s'unissant au Christ dans la découverte de la volonté du Père, et dans le don d'eux-mêmes pour le troupeau qui leur est confié (2). Menant ainsi la vie même du Bon Pasteur, ils trouveront dans l'exercice de la charité pastorale le lien de la perfection sacerdotale qui ramènera à l'unité leur vie et leur action. Or, cette charité pastorale (3) découle avant tout du sacrifice eucharistique; celui-ci est donc le centre et la racine de toute la vie du prêtre, dont l'esprit sacerdotal s'efforce d'intérioriser ce qui se fait sur l'autel du sacrifice. Cela n'est possible que si les prêtres, par la prière, pénètrent de plus en plus profondément dans le mystère du Christ.

Mais la vérification concrète de cette unité de vie ne peut se faire que par une réflexion sur toutes leurs activités, afin de discerner quelle est la volonté de Dieu (4), c'est-à-dire afin de savoir dans quelle mesure ces activités sont conformes aux lois de la mission évangélique de l'Eglise. Car la fidélité au Christ est inséparable de la fidélité à l'Eglise. La charité pastorale exige donc des prêtres, s'ils ne veulent pas courir pour rien (5), un travail vécu en communion permanente avec les évêques et leurs autres frères dans le sacerdoce. Tel sera, pour les prêtres, le moyen de trouver dans l'unité même de la mission de l'Esprit l'unité de leur propre vie. Ainsi, ils s'uniront à leur Seigneur, et par lui, au Père, dans l'Esprit-Saint; ainsi ils pourront être tout remplis de consolation et surabonder de joie (6).
(1) Cf. Jn, 34.
(2) Cf. 1 Jn 3, 16.
(3) [On donne une preuve de son amour en paissant le troupeau du Seigneur"](S. Augustin, trad. in Jn. 123, 5: PL 35, 1967).
(4) Cf. Rom. 12, 2
(5) Cf. Gal. 2, 2.
(6) Cf. 2 Cor. 7, 4.
Presbyterorum Ordinis15Exigences spirituelles particulières dans la vie des prêtres

Humilité et obéissance

Parmi les qualités les plus indispensables pour le ministère des prêtres, il faut mentionner la disponibilité intérieure qui leur fait rechercher non pas leur propre volonté, mais la volonté de celui qui les a envoyés (1). Car l'oeuvre divine à laquelle les prêtres sont appelés par l'Esprit-Saint (2) dépasse toutes les forces, toute la sagesse de l'homme: "Ce qu'il y a de faible dans le monde, Dieu l'a choisi pour la confusion de ce qui est fort" (1 Co 1,27). Le véritable ministre du Christ est donc un homme conscient de sa faiblesse, travaillant dans l'humilité, discernant ce qui plaît au Seigneur (3); enchaîné pour ainsi dire par l'Esprit (4), il se laisse conduire en tout par la volonté de celui qui veut que tous les hommes soient sauvés. Cette volonté, il sait la découvrir et s'y attacher au long de la vie quotidienne, parce qu'il est humblement au service de tous ceux qui lui sont confiés par Dieu dans le cadre de la fonction reçue et des multiples événements de l'existence.

Mais, le ministère sacerdotal étant le ministère de l'Eglise, on ne peut s'en acquitter que dans la communion hiérarchique du Corps tout entier. C'est donc la charité pastorale qui pousse les prêtres, au nom de cette communion, à consacrer leur volonté propre par l'obéissance au service de Dieu et de leurs frères, à accueillir et à exécuter en esprit de foi les ordres et les conseils du Pape, de leur évêque et de leurs autres supérieurs, à dépenser volontiers et à se dépenser eux-mêmes (5) dans toutes les fonctions qui leur sont confiées, si humbles et si pauvres soient-elles. Par ce moyen, ils maintiennent et renforcent l'indispensable unité avec leurs frères dans le ministère, et surtout avec ceux que le Seigneur a établis comme chefs visibles de son Eglise; par ce moyen, ils travaillent à la construction du Corps du Christ, qui grandit à "toutes sortes de jointures" (6). Cette obéissance conduit à une manière plus mûre de vivre la liberté des enfants de Dieu; quand l'accomplissement de leur tâche et l'élan de la charité amènent des prêtres à une recherche réfléchie de voies nouvelles en vue du bien de l'Eglise, c'est l'obéissance qui exige, par sa nature même, qu'ils exposent leurs projets avec confiance et qu'ils insistent sur les besoins du troupeau qui leur est confié, tout en restant prêts à se soumettre toujours au jugement de ceux qui sont, dans l'Eglise de Dieu, les premiers responsables.

