Ils n’auront que les paraboles afin que écoutant, ils n’entendent pas, voyant, ils ne voient pas

Ça ne vous a pas posé de problème à vous ce "afin que" ? À croire que Jésus parle en paraboles afin que, les apôtres exceptés, ceux qui l’écoutent ne comprennent rien à ce qu’Il dit.

Enoncé sous cette forme, c’est irrecevable, c’est sûr. Alors, cherchons.

Le texte est tiré de Luc (). Mais on le trouve aussi dans Matthieu (), et dans Marc () l’exclusion est toute aussi nette : "A vous, c’est donné de comprendre, pour les autres, non." C’est dans la parabole du semeur, un semeur bien maladroit puisque les trois quarts de la semence tombe en dehors du terrain qui lui permettrait de pousser... Mais la question n’est pas là.

Je serais tentée de rapprocher cette façon de s’exprimer d’un autre texte dans la Genèse où il est dit que devant la requête de Moïse : "Dieu endurcit le cœur de Pharaon" et ainsi, ce dernier refusa de laisser partir le peuple d’Israël. Au début, j’ai cru qu’il y avait un contresens dans la traduction parce que, évidemment, c’est Pharaon qui s’endurcit le cœur contre Dieu ; et puis j’ai su que dans les temps anciens, dans les premiers textes écrits de la Bible, Dieu étant tout puissant, tout ce qui arrivait était de son fait. On ne savait pas s’exprimer autrement, d’où cette formule un peu curieuse au premier abord. Mais il est vrai que, sans faire appel aux exégètes, en se plaçant seulement sur un plan psychologique primaire, on peut trouver une explication très plausible à cette formulation. Quand je suis en colère contre quelqu’un, c’est parce que ce quelqu’un a fait quelque chose de mauvais contre moi. C’est lui, en premier, qui est en faute, et non moi. Et en partant de ce constat, Pharaon peut dire que c’est Yahweh qui est mauvais et qui a durci son cœur. Lui n’y est pour rien dans les malheurs qui s’abattent sur son peuple.
Bon, mais à l’époque où Luc, Matthieu et Marc écrivent, l’évolution des mentalités fait qu’on conçoit parfaitement la notion de responsabilité individuelle. La parabole du semeur ne peut être éclaircie sous cette lumière.

Notez qu’aujourd’hui, tout le monde a droit à l’explication de texte donnée par Jésus aux seuls apôtres, puisque les trois évangélistes la rapportent. Il suffit de lire la parabole en entier. Mais, qu’en a-t-il été pour ceux qui ont entendu Jésus, et qui n’ont eu droit qu’à la première partie ?

Ce que Jésus énonce, en disant cette phrase, c’est une citation de l’Ancien Testament et quand Jésus la mentionne, c’est une simple constatation, ce n’est pas du tout pour administrer la preuve de la réalisation de ce texte, ça coule de source. Alors, pourquoi ce "afin que" ?

Et bien, je crois que l’explication, je l’ai trouvée, au début de ma réflexion, quand j’ai dit : "A première vue, ce texte ne tient pas debout, cherchons..." Voilà le mot clef : CHERCHER.

Dieu nous a fait intelligents, et il souhaite que nous exercions notre intelligence pour essayer d’entrer en relation avec lui. C’est vrai pour ce passage, c’est vrai pour tous les autres. Si nous nous contentons d’une écoute superficielle, d’une vision sans approfondissement, nous restons sur le bord du chemin et nous séchons, comme la graine.

Dieu n’est pas une personne facile à concevoir ; elle est même rigoureusement inconnaissable, inaccessible, mais cela ne nous dispense pas de chercher à entrer en relation avec Lui, le Tout Autre, l’Innommable, l’Infini...

Quand j’entends dire que la religion c’est quelque chose de gentillet, pour vieilles personnes qui ne savent comment s’occuper, que c’est une béquille pour personnes frileuses qui ont besoin de se rassurer... c’est faux, complètement faux.

Ecouter Dieu et mettre sa parole en pratique, c’est terriblement exigeant. Cela réclame toute notre attention, toute notre intelligence, toutes nos forces, tout notre cœur. Et cela devient exaltant, dilatant. Voilà qui devrait rassurer les jeunes qui sont en mal d’absolu, dit-on, et les autres aussi d’ailleurs.

Dieu nous prend au sérieux, il ne nous prend pas pour des petites queues de poires. Il veut que sérieusement, avec application, nous allions vers Lui.

Finalement, ce "afin que", je ne le trouve plus rébarbatif du tout. C’est tout au moins comme ça que je le comprends aujourd’hui. Peut-être que cette explication ne vaut pas un clou au regard des savants, mais peu importe, elle m’a permis aujourd’hui d’apprécier que Dieu fait bien ce qu’il fait. Ce dont j’ai tendance à douter perpétuellement.

Cette explication m’est bénéfique, donc je la garde.

Une faute d'orthographe, une erreur, un problème ?   
 
Françoise REYNÈS

Laïque mariste († 2011).

Publié: 01/04/2008