Allez, il vous précède en Galilée

Mt 28,7

Vous me demandez quel est mon passage préféré de la Bible et pourquoi. J’ai choisi la phrase qui est aussi ma devise épiscopale : « Allez, il vous précède en Galilée. »

Ce texte est une invitation à entrer dans le dynamisme de la mission du Christ ressuscité. La Galilée, c’était déjà pour les Hébreux un lieu où les races se mêlaient, où les caravanes se croisaient. La Galilée était opposée à Jérusalem, la ville sainte, où les Juifs se rassemblaient dans le temple qui manifestait à la fois l’unicité de Dieu et l’unicité du peuple signifiée par un seul temple.

Jésus se présente au contraire comme celui qui veut aussi rassembler les enfants de Dieu dispersés en essayant de rejoindre chacun et chacune dans sa propre culture, dans ses propres solidarités. Déjà Jésus avait dit à la Samaritaine que Dieu n’est adoré ni à Jérusalem, ni sur le mont Garizim, mais que les vrais adorateurs de Dieu le sont en esprit et en vérité. Il n’est pas d’autre lieu où Dieu puisse se révéler que le cœur de chaque homme et de chaque femme. En ressuscitant, comme il l’a promis à ses apôtres avant de mourir, le Christ est celui qui vient demeurer en chacun de nous. « Il vous est bon que je m’en aille et je viendrai demeurer en vous et non plus simplement à côté de vous. »

Cette présence du Christ ressuscité au cœur de chaque homme, l’Eglise a la mission de la lui révéler, elle est appelée à essayer de rejoindre le Christ qui la précède dans le cœur de chacun. Dieu ne fait pas de différences entre les hommes, c’est-à-dire qu’il n’est aucun homme à qui Dieu ne se rende présent d’une façon ou d’une autre. Certains le reconnaissent spontanément, d’autres ont besoin que des croyants qui ont déjà fait cette reconnaissance, leur permettent à leur tour d’en prendre conscience et d’y accéder.

Il y a bien sûr aussi tous ceux et celles qui ont du mal à accueillir cette présence vivante du Christ et à la reconnaître. Ce peut être à cause des obstacles qu’ils ont pu rencontrer dans leur vie, des échecs, des séparations, des deuils. Ils ont toujours un peu l’impression que si Dieu existait, ils ne seraient pas éprouvés de cette façon, si, comme on le prétend, Dieu est bon et puissant. La révélation de Jésus présent au cœur de chacun peut être un long cheminement, qui consiste à passer d’un Dieu qui serait contre nous, qui nous punirait, nous jugerait, à un Dieu qui est avec nous, Emmanuel, qui fait route avec nous, non pas pour nous juger, non pas pour nous condamner, mais pour porter avec nous nos difficultés et nos épreuves.

« Allez, il vous précède en Galilée. » C’est le commandement de Jésus à ses apôtres, c’est là qu’il veut se faire rencontrer, retrouver, non pas dans les temples, mais d’abord dans le monde, dans le cœur de chacun, qui mène sa vie avec d’autres, avec ses moments de doute, d’angoisse, d’espoir, de joie. La mission confiée à l’Eglise, à chaque communauté chrétienne, à chaque diocèse est de rejoindre les hommes dans leurs questions, leurs recherches, leurs interrogations, pour avec eux, accueillir cette lumière que le Christ éveille dans le cœur de chacun qui cherche la vérité, qui cherche non pas à se donner raison contre Dieu, mais qui cherche ce que Dieu peut avoir à lui dire dans ce qu’il est amené à vivre.

La mission de l’Eglise, c’est au cœur de cette recherche de pouvoir témoigner dans le cœur de chacun qu’il y a quelque chose qui le dépasse, qu’il y a comme une confiance indéracinable qui lui permet de continuer à avoir confiance en lui, confiance dans les autres, confiance dans l’avenir et aussi confiance en Dieu. La mission de l’Eglise est de permettre à chacun d’identifier la source de ces attitudes de fidélité dans la vie, découvrir qu’elles sont le reflet en nous de la confiance que Dieu, le premier, nous fait, de l’amour que Dieu, le premier, veut manifester à chacun.

C’est aussi dans ce sens que j’ai compris les démarches proposées, l’an dernier, « Allez au cœur de la Foi ». Le cœur de la foi, c’est-à-dire, ce qui permet à notre vie d’être irriguée par la confiance, par l’espérance, par l’amour, c’est un don que Dieu nous fait. En même temps qu’il nous crée, il nous aime, en même temps qu’il nous laisse libres dans la vie, il nous fait confiance. Cela aussi nous l’expérimentons lorsque nous-mêmes, nous essayons de transmettre la vie pas simplement comme une opération biologique, mais comme une expression d’un amour et d’une fidélité.

« Il nous précède en Galilée », il nous invite à le rejoindre au fond de nous-mêmes, continuant de nous créer, de nous donner sa vie pour que nous puissions ensemble en rendre grâce.

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Daniel LABILLE

Evêque émérite de Créteil.
(† 2022)

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Publié: 01/07/2023