Et la parabole des talents alors ?

Hier, comme chaque fois qu’il m’arrive d’être poussée à écrire, à la suite d’une question qui m’est venue à l’esprit, j’ai fait part de ma réaction à quelques amis qui ont la gentillesse de me dire, ce qu’ils en pensent.

Tous avaient lu les lettres de Mère Teresa parues dans le journal La Croix, et en avaient été émus, mais ils ne partageaient pas mon point de vue final, et ils m’ont invitée à réfléchir.

J’ai donc laissé passer la nuit, et suis sortie. En passant devant un édifice public, la devise républicaine « Liberté Égalité Fraternité » m’a sautée aux yeux. J’ai pensé, Seigneur, que Tu pouvais l’adopter, en mettant un fameux bémol à la notion d’égalité. Certes tous les hommes sont égaux dans leur dignité d’homme, ce qui n’est pas rien, tant s’en faut, mais ils n’arrivent quand même pas dans la vie de tous les jours, avec les même atouts. C’est évident. Que ce soit sur le plan personnel, santé intelligence, équilibre ou sur le plan social, milieu familial professionnel, implantation dans un pays riche, en paix avec ses voisins, à climat tempéré... les différences peuvent être effarantes.

Et heureusement il m’est venu à l’esprit, ta parabole des talents qui rétablit l’équilibre. II sera demandé plus à celui qui a reçu plus, ce qui est bien normal, et très satisfaisant. Comme m’a dit mon curé : "À brebis tondue, Dieu mesure le vent." C’est un joli proverbe qui analyse bien la situation. Et il serait fallacieux, de s’arracher des poils pour bénéficier d’un doux alizé. Ça tombe sous le sens. Ce serait tricher. Ça ne peut donc pas Te convenir. Tu es juste Seigneur. Le seul juste juge.

Où avais-je la tête, quand le sort de Mère Teresa m’a paru critique, pour ne pas dire inacceptable.

De quel droit me suis-je autorisée à juger sa détresse intenable, et à T’en tenir rigueur, Seigneur, ou du moins à T’en demander compte.

Elle avait sans doute reçu je ne sais combien de talents... Mais ce n’est pas mon problème ! Ce qui serait peut-être intéressant pour moi, ce serait de savoir combien j’en ai reçu, de talents. Mais à quoi bon ? Inutile de me faire du tracas. Je sais que Tu tiens compte exactement des possibilités de chacun. Une fois de plus, il suffit de Te faire confiance et de s’abandonner entre tes bras. Mais arriverai-je un jour à Te dire ce que des liturgistes me suggèrent de faire : « Donne-moi, Seigneur, plus que je n’ose Te demander. »

Pour le moment, ça passe difficilement. Mais c’est quand même curieux que ce soit si difficile à dire par peur d’être exaucée, alors que dans le fond ça ne dépend absolument pas de moi, que je le dise ou que je m’en abstienne. Il faut sans doute T’aimer plus, T’aimer mieux, pour que ça coule de source.

Seigneur, aie pitié. Je n’en suis pas encore là.

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Françoise REYNÈS

Laïque mariste († 2011).

Publié: 01/09/2014