Prière pour un chat

Un chat, le chat de mon fils disparaît sur une aire d’autoroute. Demander à Dieu de retrouver le chat paraît incongru dans la mesure où il y a tant de conflits dans le monde, tant de souffrances non soulagées, tant d’enfants tués. Alors qu’est ce qu’un chat ? N’est-ce pas ridicule de demander qu’il soit retrouvé ou qu’il se retrouve !

Et pourtant ma prière spontanée est :

S’il te plaît donne, s’il te plaît répare, s’il te plaît annule.
S’il te plaît retrouve cette petite bestiole qui a tant d’importance pour mon fils et ma petite-fille.

En moi, il y a une partie raisonnable qui me dit que je suis ridicule, que un chat ce n’est qu’un chat, et que Dieu a d’autres chats à fouetter, que la prière ce n’est pas cela. Et pourtant cette demande est là. Besoin primaire, besoin infantile ; besoin pas réfléchi, un besoin qui rappelle ma finitude, besoin qui rappelle mon impuissance. À priori, je peux penser que cette demande ne sera pas entendue.

Si jamais elle devait l’être, elle aurait pour moi valeur de signe de ta présence, présence du tout autre et me permettrait de te reconnaître et de te louer. Si je me sers de mon intellect pour dépasser cette prière basique, je peux penser que cette perte va être douloureuse pour mon fils et pour ma petite-fille. Elle risque d’être marquée à tout jamais par ce qui s’est passé. Son papa n’a pu empêcher cela, il n’a pu récupérer la chatte, il n’est donc pas le papa fort et idéal dont rêve une petite fille de 4 ans, et c’est peut-être un peu tôt pour cette déconvenue, déconvenue qui peut renforcer ce qu’elle doit vivre du fait de la séparation de ses parents.

Alors là au plus profond de moi, naît une autre prière, une prière pour eux, une prière pour que cet événement ne les casse pas, mais leur apprenne quelque chose. Ce n’est plus la prière « pourquoi as-Tu laissé faire cela ? », mais « Comment vont-ils faire avec cet événement qui peut avoir pour eux des sens qui leur seront propres ? » Cette demande serait quelque chose comme : s’il te plaît, que cet événement ne leur fasse pas trop de mal, ne plonge pas dans la dépression.

Là, je prie pour eux, mais je peux aussi élargir et prier pour tous ceux qui vivent une perte et Dieu sait à quel point ils sont nombreux. La perte nous la connaissons tous. Il y a ceux que je connais et pour lesquels je peux prier et il y a tous ceux qui me sont inconnus. Quand la perte est trop lourde, il y a toujours la tentation de dire que c’est de ta faute, de te rejeter. Délivre-moi de la tentation. Permets que ceux qui te connaissent et qui sont éprouvés ne te lâchent pas.

C’est encore une prière de demande, mais c’est déjà un peu plus ouvert, un peu plus universel. C’est peut-être un peu plus une prière de désir, désir que tu restes reconnu à travers ce que la vie nous fait traverser. Dans l’Ancien Testament, tu passes ton temps à perdre ton peuple et à le retrouver. L’épreuve est un moyen (en principe) de te connaître. Comment te dévoiles-tu dans l’absence, dans la perte, dans le silence ? C’est quand Jésus disparaît, qu’il semble perdu avoir tout perdu, qu’il devient « Je suis ». Peut-être que là peut naître une prière de louange, une prière de contemplation devant cet absent infiniment présent et devant ce présent insaisissable. Louer Dieu d’avoir accepté la perte de son Fils et louer le Fils d’avoir accepté de se perdre, de perdre sa vie pour sauver les hommes encore que ce mot me soit encore difficile à comprendre aujourd’hui quand on voit la manière dont le monde évolue, avec la violence et la haine. Mais cette louange, je peux la laisser advenir en moi. Remercier Dieu pour la perte, pour le deuil, pour la séparation, je ne le puis. Cela m’est opaque. La vision de Dieu est à long terme et moi en tant que humain, je suis dans le court terme.

Tout cela pour te dire, que je peux te louer, que je peux te contempler, mais que je ne suis pas capable de dire merci pour tout.
S’il te plaît, donne à cette petite chatte la force de remonter jusqu’à ses racines, puisque c’est le nom qu’elle porte et ce quelles que soient les racines.
Donne à mon fils et à ma petite-fille la force d’accepter cette perte.
Donne-moi la confiance, merci !
Parce que tu as donné à la chatte la force de vivre, la force d’attendre, la force d’être.
Parce que tu as donné à mon fils une réassurance dont il a besoin, même s’il ne le sait pas, et même si pour lui, tu n’existes pas.
Parce que tu m’as étonné, loué sois-tu pour ce cadeau.

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Catherine LESTANG
Publié: 31/07/2002