Dimanche de Pâques

1. Elle se nommait Marie Madeleine, celle qui s’est mise en route quand il faisait encore nuit, pour se rendre devant le tombeau. Attirée de manière irrésistible, comme on va sur une tombe après avoir perdu un être cher. Pour nous souvenir, pour nous dire qu’il est encore là, pour prolonger le dialogue qui s’est arrêté. A Jésus, elle s’était tellement attachée. Peut-être n’avait-elle pas bien dormi en pensant à ce qui s’était passé. Alors elle vient au petit matin, avant même que le soleil ne se soit levé, pour encore lui parler dans l’intimité qui n’a pas besoin de témoins.

2. Mais le tombeau est ouvert ! Vide ! Alors elle s’affole. C’est en courant qu’elle va le dire à Pierre et à Jean : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau et on ne sait où on l’a mis ! » Son émotion est palpable. L’aurait-elle perdu une seconde fois ? Qu’elle ne saurait plus où aller pour lui parler. On sait la souffrance de ceux qui n’ont plus de corps à revoir comme ceux qui sont perdus en mer, ou ceux dont on recherche désespérément ce qu’il en reste dans les décombres d’un bombardement. Mais les linges sont maintenant là, pliés, rangés comme s’ils ne servaient à plus rien. Le récit s’achève soudainement sur les paroles de Jean, le disciple bien-aimé : « Il vit et il crut. » De voir de ses yeux un tombeau vide lui révèle une présence qui n’a plus besoin des yeux. « Χριστός ανέστη ! » « Christ est ressuscité » : c’est ainsi que se saluent les chrétiens d’Orient le jour de Pâques.

3. Telle est l’origine de la foi chrétienne. Toutes les philosophies et les religions ont dit quelque chose de l’après-mort. Selon Platon et les philosophes grecs, l’homme est composé d’une âme et d’un corps. Seule l’âme est immortelle mais on sait en dire plus. Au temps de Paul, les athéniens avaient érigé une statue au « dieu inconnu ». Paul crut y trouver l’occasion de leur parler de Jésus-Christ. Mais « Au mot de résurrection des morts, les uns se moquaient, d’autres déclarèrent : “Nous t’entendrons là-dessus une autre fois.” » Et ils quittèrent la place publique. Pour les religions asiatiques comme l’hindouisme, le bouddhisme, l’âme est prisonnière du corps et ne peut s’en délivrer que par la renonciation à tous ses désirs, au terme de multiples réincarnations. L’âme entre alors dans un état de fusion avec l’Absolu : le « nirvana », le « vide ». Grand silence aussi chez les écrivains de la Bible qui ne demandent bonheur et félicité que pour le temps présent. Le rabbin Shélomo Zini confirme : « Les âmes des défunts ou tout au moins un grand nombre d’entre-elles, se réincarneront pour connaître une vie terrestre de félicité. »

4. Michel Serres, l’auteur de nombreux ouvrages sur l’histoire des sciences, a écrit : « Pour moi l’événement le plus important est celui de la Résurrection. Des femmes arrivent devant un tombeau, voient les bandelettes rangées… Tout cela comme les aromates dont elles voulaient embaumer le mort, ne sont plus d’aucune utilité : le Ressuscité est impossible à momifier… Cela veut dire que la mort est morte. Elle est désormais derrière nous. A partir de Pâques, la ligne de l’Histoire va dans l’autre sens, celui de la vie. »

5. Aujourd’hui, tant d’œuvres de mort conduisent à remplir des tombeaux : les attentats terroristes, la mort par malnutrition, par violences de toutes sortes et maintenant la pandémie. Nous n’oublions pas qu’un jour une tombe nous accueillera. Mais à cause de Pâques, par la confiance que nous avons en Jésus ressuscité, une lumière s’est allumée en nous pour donner du sens à ce qui, selon toutes les apparences, n’en a pas. Exultation qui a fait s’élancer les cathédrales, a inspiré Rembrandt et tant d’artistes aux œuvres admirables. « Que ta joie demeure » murmure en notre cœur Jean-Sébastien Bach alors que le Te Deum de Gustave Charpentier nous fait toujours vibrer. Pâques, avec le Christ dans notre cœur nous appelle à donne autour de nous la joie de vivre. « Χριστός ανέστη ! » « Christ est ressuscité ».


Méditation (Paul Claudel, Pâques 1934)

« Et tout à coup, dans le clair de lune, les cloches en une grappe énorme dans le clocher,
Les cloches au milieu de la nuit comme d’elles-mêmes, les cloches se sont mises à sonner !

On ne comprend pas ce qu’elles disent, elles parlent toutes à la fois !
Ce qui les empêche de parler, c’est l’amour, la surprise toutes ensemble de la joie !

Ce n’est pas un faible murmure, ce n’est pas cette langue au milieu de nous-mêmes qui commence à remuer !
C’est la cloche, vers les quatre horizons, chrétienne qui campane à toute volée !

Les deux plus claires par-dessus l’une sur l’autre qui montent dans un dialogue infatigable !
Et les quatre plus graves à coups profonds par-dessous à leur tour qui se sont mises à table !

Vous qui dormez, ne craignez point, parce que c’est vrai que J’ai vaincu la mort. La terre qui dans un ouragan de cloches de toutes parts s’ébranle vous apprend que Je suis ressuscité ! »

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Aloyse SCHAFF

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.

Publié: 31/03/2024