« Si je ne vois pas dans ses mains la marque...

1. « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! » On est surpris. Thomas ne reconnaît ni le visage de Jésus, ni sa voix qui pourtant lui étaient si familiers. Appelé personnellement à être l’un de ses apôtres, il l’avait longtemps regardé, si souvent écouté comme les autres disciples. Il aurait dû le revoir comme il l’avait vu et comme les onze autres le disent. Mais les apparences peuvent être trompeuses. Thomas ne veut se souvenir que de ce qu’il a vu de ses propres yeux : l’arrestation, le procès, la crucifixion, un corps mort avec les mains percées, le côté ouvert. Des heures durant, il a dû retourner ces images dans sa tête. Il dut se souvenir aussi d’avoir dit qu’il mourrait avec lui mais, lui, il était encore là. Cela ne s’efface pas de la mémoire sur les dires de quelques-uns.

2. Mais ce jour-là, il revit sur un vivant ce qu’il avait vu sur un corps mort. Les marques d’un passé au présent. Ces mains percées, ce côté ouvert ne sont plus seulement les signes visibles d’un moment d’histoire, mais toute l’histoire dont ils sont les paroles. Thomas refit dans sa tête tout le chemin que suivit celui à qui il avait demandé un jour où il allait. Ce chemin qu’il voulait d’abord suivre, qu’il n’a pas suivi, il le découvrit ce soir-là lorsque les portes de sa mémoire se déverrouillèrent. Thomas n’était plus l’homme qui effaçait en lui un doute mais un homme qui prenait le chemin de celui qui lui dit être « le chemin, la vérité et la vie ». Une conversion à la suite de la révélation du sens caché des signes reçus. Ils ne l’avaient pas non plus reconnu, les deux d’Emmaüs rattrapés sur le chemin du découragement jusqu’à ce qu’ils l’invitent à s’asseoir à leur table. Jusqu’à ce qu’il rompe le pain qui donne de marcher au pas des siens.

3. Thomas comme les disciples d’Emmaüs nous appellent à entendre le langage des signes. Le journal La Croix (29 mars 2024) a consacré un article très documenté sur « la forte hausse inattendue des baptêmes d’adultes » Plus de 31 % par rapport à l’année passée. On y lit, entre autres, le parcours d’Elise qui se convertit à la suite de signes qu’elle comprit. Elle raconte. « La séparation de ses parents a repoussé le projet de la faire baptiser sine die. En grandissant, elle n’y a plus repensé. Jusqu’à sa première année de médecine où elle a fait la connaissance d’une amie “très croyante et pratiquante” qui attira sa curiosité. Arrivée en deuxième année dans une ville différente, loin de son amie, elle se sent très seule et parle d’un mal-être qui la ronge. Elle se réfugie alors dans les églises, y trouve un apaisement. Au bout d’un certain temps, prenant son courage à deux mains, elle ose finalement parler à des paroissiens. Près de deux ans plus tard, elle fait partie des 7 135 adultes catéchumènes qui ont reçu le baptême à Pâques. » D’autres exemples suivent. « Les personnes parlent souvent de leurs épreuves de vie – une maladie, le décès d’un proche, une déception amoureuse – qui ont remis en question leurs certitudes. A un moment, elles ont touché le fond et cela les a mises en route vers Dieu. » Dieu nous parle par ses signes. Et nous pouvons en être. Comme cette grand-mère le fut pour sa petite-fille qui fut frappée par la manière dont elle priait. « On devrait leur donner un prix » déclare une responsable du catéchuménat. Autre témoignage de conversion : « J’ai entendu le Notre Père dit par toute l’assemblée, ça m’a bouleversé. J’ai emporté le feuillet liturgique, j’ai découpé la prière, je l’ai accrochée au-dessus de mon lit ; depuis je la dis tous les soirs. » Comment ne pas nous sentir concernés ?

4. Le Seigneur nous adresse à nous aussi des signes. Comme à Thomas, notre frère jumeau. Nous ne les avons pas reconnus comme tels en leur temps. Mais en rentrant en notre for intérieur, il peut nous apparaître que tel ou tel événement vécu, parole ou rencontre aient été autant de signes à nous adressés. Prenons le temps de les reconnaître et, surtout, soyons attentifs à ceux qu’il nous adressera.

Seigneur, Toi qui as franchi les portes fermées du Cénacle, déverrouille nos réticences, fais-nous reconnaître tes signes.

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Aloyse SCHAFF

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.

Publié: 07/04/2024