Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis.

Lc 23,39-43

L’un des malfaiteurs suspendus à la croix l’injuriait : « N’es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi même, et nous aussi. » Mais l’autre, le reprenant, déclara : « Tu n’as même pas crainte de Dieu, alors que tu subis la même peine ! Pour nous, c’est justice, nous payons nos actes ; mais lui n’a rien fait de mal. » Et il disait : « Jésus, souviens-toi de moi, lorsque tu viendras avec ton royaume. » Et il lui dit : « Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. » ().

Quand je suis entré au noviciat, on nous avait demandé, pour mieux nous connaître, de présenter le texte de l’Écriture qui nous ‘parlait’ le plus. J’avais choisi Les deux larrons. Vingt et un ans plus tard, c’est encore mon choix. Pendu sur une croix, face à la mort prochaine, cherchant son souffle, on ne parle pas pour ne rien dire. Les trois crucifiés prennent la parole. Ce qu’ils disent m’éclaire sur le malheur, et sur Dieu.

Le mauvais larron, c’est mon frère. Comme la foule, il sait ce qu’a fait Jésus au long de sa vie publique. Il ne manque pas de foi, mais il est en colère : Jésus peut les sauver, et il ne le fait pas ! N’est-ce pas notre attitude face au mal ? Devant la souffrance, l’injustice, ne disons-nous pas spontanément au Seigneur tout-puissant de ne pas rester inactif, de faire un miracle ? Et notre demande devient, comme la sienne, une injure [1].

Jésus ne répond pas, mais le bon larron - cet autre frère - reprend l’injurieux : sa demande révèle un manque de crainte de Dieu. Demandons, oui ; exigeons, non. Et le bon larron poursuit : nos actes nous conduisent à la mort [2], mais Jésus est innocent. Job avait compris que devant le malheur innocent, il faut se taire avec respect ( et  [3].

Il s’adresse ensuite à Jésus. C’est un frère du publicain de la parabole (), mais il peut aller plus loin, car il a entendu le message de Jésus, il fait référence à son retour glorieux, avec espérance : maintenant je meurs, un jour tu reviendras avec ton royaume, alors souviens-toi de moi, fais-moi entrer dans ton royaume. Voilà quelle doit être ma prière devant la souffrance, l’injustice : pas une demande d’intervention, mais un appel confiant à celui qui a promis le royaume aux affligés.

Sa demande n’appelait pas de réponse immédiate. Mais cette fois Jésus répond, par un aujourd’hui [4] qui m’évoque les autres aujourd’hui de l’évangile : le salut aujourd’hui de Zachée, le pain quotidien aujourd’hui du Notre Père, la promesse finale d’être chaque jour avec nous.

[1Litt. un blasphème.

[2C’est la gravité de notre péché : il n’a pas fallu moins que la mort de Jésus pour nous en libérer ; Jésus a supplié son Père de lui épargner la Croix, si c’était possible.

[3Le respect est encore plus nécessaire ici, où ce malheur innocent est la même peine que Jésus a librement subie pour nous sauver de la mort où nous conduisent nos péchés.

[4Cet aujourd’hui de Jésus au Paradis pose question : quand donc descendra-t-il aux enfers ?

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Bruno SION s.j.

Enseignant à l’université Saint-Joseph de Beyrouth, Liban

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Publié: 01/03/2024