Cette humilité, cette obéissance responsable et volontaire modèlent les prêtres à l'image du Christ; ils ont en eux les sentiments qui furent dans le Christ Jésus: "Il s'est dépouillé lui-même en prenant la condition de serviteur... en se faisant obéissant jusqu'à la mort" (Ph 2,7-9), et par cette obéissance il a vaincu et racheté la désobéissance d'Adam, comme en témoigne l'apôtre: "Comme, par la désobéissance d'un seul, la multitude a été constituée pécheresse, ainsi, par l'obéissance d'un seul, la multitude sera-t-elle constituée juste" (Rm 5,19).
(1) Cf. Jn. 4,34; 5,30; 6,38.
(2) Cf. Act. 13, 2.
(3) Cf. Eph. 5, 10.
(4) Cf. Act. 20, 22.
(5) Cf. 2 Cor. 12, 15.
(6) Cf. Eph. 4, 11-16.
Presbyterorum Ordinis16Choisir le célibat et le considérer comme un don

La pratique de la continence parfaite et perpétuelle pour le royaume des cieux a été recommandée par le Christ Seigneur (1); tout au long des siècles, et de nos jours encore, bien des chrétiens l'ont acceptée joyeusement et pratiquée sans reproche. Pour la vie sacerdotale particulièrement, l'Eglise l'a tenue en haute estime. Elle est à la fois signe et stimulant de la charité pastorale, elle est une source particulière de fécondité spirituelle dans le monde (2). Certes, elle n'est pas exigée par la nature du sacerdoce, comme le montrent la pratique de l'Eglise primitive (3) et la tradition des Eglises orientales. Celles-ci ont des prêtres qui choisissent, par don de la grâce, de garder le célibat - ce que font les évêques -, mais on y trouve aussi des prêtres mariés dont le mérite est grand; tout en recommandant le célibat ecclésiastique, ce saint Concile n'entend aucunement modifier la discipline différente qui est légitimement en vigueur dans les Eglises orientales; avec toute son affection, il exhorte les hommes mariés qui ont été ordonnés prêtres à persévérer dans leur sainte vocation et dans le don total et généreux de leur vie au troupeau qui leur est confié (4).

Mais le célibat a de multiples convenances avec le sacerdoce. La mission du prêtre, c'est de se consacrer tout entier au service de l'humanité nouvelle que le Christ, vainqueur de la mort, fait naître par son Esprit dans le monde, et qui tire son origine, non pas "du sang, ni d'un pouvoir charnel, ni d'un vouloir d'homme, mais de Dieu" (Jn 1,13). En gardant la virginité ou le célibat pour le royaume des cieux (5), les prêtres se consacrent au Christ d'une manière nouvelle et privilégiée, il leur est plus facile de s'attacher à lui sans que leur coeur soit partagé (6), ils sont plus libres pour se consacrer, en lui et par lui, au service de Dieu et des hommes, plus disponibles pour servir son royaume et l'oeuvre de la régénération surnaturelle, plus capables d'accueillir largement la paternité dans le Christ. Ils témoignent ainsi devant les hommes qu'ils veulent se consacrer sans partage à la tâche qui leur est confiée: fiancer les chrétiens à l'époux unique comme une vierge pure à présenter au Christ (7); ils évoquent les noces mystérieuses voulues par Dieu, qui se manifesteront pleinement aux temps à venir: celles de l'Eglise avec l'unique époux qui est le Christ (8). Enfin, ils deviennent le signe vivant du monde à venir, déjà présent par la foi et la charité, où les enfants de la résurrection ne prennent ni femme ni mari (9).

