Parabole des vierges sages et folles

Il y a quelque temps, j’ai entendu un commentaire sur la parabole des vierges sages et des vierges folles, vous savez celles qui munies d’une lampe attendent l’époux qui tarde à venir. Seules les sages ont pris la précaution d’avoir de l’huile en réserve pour leurs lampes, et quand l’époux arrive enfin, les vierges folles ont leur loupiote à sec. Le temps de courir chercher de l’huile, quand elles reviennent, la porte reste fermée...

Le commentaire était très classique. C’était sur l’attente de Dieu dont on ne sait quand Il viendra. Commentaire classique mais très ouvert, très riche, puisqu’on faisait état de la rencontre du désir de l’homme et du désir de Dieu. C’était bien, et même très bien.

J’ai bien aimé. Mais ce matin, en lisant ce passage, je vois les choses fort différemment.

Les vierges sages me paraissent surtout égoïstes : elles auraient pu partager leur réserve au lieu de tout garder pour elles au prétexte qu’il n’y en avait pas assez pour toutes. Elles n’ont pas voulu prendre le risque d’être à court. C’est un peu mesquin.

Quant à l’époux qui est en retard, je le trouve proprement imbuvable. Non seulement, il ne s’excuse pas de son retard, ce qui serait la moindre des choses, mais il se conduit comme si tout lui était dû, comme s’il était irréprochable. Or, c’est lui qui est en retard. Il ne s’agit pas du quart d’heure de retard, qualifié suivant les endroits de bordelais, de parisien, ou de toulonnais, petit retard qu’il serait malséant de ne pas excuser ; non son retard est d’au moins de plusieurs heures sinon d’une grande partie de la nuit, puisque tout le monde s’était assoupi. C’est un retard inexcusable.

Et c’est ce retard qui est la seule cause de l’embarras des vierges dites folles. Alors, quand ces pauvres filles sont de retour après avoir en pleine nuit (on imagine le mal qu’elles ont dû se donner pour trouver de l’huile à acheter), monsieur ne leur ouvre pas la porte. « Restez dehors. » On ne pas être plus odieux !

Pourquoi, Seigneur, inventes-tu des histoires qu’il va falloir tirailler dans tous les sens pour obtenir quelque chose qui, vaille que vaille, va nous donner un éclairage sur ta venue et ton Royaume.

Excuse-moi, Seigneur, mais il faut sans doute être oriental, pour admettre qu’une histoire pareille puisse avoir un effet bénéfique sur tes auditeurs. Il faut la transposer complètement, gommer des invraisemblances, passer des détails sous silence, etc.

Oui, je sais. Tu veux dire qu’on ne sait pas quand arrivera la fin du monde ou quand il sera temps pour nous d’aborder le versant le plus lumineux de la vie, comme dit un de mes amis maristes, et qu’ainsi on a intérêt à être prêt. La parabole du propriétaire qui est vigilant pour défendre sa porte contre le voleur est plus vraisemblable ; mais pourquoi présenter Dieu comme un voleur ? Il me semble, Seigneur, que tu aurais pu être plus simple, plus direct. Tes histoires, en tout cas, ces deux-là, me paraissent inutiles, emberlificotées.

Et pour une fois, devant mes objections, je ne vois pas ce que Tu vas trouver pour me répondre, Seigneur.

Sans doute ne fallait-il pas poser la question. Quand on joue, on joue et il n’y a pas de jeu possible si on ne respecte pas les règles. Et c’est la même chose pour les règles des genres littéraires. Or ici, il s’agit d’une parabole et quelle est la règle d’or d’une parabole ? Je la connais cette règle : il ne faut jamais prendre telles quelles les saynètes racontées. Il peut y avoir des côtés qui ressemblent à la réalité, mais il peut y avoir aussi des côtés tout à fait invraisemblables. Oui, je le sais, et par conséquent, mes objections au regard de ta position, sont idiotes et mal venues.

Mais quand même, Seigneur, j’insiste : j’ai l’impression que c’est toujours moi qui fais un pas pour Te rejoindre, pour essayer de Te comprendre et que Toi, Tu restes là haut dans le ciel à me regarder me dépêtrer !

« Mais voyons, pauvre petite folle, l’Incarnation, qu’est-ce que tu en fais ? »

Ah ! je dis pouce Seigneur, je rends les armes. Tu as raison, toujours raison.

Mais qu’est-ce que Tu veux, ce matin, je devais être mal lunée. Ça arrive, tu sais, Seigneur.

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Françoise REYNÈS

Laïque mariste († 2011).

Publié: 30/11/2001