Croyant et scientifique... J’assume !

Enseignant-chercheur, travaillant dans un laboratoire du CNRS, mon travail de recherche porte sur l’application de méthodes physiques à l’étude de la Terre et l’exploration d’autres planètes - Mars en ce qui me concerne. Il m’a ainsi conduit à participer à une des grandes aventures actuelles : l’exploration du système solaire, notre voisinage immédiat dans l’univers. Il faut souvent dix ans pour préparer une mission interplanétaire, avec le risque de tout perdre dans l’espace, avant même d’avoir fait la première observation. Et malgré cela, bien peu renoncent. Je me suis souvent demandé pourquoi. Ma réponse est que, dans cette affaire, la science est l’outil qui permet de repousser encore plus loin la limite des ’Terra incognita’, et offre l’opportunité - et la chance - d’être partie prenante de cette quête qui traverse l’humanité : "Qu’y a-t-il là-bas, au-delà de ce qui est connu ? "

Mon travail de chercheur repose sur un postulat : une construction intellectuelle permet de rendre intelligible ce que nous observons, d’en comprendre l’évolution passée et d’en anticiper le comportement futur. Mon expérience personnelle m’a toujours montré que ce postulat ne s’applique pas dès lors qu’il s’agit de questions telles que : "Qui suis-je ? Pourquoi suis-je là, moi ? Qu’y a-t-il après la mort ?". Ma conviction est que la science ne sait pas, et ne saura jamais répondre aux questions constitutives de l’humanité. Chacun de nous est unique. L’aventure humaine n’est pas un phénomène dont le comportement pourra être prévu à l’avance, lorsque les progrès de la science seront suffisants. L’énigme ainsi laissée béante est fondamentale : c’est la condition pour que notre liberté ne soit pas simple illusion.

Depuis bientôt trente ans, je lis régulièrement la Bible avec d’autres. Cette lecture m’a permis de remettre en question mes représentations de Dieu, et de réinvestir personnellement ce qui m’avais été transmis par mon éducation catholique. Beaucoup de choses ont été ainsi jetées bas, mais, curieusement, quelque chose a émergé, et résisté à toutes les remises en causes : l’intuition de la présence au plus profond de moi de quelque chose d’indicible, hors du champ d’investigation des sciences, y compris les sciences humaines. Accompagné par d’autres, j’en ai progressivement découvert l’existence. La meilleure - ou la moins mauvaise - image que j’ai trouvée pour décrire cette présence est celle d’une source qui sourd, et dont l’eau irrigue mon regard sur moi-même et sur les autres, si je ne l’empêche pas de couler. Et j’ai lu dans la Bible le témoignage de ceux qui, avant moi, avaient fait la même expérience. Ils ont progressivement compris qu’elle manifeste la trace en chacun de nous du divin, d’un tout autre dont le nom même est indicible.

Dans le récit de la Genèse, la création nous est confiée. Ma conviction est que ce n’est pas pour la garder en l’état, comme une pièce de musée, mais pour la comprendre de mieux en mieux et pouvoir ainsi en retirer toujours plus de fruit. Repousser la limite des ’Terra incognita’ participe de cette démarche, car cela nous permet d’acquérir de plus en plus de pouvoir sur la création : ce faisant, nous y occupons pleinement notre place. La façon dont nous utilisons ce pouvoir, au bénéfice ou au détriment de l’homme et de la nature, est le fruit de nos choix. C’est devenu un lieu commun de dire que les progrès scientifiques nous confrontent à des choix de plus en plus lourds de conséquences : je pense qu’il nous faut de plus en plus de maturité humaine pour les assumer. Cette maturité est pour moi indissociable d’une profonde unité personnelle. En ce qui me concerne, mon compagnonnage avec les textes bibliques a eu un rôle essentiel dans ce chemin - jamais achevé - vers moi-même.

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Michel MENVIELLE

Chercheur au Centre national de recherche scientifique de France.

Publié: 30/11/2000
Les escales d'Olivier
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    Le Réseau Blaise Pascal (Sciences, Cultures et Foi), créé en avril 2001, est constitué de plus d’une vingtaine de groupes francophones d’inspiration chrétienne qui travaillent sur la question « Sciences, Cultures et Foi. » Les membres du réseau sont actifs dans l’enseignement et la recherche dans les domaines scientifiques (Universités, Grandes Ecoles, CNRS, INSERM), philosophiques ou théologiques (Facultés de Philosophie et de Théologie). Laïcs, diacres, pasteurs ou prêtres, ils sont pour beaucoup d’entre eux engagés dans le service des Eglises chrétiennes comme philosophes, théologiens et enseignants.