18e dimanche ordinaire

1. « Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage. » La question du partage d’héritage a souvent fait problème. Hier comme aujourd’hui. Lorsque l’on cite la bonne entente des parents et de leurs enfants dans une famille, il n’est pas rare de s’entendre dire : « Le partage a-t-il était fait ? » A l’époque de Jésus, il n’y avait ni notaire, ni juge. Pour régler ces questions on s’adressait à un rabbi, un maître expert, docteur de la Loi, puisque tout était contenu dans la Bible. En particulier, pour préserver le patrimoine, y était inscrit le droit d’aînesse qui attribuait double part au fils aîné à charge pour lui de distribuer le restant équitablement à ses frères. Si cet homme s’adresse à Jésus, c’est qu’il le considère comme un Maître ayant autorité pour plaider sa cause auprès de son frère.

2. Ce que Jésus refuse. Mais il profite de la question pour mettre en garde contre l’avidité qui conduit à perdre le vrai sens des choses. Jésus ne reproche pas à ce riche d’avoir fait une bonne récolte, mais d’y avoir mis tout son avenir. « Je ferai » dit-il à plusieurs reprises, comme s’il en était maître. A 5 reprises, il fait valoir l’importance de sa récolte, la regardant comme une assurance-vie illimitée. Il estime avoir construit lui-même son avenir. Il se trompe. Il a oublié qu’un jour il ne pourrait plus dire « Je » ; qu’un jour il ne pourrait dire « mes greniers pleins ». Jésus rend ainsi attentif à notre précarité : « La vie d’un homme, fût-il dans l’abondance, ne dépend pas de ses jours. » « Fermer les yeux sur la précarité, la maladie, la déchéance, l’exclusion, c’est pratiquer une politique de l’autruche qui se retournera immanquablement contre ceux qui l’auront cautionnée » écrit l’écologiste Noël Mamère. Du jour au lendemain, le cours des choses, qui allait de soi, croyait-on, peut s’inverser mais nous n’aimons pas y penser.

3. Et pour ne pas nous affliger de ce qui pourrait nous arriver demain, Jésus nous ouvre une autre vision des choses. Pour combattre l’illusion de sécurité que peuvent donner les biens qui passent, il propose un autre enrichissement, celui qui se fait « en vue de Dieu ». Devenir riche en vue de Dieu, c’est choisir le raisonnement inverse de celui que faisait cet homme. Il s’enfermait dans ses greniers, dans ses avoirs ; Jésus appelle au partage : « Faites-vous des amis avec l’Argent trompeur pour qu’une fois cet argent disparu, ces amis vous accueillent dans les demeures éternelles. » Faire de ce qui disparaîtra de l’éternel, c’est donner une autre dimension à nos actes immanquablement limités. A l’image du grain de blé qui meurt pour que puisse venir l’épi. A l’image du gland de chêne qui s’enfouit pour que puisse venir l’arbre multi centenaire. Il nous appartient de donner à nos gestes une valeur d’éternité. « Pensez aux réalités d’en haut » écrit Paul, en faisant « mourir ce qui n’appartient qu’à la terre avec cette soif de posséder, qui est une idolâtrie ». Il n’a que deux mots pour nous dire le comment : « Recherchez l’amour » car lui seul « ne disparaît jamais. » Nous pouvons méditer cette inscription en épitaphe sur une tombe : « Ce que j’ai dépensé, je l’ai perdu ; ce que je possédais, je l’ai laissé à d’autres ; mais ce que j’ai donné est encore à moi ! ».

4. En ce temps d’été, de nombreux pèlerins se rendent à Saint-Jacques-de-Compostelle, d’étape en étape, d’église en église. Considérons notre temps comme un pèlerinage avec Jésus comme compagnon de route. C’est en nous élevant au-dessus du tour de France que le commentateur nous a fait découvrir les beautés insoupçonnées de la nature, sublimées par tant d’églises et monastères remarquables. Elevons-nous au-dessus de notre quotidien. Prenons le temps, pas seulement le dimanche, d’une pensée, d’une prière pour nous rappeler le but de notre voyage et les chemins à prendre. Lorsque le soir venu, nous aurons fermé la porte, tiré les volets, regardons la journée passée pour mieux préparer celle de demain.

Seigneur, tu sais notre insouciance et notre indifférence quand tout va bien. Tu sais aussi nos inquiétudes lorsque nous saisit la peur du lendemain. Donne-nous alors de ne pas nous enfermer dans notre quotidien, ni entraîner dans la spirale du toujours plus sans fin. Aide-nous à trouver les chemins d’entraide les plus à même de nous comporter en frères humains, nos compagnons d’un même voyage.

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Aloyse SCHAFF

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.

Publié: 31/07/2022