17e dimanche ordinaire

1. « Un jour, quelque part, Jésus était en prière », venons-nous d’entendre. Un jour, quelque part… Quelle discrétion pour nous révéler l’un des moments les plus novateurs de l’évangile. Jésus en prière, les disciples l’avaient souvent vu ? mais de loin. Frappés par sa manière de prier, si différente de celle qu’ils avaient l’habitude de pratiquer, ils lui adressent cette demande qui leur brûle les lèvres : « Seigneur, apprends-nous à prier… », sous-entendu, comme toi, comme tu pries.

2. « Priez ainsi et dites : Père… » Ce n’est pas ainsi que les hommes s’adressaient à Dieu. Aucune religion ne parle ainsi à Dieu, de Dieu. Père, certes, il l’était pour le croyant juif mais au titre de créateur, de géniteur. Il avait pour Dieu tout à la fois une grande déférence, jusqu’à celle de ne jamais prononcer son nom, mais aussi une grande confiance, se sachant faire partie du peuple élu. Jésus, lui, nous fait entrer dans l’intimité que connaît la famille. Vous êtes en famille, leur dit-il. Jésus l’avait déjà dit : « Mon père qui est aussi votre Père. » Sur cette terre nous avançons, le regard baissé en regardant où mettre nos pas et notre prière n’a souvent d’autre but que de demander que soient ôtés tous les obstacles de notre route. Une prière terre à terre, pourrait-on dire. Jésus nous fait lever les yeux. Comme, lorsque nous entrons dans une cathédrale, nos regards sont attirés vers les hauteurs par ces colonnes qui d’un seul jet mènent vers les voûtes, les lumières des vitraux. Notre visage s’illumine devant cette beauté. Et nous ne voyons plus le sol sur lequel avancent nos pas. « Notre Père… » Notre cœur ne doit-il pas s’embraser de pouvoir dire à l’unisson de son Fils unique « Père » ? Celui qui est tellement Tout-Autre et que Jésus nous dit si proche, comme un père peut l’être de ses enfants. En quelques mots Jésus nous révèle que le ciel et la terre, l’éternel et le temporel, le fini et l’infini, le créateur et les créatures ne sont pas des mondes séparés, distants, incapables de communiquer mais qu’un lien les fait exister non pas l’un à côté de l’autre mais l’un avec l’autre, l’un en communion avec l’autre, et bien plus encore, l’un pour l’autre.

3. Alors éblouis par une telle révélation, que pouvons-nous faire d’autre que de souhaiter que sa volonté se fasse, que les hommes se retrouvent autour de leur Père des Cieux comme ses enfants ? Alors tout naturellement, spontanément, viennent ces vœux : « Que son nom soit sanctifié, que son règne arrive. » Thérèse d’Avila écrit : « Demander que le nom de Dieu soit sanctifié, ce n’est pas ajouter quelque chose à la sainteté de Dieu, mais c’est inviter la sainteté divine à pénétrer toute réalité terrestre pour la rendre plus conforme à son désir …C’est demander aussi que notre propre vie Lui rende gloire afin que ceux qui ne le connaissent pas encore puissent le reconnaître à travers ses enfants … Bien sûr, nous pouvons parfois désespérer de notre monde et de notre temps, mais il dépend de nous d’apprendre à vivre en communauté… Cette prière nous engage aussi à collaborer avec Dieu pour établir davantage de justice, pour faire tout ce qui contribue à la paix, et recevoir la joie. » Elle ne fit que recommander ce que l’apôtre Paul écrivait aux Colossiens : « Revêtez votre cœur de tendresse, de bonté, d’humilité, de douceur, de patience. »

4. Pour cela, il nous faut l’aide que Jésus invoque en notre nom : « Donne-nous notre pain quotidien. » Il ne s’agit pas seulement du pain dont nous avons besoin quotidiennement pour vivre mais du pain que saint Jérôme appelle « supersubstantiel », le pain plus que du pain pour traduire le terme « epiousios » des manuscrits grecs, terme qui n’a pas d’équivalent dans tous les écrits antiques. Il se souvenait de Jésus : « Je suis le pain de vie. » Thérèse d’Avila écrit que dans cette demande « nous disons à Dieu notre faim du Pain de sa Parole et du Pain de l’Eucharistie, Pain rompu pour un monde nouveau ». « Le Père sait ce dont nous avons besoin », a dit Jésus mais il ne donnera l’Esprit Saint qu’à ceux qui le lui demandent. Demandons donc en premier lieu d’en avoir faim.

5. Et puis vient la dernière imploration : « Ne nous laisse pas entrer en tentation. » Dans la bouche de Jésus le mot va bien plus loin que ce nous y mettons. Pour lui il s’agit de la grande tentation, la seule vraie tentation. Celle de perdre la confiance en ce Père des Cieux. Et nous y trouvons bien des motifs. Comme celui de ne pas pouvoir prouver son existence, celui de son silence, celui de ne pas avoir obtenu ce que nous avons demandé. Tous, ils mettent Dieu à notre niveau, à notre service, font de lui un objet utilitaire. Alors qu’il est le Tout Autre en même temps que le Tout Proche. Que pour franchir cet abîme, il n’est que la confiance. Thérèse d’Avila écrit encore : « Tout est accompli dans le temps de Dieu, mais nous sommes dans le temps de l’histoire et de ses lentes germinations. La prière à « Notre Père » est un cri de confiance, dans la foi, l’espérance et l’amour : Viens Seigneur, ne tarde pas. »

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Aloyse SCHAFF

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.

Publié: 24/07/2022