Parle-moi des missionnaires

Merci de me laisser savoir que la prière que je t’ai envoyée il y a quelques semaines t’a émue et intéressée, surtout le paragraphe où il est dit : "O Marie, sois le soutien des missionnaires qui traversent les montagnes en pays étranger pour porter Dieu aux âmes." Et tu me demandes de te parler d’eux, de ces missionnaires qui sont venus porter la Parole de Dieu à Maurice. Mais, Isa, tous les prêtres venus à Maurice sont, de fait, des missionnaires. De plus, n’oublie pas que plusieurs de nos prêtres mauriciens sont en mission dans des pays étrangers. Mais je dirai même plus, je dirai que ceux qui n’ont jamais quitté Maurice, sont de fait des missionnaires. Ils ont répondu à l’appel du Christ : "Viens, suis-moi" et depuis qu’ils ont répondu à cet appel, ils ne s’appartiennent plus ; ils portent la parole de Dieu à travers villes et villages. Pour moi, ils sont tous, missionnaires du Christ.

Aujourd’hui, je t’envoie le témoignage de Jean-Luc, un jeune prêtre français de 39 ans qui, depuis deux ans, est en mission dans une paroisse du Tadjikistan à quelques dizaines de kilomètres de la frontière afghane. Il est en fait en pays musulman mais avec une petite colonie russe constituée d’anciens déportés allemands, donc catholiques. Il est responsable d’une petite paroisse et sillonne aussi le pays.

Voici ce qu’a écrit le Père Jean-Luc, tout d’abord sur la difficulté de communication avec le monde extérieur de là où il est, et de sa vie de prêtre dans "sa" paroisse :
« Pour que je puisse envoyer un mail (le seul moyen de communiquer possible), il faut à la fois... du temps libre (très rare), un ordinateur qui marche (rare aussi quand il y a des petites mains d’enfants qui le bidouillent), de l’électricité et du téléphone ! Conditions très difficiles à obtenir simultanément quand on habite au Tadjikistan où, avec les coupures d’électricité - jusqu’à 20 heures par jour non programmées -, il est impossible de prévoir un emploi du temps. Pour les coupures, c’est de la fantaisie. Quand ils nous branchent il est impossible de savoir si ça va tenir : une heure, deux minutes ou la demi-journée.

C’est très dur de travailler dans ces conditions. Les ouvriers perdent beaucoup de temps. Et cela coupe tout élan au travail. Depuis décembre nous avons aussi de longues coupures de téléphone, qui vont de plusieurs heures à plusieurs jours... pas plus annoncées que celles de l’électricité !

S’il m’arrive de travailler sur l’ordinateur (branché par système D sur une batterie de camion, rechargée dans ma voiture à la lueur d’une chandelle...) il me faut tout de même de l’électricité et du téléphone pour envoyer le mail ! Vive le progrès ! »

Jean-Luc nous parle aussi de ses joies, de sa vie dans "sa" paroisse :

« J’ai eu la joie de célébrer la messe de minuit (à l’électricité, rendue à minuit moins le quart... précédée d’une veillée de prière... sur une batterie, devant 100 à 150 personnes réunies dans mon église dont des musulmans ! Le 26 décembre, à la demande de soldats français en transit à Dushanbe (la capitale) je suis allé leur dire une messe de minuit en français pour fêter Noël avec eux et leur tenir le moral.

La semaine suivante a été passée à Khudjand dans le nord, où je lance une deuxième paroisse et installe une chapelle dans un petit studio (poser des carreaux, fabriquer une crèche, des bancs etc.) afin de célébrer Noël pour l’Epiphanie, avec les catholiques du coin... qui n’avaient pas pu le faire depuis 10 ans ! Du temps de la clandestinité ! Dix ans sans prêtre... les sectes qui se sont précipitées dès l’ouverture des frontières, ont fait bien des ravages ! Mais il est resté des fervents, heureux de trouver un prêtre et de le tenir ! J’ai un autre petit "studio" type réduit, à 50 mètres de là pour servir de presbytère où il y a aussi beaucoup de travaux à faire pour le rendre habitable.

Khudjand est à 500 km... par des routes tadjik super-défoncées qui passent par deux hauts cols (on est dans l’Himalaya !) de plus de 4 000 mètres, fermés par la neige 8 mois par an. Quand les cols sont ouverts on s’y rend par camion-taxis qui font la navette... à la demande et quand ils sont fermés il reste les vieux Tupolev du temps du communisme... à la sécurité et au confort très modestes.

A Kurgan Tube, le clocher avance lentement. Ils sont quand même arrivés au sommet, sous la flèche. Le sculpteur travaille avec acharnement pour faire sortir d’un gros tronc d’arbre une statue de 2,50 mètres qui dominera le clocher, sur le modèle de Notre-Dame de France portant bien haut son Enfant Jésus.

Pour les cloches, il y a un espoir mais ce n’est encore qu’un espoir, d’avoir de vraies cloches... en remplacement des marmites d’aluminium... qui ne sonnent pas si mal que ça !

En plus des enfants recueillis depuis l’an dernier j’ai hérité de trois orphelins pour lesquels il faut faire toutes sortes de démarches afin de les envoyer en Russie chez un oncle prêt à les prendre avec lui. Mais ce n’est pas simple... Démarches interminables (3 mois déjà !) auprès d’une administration compliquée et tatillonne.

Les enfants (une quinzaine) recueillis à plein temps ou pour la journée, mais toujours nourris, sont en général des enfants de la rue sans père pour la plupart ou que le père alcoolique profond ne cesse de tabasser. Ils ne vont pas à l’école et sont de vrais petits sauvages... et pourtant accrochent très fort à la rencontre de Jésus dans l’adoration du Saint-Sacrement. Au point qu’ils se relaient pour faire des nuits d’adoration ou des jours entiers (trois fois par semaine régulièrement) près de Jésus (lui chantant parfois le dernier tube à la mode !).

Ces enfants me "mangent" tout mon temps, et me fatiguent beaucoup mais je suis convaincu que la force de la prière des enfants reste le plus solide fondement pour le retour à Dieu de la multitude. Ils mènent une vraie vie monastique - puisqu’ils sont dans une paroisse et non pas un simple orphelinat - avec messe, adoration et chapelet quotidiens... »

Le message s’arrête ici... brusquement...
coupure d’électricité, du téléphone, panne de l’ordinateur...
on le saura si jamais Jean-Luc rappelle.
Mais en attendant, pour l’aider, nous pouvons prier pour lui, pour les prêtres et pour les missionnaires.

Et maintenant, Isa, comme toujours je veux te souhaiter une bonne nuit. Que Dieu te garde !

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M.J. Arlette ORIAN

Ancienne directrice d’une école de secrétariat à l’île Maurice

Publié: 01/06/2022