C'est donc pour des motifs fondés sur le mystère du Christ et sa mission, que le célibat, d'abords recommandé aux prêtres, a été ensuite imposé par une loi dans l'Eglise latine à tous ceux qui se présentent aux Ordres sacrés. Cette législation, ce saint Concile l'approuve et la confirme à nouveau en ce qui concerne les candidats au presbytérat. Confiant en l'Esprit, il est convaincu que le Père accorde généreusement le don du célibat, si adapté au sacerdoce du Nouveau Testament, pourvu qu'il soit humblement et instamment demandé par ceux que le sacrement de l'Ordre fait participer au sacerdoce du Christ, bien plus, par l'Eglise tout entière. Le saint Concile s'adresse encore aux prêtres qui ont fait confiance à la grâce de Dieu, et qui ont librement et volontairement accueilli le célibat, selon l'exemple du Christ: qu'ils s'y attachent généreusement et cordialement, qu'ils persévèrent fidèlement dans leur état, qu'ils reconnaissent la grandeur du don que le Père leur a fait et que le Seigneur exalte si ouvertement (10), qu'ils contemplent les grands mystères signifiés et réalisés par leur célibat. Certes, il y a, dans le monde actuel, bien des hommes qui déclarent impossible la continence parfaite: c'est une raison de plus pour que les prêtres demandent avec humilité et persévérance, en union avec l'Eglise, la grâce de la fidélité, qui n'est jamais refusée à ceux qui la demandent. Qu'ils emploient aussi les moyens naturels et surnaturels qui sont à la disposition de tous. Les règles éprouvées par l'expérience de l'Eglise, surtout celles de l'ascèse, ne sont pas moins nécessaires dans le monde d'aujourd'hui: que les prêtres sachent les observer. Ce saint Concile invite donc, non seulement les prêtres, mais tous les chrétiens, à tenir ce don précieux du célibat sacerdotal et à demander à Dieu de l'accorder toujours avec abondance à son Eglise.
(1) Cf. Mt. 19, 12.
(2) Cf. Conc.Vat.II, Const. dogm. de Ecclesia, n.42
(3) Cf. Tim. 3, 2-5; Tit. 1,6.
(4) Cf. Pie XI, encyc. Ad catholici sacerdotii, 20.12/35 AAS 28(1936) p.28.
(5) Cf. Mt. 19, 12.
(6) Cf. 1 Cor. 7, 32-34.
(7) Cf. 2 Cor.11, 2.
(8) Cf. Conc. Vat. II, Cons. dogm. de Ecclesia, nn. 42 et 44. Decr. de accommodata renovatione vitae religiosae, n. 12.
(9) Cf. Lc. 20, 35-36. Pie XI, encyc. Ad catholici sacerdotii, 20/: AAS 28 (1936), pp. 24-28. Pie XII, encyc. Sacra Virginitas, 25/03/54: AAS 46 (1954): pp. 169-172.
(10) Cf. Mt. 19, 11.
Presbyterorum Ordinis17Attitude à l'égard du monde et des biens terrestres - Pauvreté volontaire

