4e dimanche de l’Avent

« En ces jours-là, Marie se mit en route avec empressement pour se rendre dans le haut pays dans une ville de Judée. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Elisabeth. »

1. Deux femmes se rencontrent, de la même famille mais si différentes pourtant.
L’une, Marie, très jeune, 13-14 ans peut-être si l’on en croit les historiens, tout juste à l’âge d’être mère ; l’autre, Elisabeth qui en avait déjà dépassé le temps.
La première était inconnue, de condition modeste, habitait ce petit bourg de Nazareth en cette Galilée pas trop bien famée ; l’autre, épouse d’un prêtre du Temple, appartenait à la classe supérieure à Jérusalem, la ville sainte.
Alors que Marie, tout juste fiancée, avait toute la vie devant elle et comme toute jeune fille en Israël, se préparait à fonder une famille, avoir des enfants, bénédictions de Dieu, Elisabeth, tout à l’inverse se désolait de sa stérilité, la considérant comme une honte, un déshonneur, malgré sa grande fidélité à observer les commandements du Seigneur.
Mais voici que Marie se hâte pour entrer dans la maison de Zacharie et salue Elisabeth. Voici que celle que l’ange avait salué, celle qui portait le sauveur vient saluer celle qui portait son précurseur. Ces dissemblances donnent à méditer.

2. Comme Marie, l’élue de l’Esprit Saint, est allée vers Elisabeth, la consolée, ainsi Jésus descendra vers Jean le Baptiste, l’indigne baptiseur. D’en haut vers en bas. Tout l’évangile est déjà là. Jésus ira vers les pêcheurs du lac de Galilée puis vers tous les habitants de leurs villages, enfin en pays païen. La route fut son espace de parole et la foule des petits fut son public. Parce que ce qu’il avait à dire était pour eux. Il n’a pas attendu qu’on vienne à lui, comme le faisaient les maîtres au Temple ou dans les synagogues. Parce que les petits n’y seraient jamais allés. En Jésus nous voyons Dieu descendre du piédestal sur lequel on l’avait installé pour le mettre à la table des pécheurs. Pour que nous puissions l’y rencontrer.

3. Ne devons-nous pas nous poser la question : « Comment et où puis-je le rencontrer ? » Maître Eckhart, un dominicain qui enseigna à Strasbourg au 14e siècle, eut cette belle formule : « Dieu ne fait que tousser discrètement à nos côtés, attendant que nous fassions enfin attention à Lui. » Pour nous dire que le Seigneur attend que nous l’entendions nous parler au travers des événements de notre quotidien. Qu’il attend que nous en fassions un ami. Un ami à qui l’on pense, avec qui l’on parle. Voir en Jésus un ami, cela peut paraître familier. Mais Jésus nous y invite lui-même à l’instar de ses disciples qui entendirent : « Je ne vous appelle plus serviteurs ; je vous appelle mes amis. » Repartir avec cette conviction nous incitera à aller plus loin que la simple admiration. Tout particulièrement lorsque nous avons l’impression d’être seul. « Venez à moi vous qui peinez et moi je referai vos forces. » Mais aussi lorsqu’il nous semble que nous n’avons besoin de personne et oublions de nous demander qui a besoin de nous. Ce que fit Marie en se hâtant de venir en aide à sa cousine âgée Elisabeth.

4. On raconte de Jean Tauler, un dominicain né et mort à Strasbourg, disciple de Maître Eckhart et célèbre prédicateur du 14e siècle, qu’ayant prié le Seigneur pendant plusieurs années de lui envoyer quelqu’un qui lui apprît le vrai chemin de la vie spirituelle, il entendit un jour une voix qui lui disait : "Allez à telle église, et là vous trouverez celui que vous demandez." Il va à l’église et trouva sur la porte un mendiant sans chaussure et couvert de haillons. Il le salue d’abord, en lui disant : « Bon jour, mon ami. » A cela le pauvre répond : « Mais, monsieur, je ne sache pas avoir jamais passé aucun jour de mauvais. » « Eh bien ! répliqua le père, que Dieu vous donne une vie heureuse. » « Mais, reprit le pauvre, je ne sache pas non plus avoir jamais été malheureux. » Puis il ajouta : « Écoutez, mon père, ce n’est pas sans raison que je vous ai dit que je n’avais jamais passé aucun jour de mauvais ; car, lorsque j’ai faim, je glorifie Dieu ; quand il pleut ou qu’il tombe de la neige, je le bénis. Si l’on me méprise, si l’on me rebute, si je subis quelqu’autre désagrément, j’en glorifie mon Dieu. Je vous ai dit encore que je n’ai jamais été malheureux, et c’est encore vrai ; car je ne veux que ce que Dieu veut ; car tout ce qui m’arrive de doux ou d’amer, je le reçois de sa main avec plaisir, comme la meilleure chose qui puisse m’arriver ; voilà d’où vient mon bonheur. » « Et si Dieu voulait que vous fussiez damné ? » « Si Dieu le voulait, eh bien ! reprit le pauvre plein d’amour et d’humilité, je m’attacherais à lui et le tiendrais si fort que s’il voulait me précipiter à l’enfer, il serait obligé à m’y suivre, et, dans ce cas-là, je préférerais être en enfer avec lui que de posséder tous les délices du ciel sans lui. » « Où avez-vous trouvé Dieu, dit le père ? » « Je l’ai trouvé, reprit le mendiant, là où j’ai laissé les créatures. » — « Mais qu’êtes-vous ? » — « Je suis roi. » — « Et où est votre royaume ? » — « Dans mon âme ; c’est là que je me tiens, en faisant obéir mes passions à raison et ma raison à Dieu. » Tauler lui demanda enfin quelle était la pratique qui l’avait conduit à tant de perfection. « C’est, dit-il, le silence. Je me suis tu avec les hommes pour parler avec Dieu. Je me suis tenu avec le Seigneur, et c’est dans lui que j’ai trouvé la paix véritable. »
Ce mendiant n’était parvenu à un tel degré de perfection que par l’union qu’il avait avec la divine volonté. Cet homme était certainement plus riche dans sa pauvreté que tous les rois de la terre, et plus heureux dans les souffrances que tous les gens du monde ensemble avec tous leurs plaisirs.


Méditation

Que faire ?

J’ai peur de regarder le journal de 20 heures,
Tant ce qu’on y dit et voit soulève le cœur.
La terre est désolée et mon âme cabossée
Par cette violence et les souffrances étalées.

Que faire pour que les hommes vivent en paix ?
Pour que femmes et enfants n’aient plus peur ?
Que faire pour que la terre blessée ne meure
Sous les coups que nous lui portons sans arrêt ?

Lève-toi, me dis-tu, Seigneur, cesse de pleurer.
Va dire à celui qui a besoin d’un peu de toi
Que tu viendras le voir pour être à ses côtés
Et lui montrer comment ne pas rester chez soi.

Que d’autres ont besoin aussi d’être écoutés.
Que, moins lourdes, sont les croix partagées.
Que pour cela, chacun doit prendre sur lui
Un peu de ce qui fait la souffrance d’autrui.

Seigneur,
Fais, de ces petites pailles éparpillées,
Des feux qu’on ne pourra pas arrêter.

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Aloyse SCHAFF

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.

Publié: 19/12/2021