Tout ce que vous aurez lié sur la terre, sera lié dans le ciel

Ciel, quel pouvoir ! Tu as vraiment confiance en tes apôtres, Seigneur. D’un côté, c’est très sympathique, mais d’un autre, ça me pose problème : parce qu’enfin, reconnais que tous les tonsurés depuis deux mille ans, n’ont pas tous été dignes de ta confiance. Il y a eu parmi eux des saints quelquefois, de très braves gens pour la plupart, qui ont eu la générosité de dire oui à ton appel et qui sont désireux, profondément, de faire connaître ton amour pour nous. Mais, il y en a eu de gratinés : monsieur Borgia, pour ne pas le nommer, les abbés de cour de Louis XIV jusqu’à la Révolution, avec en tête l’évêque d’Autun, de Talleyrand, et sans remonter aussi loin, quelques pauvres hommes qui se sont révélés indignes du sacerdoce qu’ils avaient voulu exercer et on en a entendu parler lors d’audiences correctionnelles où ils se sont fait drôlement saler d’ailleurs. Et si on sort de France, on trouve les mêmes problèmes, à toutes les époques, dans tous les pays.

Alors, si par cette formule, tu veux dire qu’un sacrement donné par un prêtre indigne est quand même valable, je te suis ; je suis même rassurée pour les pauvres paroissiens de dom Balaguère qui, lors des trois messes basses, ont pu avoir une véritable eucharistie malgré les drelin dindin du petit diable d’enfant de chœur. C’est une histoire, d’accord, elle est charmante et drôle, mais j’en parle parce qu’elle est en droite ligne de notre discussion.

Mais je vais oser te poser une question, Seigneur : et là, l’histoire est vraie. Si une pénitente va trouver un confesseur qui, en son âme et conscience, lui refuse l’absolution et si, séance tenante, elle va en trouver un autre dont elle sait qu’il est plus large, si elle reçoit l’absolution, alors elle est liée ou déliée ? Et même chose pour le baptême ou le mariage. Je reconnais qu’avec l’ordination et l’extrême-onction, il y a moins de problème. Mais c’est courant aujourd’hui. Un prêtre, en conscience, refuse d’être le témoin d’une union qui ne lui paraît pas répondre aux vœux du Seigneur... On va vite dans une autre paroisse, et le tour est joué.

Alors qu’est-ce que tu en penses ?

Je remarque que, spontanément, l’expression ‘le tour est joué’ est venu comme ça dans le déroulement de mon raisonnement, et je me rends compte qu’il est inconvenant, qu’il est stupide, infâme, injurieux de vouloir se jouer de Toi, Seigneur. Comme si cela était possible ! C’est mon mauvais penchant à tout vouloir réduire à un raisonnement logique, juridique...

On ne se joue pas de Dieu, voyons ! Avant que j’ouvre la bouche, tu sais ce que je vais dire, derrière et devant tu me serres de près. Mystérieuse connaissance qui me dépasse, si haute que je ne puis l’atteindre, dit le psaume 138 ().

C’est futile de vouloir échapper à Dieu ; et pour Lui, c’est l’intention qui compte : il aime ceux qui ont le cœur juste. Dieu nous fait confiance ; il fait confiance à ses prêtres, même indignes ; mais si nous, nous voulons jouer au plus fin, on fausse tout ; on fait complètement fausse route.

Ah, Seigneur, quand cesserai-je de me conduire en grande personne, persuadée de son bon droit, du bien fondé de ses déductions, de son intelligence, etc. Tu aimes les petits enfants, as-tu dit. Va, tu as bien raison, Seigneur.

Aide-moi à redevenir confiante comme un petit enfant qui se sait aimé du Père : ça me rendra bien service.

Amen.

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Françoise REYNÈS

Laïque mariste († 2011).

Publié: 31/05/2003