La vie amicale et fraternelle des prêtres entre eux et avec les autres hommes leur permet d'apprendre à honorer les valeurs humaines et à considérer les choses créées comme des dons de Dieu. Vivant dans le monde, ils doivent pourtant savoir que, selon la parole de notre Seigneur et Maître, ils ne sont pas du monde (1). Usant donc de ce monde comme s'ils n'en usaient pas vraiment (2), ils arriveront à la liberté qui les délivrera de tous les soucis désordonnés et les rendra accueillants pour écouter Dieu qui leur parle à travers la vie quotidienne. Cette liberté et cet accueil font grandir le discernement spirituel qui, fait trouver l'attitude juste à l'égard du monde et des réalités terrestres. Attitude essentielle pour les prêtres, car la mission de l'Eglise s'accomplit au coeur du monde, et les choses créées sont absolument nécessaires au progrès personnel de l'homme. Les prêtres doivent donc être reconnaissants envers le Père céleste de tout ce qu'il leur donne pour leur permettre de bien mener leur existence. Mais il faut aussi que la lumière de la foi les aide à exercer leur discernement sur ce qui se trouve sur leur chemin; ils doivent ainsi en venir à utiliser leurs biens d'une manière juste qui correspond à la volonté de Dieu, et à rejeter tout ce qui fait obstacle à leur mission.

Car les prêtres ont le Seigneur pour "part" et pour "héritage" (Nb 18,20), si bien qu'ils ne doivent se servir des choses terrestres que pour les usages permis par la doctrine du Christ Seigneur et les préceptes de l'Eglise.

Quant aux biens ecclésiastiques proprement dits, les prêtres les administreront conformément à leur nature et selon les lois ecclésiastiques, autant que possible avec l'aide de laïcs compétents. Ces biens seront toujours employés pour les fins qui justifient l'existence de biens temporels d'Eglise, c'est-à-dire pour organiser le culte divin, assurer au clergé un niveau de vie suffisant et soutenir les oeuvres d'apostolat et de charité, spécialement en faveur des indigents (3). Quant aux ressources qu'ils acquièrent à l'occasion de l'exercice d'une fonction ecclésiastique, sous réserve des législations particulières (4), les prêtres, aussi bien que les évêques, les emploieront d'abord pour s'assurer un niveau de vie suffisant et pour accomplir les devoirs de leur états; et ce qui restera, ils auront à coeur de l'employer au service de l'Eglise ou pour des oeuvres de charité. Bref, une fonction d'Eglise ne doit pas devenir une activité lucrative; les revenus qui en proviennent ne sauraient être utilisés pour augmenter le patrimoine personnel du prêtre (5). C'est pourquoi les prêtres, loin d'attacher leur coeur à la richesse (6), éviteront toute espèce de cupidité et rejetteront soigneusement tout ce qui aurait une apparence commerciale.

Ils sont même invités à embrasser la pauvreté volontaire qui rendra plus évidente leur ressemblance avec le Christ et les fera plus disponibles au saint ministère. Le Christ est devenu pauvre pour nous, lui qui était riche, afin de nous enrichir par sa pauvreté (7). Les apôtres, à leur tout, ont montré par leur exemple qu'il faut donner gratuitement ce que Dieu accorde gratuitement (8), et ils ont su s'habituer à l'abondance comme au dénuement (9). Une certaine mise en commun matérielle, à l'image de la communauté de biens que vante l'histoire de la primitive Eglise (10), est une excellente voie d'accès à la charité pastorale; c'est une manière de vivre louable qui permet aux prêtres de remettre en pratique l'esprit de pauvreté conseillé par le Christ.

