En ce mois de Marie, découvrir Louis-Marie, ‘‘théologien de classe’’

En 1990, je ne savais rien de Louis-Marie Grignion de Montfort. Arrivant de Bourgogne en Vendée, l’évêque tout nouveau que j’étais n’en avait que quelques images vagues, celle d’un prédicateur itinérant qui mettait des paroles pieuses sur des airs populaires, et qui se rendait vite insupportable aux évêques dont il parcourait les diocèses en électron libre, indisposant les prêtres…

Dix ans plus tard, c’était le 13 octobre 2000, j’avais la très grande joie de demander au Saint Père le “doctorat” de saint Louis-Marie. Je le faisais au nom des trois familles montfortaines qui entre temps me l’avaient fait découvrir et aimer. Leurs supérieurs généraux étaient là [1], entourés de ceux et celles qui envahissaient la salle d’audience où nous étions reçus au Vatican, manifestement des baptisés tout simples, venus de France et d’Italie, mais aussi des États-Unis, du Canada, d’Argentine, de l’Inde, des Philippines, du Brésil, de Madagascar, d’Haïti…

Pourquoi cette demande de "doctorat" ? Non pas d’abord pour faire plaisir à Jean-Paul II dont nous savions l’affection pour ce géant de la mission : il lui avait emprunté sa devise : "Totus tuus" ; il avait voulu s’agenouiller devant sa tombe à Saint-Laurent-sur-Sèvre avant d’entreprendre son septième voyage en France, le 19 septembre 1996. Non pas pour tout cela, mais parce que nous savions l’originalité, la fécondité et l’actualité de sa doctrine spirituelle. S’il fallait la résumer en quelques formules lapidaires, illustrées de quelques citations surprenantes, j’en risquerais cinq :

 Par rapport à Dieu, Marie n’est rien du tout : "J’avoue, avec toute l’Église, que Marie, n’étant qu’une pure créature sortie des mains du Très-Haut, comparée à sa majesté infinie, est moindre qu’un atome, ou plutôt n’est rien du tout, puisqu’il est seul “Celui qui est”" (VD 14) [2].
Voilà de quoi guérir de toute forme de mariolâtrie.

 Mais, avec Marie, on va plus vite au Christ : "Si la dévotion à la sainte Vierge éloignait de Jésus Christ, il faudrait la rejeter comme une illusion du diable ; …cette dévotion ne nous est nécessaire que pour trouver Jésus Christ parfaitement, l’aimer tendrement et le servir fidèlement" (VD 62).
Voilà de quoi vérifier le christocentrisme de la doctrine mariale de saint Louis-Marie.

 Avec Marie et par le Christ, nous allons tout droit au cœur du mystère de la Trinité. "Dieu le Père n’a donné son Unique au monde que par Marie …Le Fils de Dieu s’est fait homme pour notre salut, mais en Marie et par Marie. Dieu le Saint Esprit a formé Jésus Christ en Marie, mais après lui avoir demandé son consentement" (VD 16).
Voilà de quoi aller au cœur de la foi : Dieu se révèle Unique en trois personnes qui veulent nous apprendre à nous aimer comme elles s’aiment.

 Avec Marie et grâce à la Trinité, nous réveillons notre baptême. Se consacrer à Marie, c’est ainsi que se terminaient toutes les missions prêchées par Louis-Marie, n’est en réalité rien d’autre qu’une “parfaite rénovation des vœux ou promesses du Saint Baptême” (VD 126). Il s’agit de "secouer par le baptême l’esclavage tyrannique du démon" (VD 34).
Voilà de quoi secouer notre baptême.

 Enfin, avec Marie, les vrais baptisés servent les vrais pauvres. En se mettant à leur service bien sûr. Il suffit de voir de quelle manière les Filles de la Sagesse, pour ne citer qu’elles, le vivent aujourd’hui à travers le monde. Mais aussi par l’annonce de la Foi : « Comme je parle particulièrement aux pauvres et aux simples qui, étant de bonne volonté et ayant plus de foi que le commun des savants, croient plus simplement et avec plus de mérite, je me contente de leur déclarer simplement la vérité, sans m’arrêter de leur citer tous les passages latins qu’ils n’entendent pas… » (VD 26).
Voilà de quoi retrouver le goût des catéchèses simples et populaires dont notre Église a le plus grand besoin.

Un jour, Jean-Paul II a dit de Louis-Marie qu’il était un “théologien de classe”. Je le crois vraiment.

[1Le père William Considine pour les Montfortains, sœur Barbara O’ Dea pour les Filles de la Sagesse et frère René Delorme pour les Frères de St Gabriel.

[2Traité de Vraie Dévotion in Louis-Marie Grignion de Montfort, L’Amour de Jésus en Marie. Nouvelle édition et présentation par le frère François-Marie Léthel, éd. Ad Solem, 2000

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François GARNIER

Archevêque de Cambrai († 2018).

Publié: 01/05/2017