Le lavement des pieds

Seigneur, ce matin, je suis invitée à méditer sur le lavement des pieds. C’est relaté seulement dans saint Jean ch. 13 versets 3 à 17 (), alors que les autres évangélistes détaillent le déroulement de l’Eucharistie. Et cela se passe la veille de la Passion, au moment où Tu dictes ce qu’on pourrait appeler ton testament. C’est donc très important. Tu sais bien que tes Apôtres sont intrigués par ton geste aussi leur donnes-Tu une explication et une recommandation très claire : "Ce que je viens de faire, moi le Maître et le Seigneur, ... c’est pour que vous, vous fassiez de même."

Ça a l’air de s’adresser en priorité aux chefs de l’Église, le pape et les évêques, mais rapidement l’Église a estimé que c’était valable pour tous les consacrés et même pour tous les baptisés. Et c’est rappelé visuellement le Jeudi saint où effectivement, le célébrant lave les pieds de douze personnes.
Je plains les évêques et le pape actuel, car le cérémonial institué pour les chefs d’État ou pour les autorités civiles leur est attribué, et ce faste ne doit pas les aider à se sentir serviteurs. Mais c’est leur problème ! Certes depuis des années, des progrès sensationnels ont été accomplis dans ce domaine. Et même dernièrement, la vente des tiares, la disparition de la chaise curule et des éventails en plume d’autruche vont dans le bon sens.
Mais il reste encore, me semble-t-il, beaucoup de travail à faire pour que l’institution Église et ses chefs apparaissent comme prioritairement au service des pauvres, ne serait-ce qu’en voyant les façons coûteuses dont sont harnachés les Suisses pontificaux, par exemple. Mais c’est sûrement un détail à côté du reste !

Marie, de ce côté-là, a eu de la chance, pourrait-on dire. Le statut des femmes de son époque était tel que le fait d’être "Mère de Dieu" ne lui a valu aucun privilège, aucun pouvoir. Après la Résurrection, on nous dit seulement, qu’elle était présente au milieu des Apôtres. Depuis, on s’est largement rattrapé et beaucoup de tableaux de statues et même de prières la couvrent de couronnes, de pierreries ou d’appellations flatteuses. Mais là où elle est, ce n’est sûrement plus dangereux pour elle. Et nous, pauvres humains, nous ne savons pas trop comment manifester notre amour et notre admiration sans employer ces colifichets insignifiants. Personnellement, je préfère les représentations toutes simples.

Non, ce qui me pose problème, en lisant ce texte, c’est de chercher comment, quand on a la chance d’être croyant, d’être ainsi dépositaire d’une immense richesse, comment dis-je, la faire partager à ceux qui en sont dépourvus. On se sait riche, vis à vis de pauvres. Encore que, dans ce cas précis, on est généralement tellement maladroit, timide et même hésitant, que ça ne risque pas de nous monter à la tête. Par contre, dans la vie de tous les jours il y a de multiples occasions où notre supériorité entre guillemets, peut nous jouer des tours. J’entends par-là, supériorité de la bonne santé vis-à-vis des malades ou des handicapés, supériorité de la jeunesse vis-à-vis des vieux, de la fortune ou simplement de l’aisance vis à vis des chômeurs, de la sécurité vis-à-vis des sans papiers, de la culture devant les analphabètes, etc., etc.

Alors comment faire ? Pour y remédier, je me suis rappelé un conseil prodigué par différents maîtres spirituels et notamment par l’abbé Pierre qui disait qu’il fallait donner de telle manière qu’on puisse "se faire pardonner" son cadeau.
Pas facile, pas facile du tout, Seigneur, une fois de plus je Te trouve très exigeant. Mais en réfléchissant, il s’avère que quand un riche donne à un pauvre, il s’agit d’un acte de stricte justice, et non d’un acte altruiste comme j’aurais tendance quelquefois à le penser. La parabole des talents est là pour l’illustrer. Il serait anormal, inéquitable et même scandaleux de ne pas demander plus à ceux qui ont reçu plus. Même le Trésor public respecte en principe cette règle quand il réclame les impôts. D’un côté dans ma tête c’est très clair : je sais bien que je suis très favorisée par rapport à des tas de gens ; mais dans la pratique j’ai du mal à agir comme une redevable vis à vis de créanciers. Et ce d’autant plus, que certains pauvres ne m’y aident pas, et se montrent reconnaissants...

Alors, Seigneur, comme a dit une de tes amies, aide-moi à faire mon petit possible. Je Te laisse le soin de faire l’impossible.

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Françoise REYNÈS

Laïque mariste († 2011).

Publié: 01/03/2015