Que les prêtres et les évêques se laissent donc conduire par l'Esprit qui a consacré le Sauveur par l'onction et l'a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres (11); qu'ils évitent tout ce qui pourrait, d'une manière ou d'une autre, écarter les pauvres; qu'ils rejettent, plus encore que les autres disciples du Christ, toute apparence de vanité dans ce qui leur appartient. Qu'ils installent leur maison de manière qu'elle ne paraisse inaccessible à personne et que jamais personne, même les plus humbles, n'ait honte d'y venir.
(1) Cf. Jn 17, 14-16.
(2) Cf. 1 Cor. 7, 31.
(3) Conc. Antioch. can.25; Mansi 2,1328. Decretum Gratiani, c. 23, C 12,q.1: Friedberg 1, 684-685.
(4) Il s'agit avant tout des droits et coutumes en vigueur dans les Eglises orientales
(5) Conc. Paris, a. 829, can. 15: MGH, sect.III, Concilia t.2. pars 6, 622. Conc. Trente, sess. 25, de reform. cap. 1.
(6) Cf. Ps. 62, 11 (Vg. 61).
(7) Cf. Cor. 8, 9.
(8) Cf. Act. 8, 18-25.
(9) Cf. Phil. 4, 12.
(10) Cf. Act 8, 18-25.
(11) Cf. Luc 4, 18.
Presbyterorum Ordinis18Moyens au service de la vie des prêtres

Moyens pour le développement de la vie spirituelle

Pour mieux vivre leur union au Christ toutes les circonstances de la vie, les prêtres disposent, outre l'exercice conscient de leur ministère, d'un certain nombre de moyens, généraux ou particuliers, anciens ou nouveaux: le Saint-Esprit n'a jamais manqué d'en susciter dans le peuple de Dieu, et l'Eglise, soucieuse de la sanctification de ses membres, en recommande, et parfois même en impose l'usage (1). A la première place parmi ces moyens de développer la vie spirituelle, se situent les actes par lesquels les chrétiens se nourrissent du Verbe de Dieu aux deux tables de la Bible et de l'Eucharistie (2); personne n'ignore l'importance de leur fréquentation assidue pour la sanctification des prêtres.

Les ministres de la grâce sacramentelle s'unissent intimement au Christ Sauveur et Pasteur lorsqu'ils reçoivent avec fruit les sacrements, spécialement par la confession sacramentelle fréquente: préparée par l'examen de conscience quotidien, celle-ci est un soutien très précieux pour l'indispensable conversion du coeur à l'amour du Père des miséricordes. A la lumière de leur foi nourrie par la lecture de la Bible, ils peuvent rechercher avec attention les signes de Dieu et les appels de sa grâce à travers la diversité des événements de l'existence; ils deviennent ainsi de plus en plus dociles à la mission qu'ils ont assumée dans le Saint-Esprit. De cette docilité les prêtres retrouvent sans cesse le merveilleux modèle dans la Sainte Vierge Marie: conduite par le Saint-Esprit, elle s'est donnée tout entière au mystère du rachat de l'humanité (3); mère du Grand Prêtre éternel, reine des apôtres, soutien de leur ministère, elle a droit à la dévotion filiale des prêtres, à leur vénération et à leur amour.

Pour pouvoir accomplir avec fidélité leur ministère, ils doivent avoir à coeur de converser chaque jour avec le Christ Seigneur dans la visite et le culte personnel de la sainte Eucharistie; ils doivent aimer les temps de retraite et tenir à la direction spirituelle. Bien des moyens, en particulier les méthodes approuvées d'oraison et les diverses formes de prière qu'ils choisissent librement, permettent aux prêtres de rechercher et d'implorer de Dieu le véritable esprit d'adoration, grâce auquel, avec le peuple qui leur est confié, ils s'uniront intimement au Christ médiateur de la Nouvelle Alliance; comme des fils adoptifs ils pourront alors crier: "Abba! c'est-à-dire Père" (Rm 8,15).
(1) Cf. CIC, can. 125 ss.
(2) Cf. Conc. Vat. II, Decr. de accomodate renovatione vitae religiosae, n.6 - Const. dogm. de Divina Revelatione, n. 21.
(3) Cf. Conc. Vat. II, Const. dogm. de Ecclesia, n.65.
Presbyterorum Ordinis19Etude et science pastorale

Au cours de leur ordination, l'évêque invite les prêtres à "faire preuve de maturité par leur science", à ce que leur "enseignement soit un remède spirituel pour le peuple de Dieu (1)". Cette science du ministère sacré doit elle-même être sacrée; découlant d'une source sacrée, elle vise un but qui est lui-même sacré. Puisée avant tout dans la lecture et la méditation de la Bible (2), elle trouve encore une nourriture fructueuse dans l'étude des Pères, docteurs de l'Eglise et autres témoins de la tradition. En outre, pour répondre de manière juste aux questions posées par les hommes d'aujourd'hui, il importe que les prêtres aient ne connaissance sérieuse des documents du magistère, spécialement ceux des conciles et des papes, et qu'ils sachent consulter les meilleurs auteurs théologiques dont la science est reconnue.

Etant donné qu'actuellement la culture humaine et même les sciences sacrées progressent et se renouvellent, les prêtres sont appelés à perfectionner leurs connaissances religieuses et humaines de façon adaptée et ininterrompue; ils se préparent ainsi à mieux engager le dialogue avec leurs contemporains.

Pour faciliter aux prêtres le travail d'étude et le connaissance des méthodes d'évangélisation et d'apostolat, on fera tout le nécessaire pour mettre à leur disposition ce dont ils ont besoin: on organisera, suivant les situations locales, des sessions ou des congrès, on fondera des centres d'études pastorales, on créera des bibliothèques, on confiera à des hommes compétents l'organisation du travail de réflexion. Les évêques devront aussi, chacun pour son compte ou à plusieurs, trouver le meilleur moyen de donner à tous les prêtres, à des moments déterminés, en particulier quelques années après leur ordination (3), la possibilité de suivre une session, grâce à laquelle ils pourront perfectionner leurs connaissances pastorales et théologiques, affermir leur vie spirituelle et partager avec leurs frères leurs expériences apostoliques (4). On utilisera également ces moyens, ou d'autres mieux adaptés, pour venir en aide particulièrement à ceux qui sont nommés curés, à ceux qui sont affectés à une activité pastorale nouvelle, à ceux qui partent dans un autre diocèse ou dans un autre pays.

Enfin, les évêques veilleront à ce que certains prêtres se consacrent à une étude plus approfondie des sciences sacrées: il s'agit, en effet, de ne pas manquer de professeurs capables de former les clercs, d'aider les autres prêtres et les chrétiens à acquérir les connaissances dont ils ont besoin, d'encourager le sain développement des sciences sacrées qui est absolument indispensable à l'Eglise.
(1) Pont. Rom. "De Ordinatione Presbyteri"
(2) Cf. Conc. Vat.II Const. dogm. de Divina Revelatione, n.25
(3) Cet élément de formation est distinct de la formation pastorale intervenant aussitôt après l'ordination, dont parle le décret sur la formation des prêtres.
(4) Cf.Conc. Vat II, Decr. de pastorali Episcoporum munere in Ecclesia, n.16.
Presbyterorum Ordinis20La juste rémunération à assurer aux prêtres

Les prêtres consacrent leur vie au service de Dieu en accomplissant la fonction qui leur est confiée; ils méritent donc de recevoir une juste rémunération "car l'ouvrier mérite son salaire" (Lc 10,7) (1), et "le Seigneur a prescrit à ceux qui annoncent l'Evangile de vivre de l'Evangile" (Co 9,14). Là où rien d'autre n'existe pour assurer cette juste rémunération, faire le nécessaire pour assurer aux prêtres un niveau de vie suffisant et digne est, à proprement parler, une obligation pour les chrétiens, puisque c'est à leur service que les prêtres consacrent leur activité. Les évêques, eux, ont le devoir de rappeler aux chrétiens cette obligation; ils doivent veiller -chacun pour son diocèse ou, de préférence, à plusieurs ensemble dans un même territoire - à établir des règles pour assurer comme il se doit une vie convenable à ceux qui exercent, ou ont exercé, une fonction au service du peuple de Dieu. La rémunération versée à chacun devra tenir compte de la nature de la fonction exercée et des circonstances de temps et de lieu, mais elle sera fondamentalement la même pour tous ceux qui sont dans la même situation; elle devra être adaptée aux conditions où ils se trouvent; en outre, elle leur laissera les moyens, non seulement d'assurer comme il se doit la rémunération de ceux qui se dévouent à leur service, mais encore d'apporter eux-mêmes une aide à ceux qui sont dans le besoin, car ce ministère à l'égard des pauvres a toujours été en grand honneur dans l'Eglise dès ses origines. Enfin, cette rémunération devra permettre aux prêtres de prendre chaque année, pendant une durée suffisante, les vacances dont ils ont besoin;, les évêques doivent veiller à ce que ce temps de vacances soit assuré aux prêtres.

C'est à la fonction remplie par les ministres sacrés qu'il faut accorder le rôle principal. De ce fait, il faut abandonner le système dit des "bénéfices" ou, du moins, le réformer de telle manière que l'aspect bénéficial, c'est-à-dire le droit aux revenus de la dotation attachée à la fonction, soit traité comme secondaire. Le droit donnera donc la priorité à la fonction ecclésiastique elle-même, désignation qui s'appliquera désormais à toute charge conférée de façon stable pour être exercée en vue d'une fin spirituelle.
(1) Cf. Mt. 10, 10; Cor. 9, 7; 1 Tim. 5, 18.
Presbyterorum Ordinis21Constitution de caisses communes et organisation de la sécurité sociale pour les prêtres

Il faut toujours se référer à l'exemple des croyants de la primitive Eglise à Jérusalem: "Entre eux, tout était commun" (Ac 4,32) et "on distribuait à chacun suivant ses besoins" (Ac 4,35). C'est en ce sens qu'il est très souhaitable d'avoir, au moins dans les pays où la vie matérielle du clergé dépend, entièrement ou en grande partie, des offrandes des chrétiens, une institution diocésaine pour rassembler les dons faits à cette fin; elle sera administrée par l'évêque assisté de prêtres délégués et, là où cela paraît utile, de laïcs compétents en matière financière. Il reste également désirable qu'il y ait, en outre, autant que possible, pour chaque diocèse ou chaque pays, une caisse commune permettant aux évêques de satisfaire à d'autres obligations envers les personnes qui sont au service de l'Eglise et de subvenir aux différents besoins du diocèse; cette caisse doit aussi permettre aux diocèses plus riches d'aider les plus pauvres, pour que le superflu des uns subvienne à l'indigence des autres (1). Elle devra être alimentée avant tout par les sommes provenant des offrandes des chrétiens, mais également par d'autres ressources, que le droit devra préciser.

En outre, dans les pays où la sécurité sociale n'est pas encore correctement organisée en faveur du clergé, les conférences épiscopales, compte tenu toujours des lois ecclésiastiques et civiles, veilleront à ce qu'il existe, soit des organismes diocésains - éventuellement fédérés entre eux -, soit des organismes interdiocésains, soit une association établie pour l'ensemble du territoire, en vue d'organiser, sous le contrôle de la hiérarchie, d'une part une prévoyance et uns assistance médicale satisfaisante, d'autre part la prise en charge due aux prêtres pour les cas d'infirmité, d'invalidité ou de vieillesse. Les prêtres soutiendront l'organisme ainsi établi dans un esprit de solidarité avec leurs frères, prenant part ainsi à leur épreuve (2). Ils s'apercevront en même temps qu'ils se trouvent libérés du souci de l'avenir, et donc en mesure de pratiquer la pauvreté avec plus d'ardeur évangélique et de se consacrer tout entiers au salut des âmes. Enfin, les responsables feront en sorte que les différents organismes nationaux aient des liens entre eux, ce qui leur donnera une plus grande solidité et une plus large diffusion.
(1) Cf. Cor. 8, 14.
(2) Cf. Phil. 4, 14.
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Publié: 30/11/1959